LA PROMESSE TRAHIE DU RETOUR DES TRÉSORS D'AFRIQUE
Depuis l'engagement de Macron en 2017, l'attente se fait interminable pour les pays du continent. Dans une tribune cinglante, des responsables du Bénin, du Nigeria et du Sénégal dénoncent le "choc" d'un nouveau report de la loi sur les restitutions
(SenePlus) - Dans une tribune publiée dans Le Monde le 30 avril 2024, des responsables de musées et de la restitution du patrimoine du Bénin, du Nigeria et du Sénégal ont exprimé leur profonde déception face au report de la loi promise par Emmanuel Macron en 2017 pour faciliter les restitutions d'œuvres d'art africaines.
"Le report de la loi promise est pour nous un choc", ont écrit Babatunde E. Adebiyi, Fatima Fall Niang et Alain Godonou, déplorant que seuls 27 biens aient été rendus depuis les engagements du président français il y a sept ans.
En 2017 à Ouagadougou, M. Macron avait affirmé : "Je veux que, d'ici cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique." Cette déclaration, suivie du rapport Sarr-Savoy en 2018, avait soulevé un immense espoir chez les pays francophones dont certains trésors majeurs se trouvent encore en France depuis la colonisation.
Cependant, les critiques du Conseil d'État français sur le projet de loi, révélées par Le Monde, soulignent de nombreux vices juridiques. Le Conseil estime notamment que le projet "contrevient à un principe fondamental" en ne justifiant pas les restitutions par "un intérêt public supérieur".
"L'intérêt culturel des peuples n'est-il pas un motif impérieux, un intérêt général supérieur ?", s'interrogent les auteurs, citant le Pacte international de 1966 sur les droits civils et politiques ratifié par la France. Ils appellent à "fonder une éthique relationnelle repensée" avec des "commissions scientifiques paritaires" étudiant l'histoire de ces appropriations.
Le Conseil d'État a également critiqué la "conditionnalité" prévue par le texte, avec une "obligation de présentation au public" des œuvres restituées, perçue comme un contrôle néocolonialiste de la politique culturelle africaine.
"Depuis 2017, la France n'a restitué que 27 biens, alors que d'autres pays européens se sont engagés dans des restitutions bien plus ambitieuses", regrettent les responsables, évoquant le cas du Nigeria qui a recouvré la propriété de milliers d'œuvres via des accords.
"La restitution est d'un intérêt supérieur : transmettre notre histoire, éduquer, inspirer nos artistes, développer notre économie, refonder nos coopérations, asseoir notre identité", plaident-ils. "Nous sommes prêts à bâtir avec nos homologues français une éthique relationnelle repensée."