LA CRISE DU SYNDICALISME EN AFRIQUE DE L'OUEST
Selon Babacar Fall, "les syndicats se sont trop formalisés". Leur manque de démocratie interne mène à des "batailles de contrôle" et des scissions à répétition, rendant les structures "peu attractives" pour les travailleurs sénégalais
(SenePlus) - En ce 1er mai, les travailleurs d'Afrique de l'Ouest célèbrent leur journée dans un contexte syndical pour le moins difficile. Comme l'explique le Professeur Babacar Fall, historien spécialiste des questions du travail, "le syndicalisme ne se porte pas bien" dans cette région.
Au Sénégal, qui illustre bien la tendance générale, l'heure est au constat amer : "Si l'on compare la situation des syndicats par rapport à la période qui a conduit vers les indépendances, où les syndicats ont véritablement joué un rôle moteur très important (...) les syndicats durant cette période ont véritablement joué le rôle de contre-pouvoir." Las, ce n'est plus le cas aujourd'hui.
L'émiettement syndical y est "très remarquable" avec "une vingtaine de confédérations". Le Professeur Fall déplore "cette faible attractivité des syndicats" qui "n'est pas du tout en faveur de l'émancipation des travailleurs et de la défense de leur pouvoir d'achat".
Selon lui, "les syndicats se sont trop formalisés. Ils sont devenus trop conventionnels". Leur manque de démocratie interne mène à des "batailles de contrôle" et des scissions à répétition, rendant les structures "peu attractives" pour les travailleurs.
Face à ces syndicats défaillants, ce sont désormais "des mouvements de plus en plus spontanés qui s'organisent" pour défendre les droits des travailleurs. Le Professeur Fall cite l'exemple du "mouvement Frapp qui fait beaucoup d'agitation" pour pallier "les faiblesses des syndicats".
Cette crise syndicale touche l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. "Le portrait du Sénégal cadre parfaitement avec ce que nous pouvons avoir au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, au Niger ou en Côte d'Ivoire" affirme le spécialiste.
Dans les pays du Sahel, marqués par l'insécurité, s'ajoute la difficile "restriction des libertés" qui impacte logiquement la liberté syndicale. "Des partis politiques ont été interdits d'activité. Il va sans dire que dans des conditions où les libertés sont confisquées par l'État, les libertés syndicales souffrent également."
Face à ce sombre constat, l'avènement du nouveau président sénégalais apparaît comme "une porte d'espoir" pour renouer le dialogue avec les corps intermédiaires. La décision de réautoriser les défilés du 1er mai après 3 ans d'interdiction est un "signe positif" selon le Professeur. Fall.
"Le nouveau régime ouvre une porte d'espoir. Il faut souhaiter que cette porte se consolide", insiste l'universitaire, appelant à une écoute accrue des revendications sociales pour "renché[rir] le pouvoir d'achat des travailleurs".
En ces temps de crise et de vives tensions sur le pouvoir d'achat, la réhabilitation du dialogue avec les représentants légitimes des travailleurs s'impose. Le 1er mai célèbre les conquêtes sociales issues de luttes solidaires.