BOUBOU SENGHOTE PLAIDE POUR UNE EQUITE LINGUISTIQUE AU SENEGAL
Il souligne que dénoncer un tel parti pris pour le wolof ne relève pas, de la part de «Potal Demde Nguendiije» et de « Kisal Deeyirde Pulaagu», d’une volonté de récuser la langue wolof.
Dans une lettre ouverte du 9 mai 2024, adressée au Président Bassirou Diomaye Faye, Ngugi Wa Thiong’o du Kenya et Boubacar Boris Diop du Sénégal ont fait un plaidoyer en faveur des langues nationales, mais en prônant une valorisation du wolof aux côtés des langues maternelles sénégalaises. Une position vivement critiquée par El Hadji Boubou Senghote, coordonnateur pour «Kisal Deeyirde Pulaagu» et «Potal Demde Nguendiije», mais aussi Samba Djinda Ba, Thiambel Ba et Thierno Abou Sy qui ont également, dans deux lettres ouvertes adressées au Président Bassirou Diomaye Faye, exprimé leurs appréhensions.
«Comme eux (Ngugi Wa Thiong’o et Boubacar Boris Diop), nous sommes d’avis qu’une attention particulière doit être accordée aux langues nationales ; l’histoire ayant prouvé qu’aucun pays ne saurait se développer à partir d’une langue étrangère. La langue est, en quelque sorte, un élément de souveraineté nationale en ce qu’elle est un véhicule de l’esprit national… La langue, c’est l’âme d’un Peuple. Si elle n’est pas parlée, elle mourra immanquablement de sa belle mort et, avec elle, l’ethnie où le peuple qui la parlait.» C’est sur ce constat que débute la réponse de El Hadji Boubou Senghote, coordonnateur pour « Kisal Deeyirde Pulaagu» et «Potal Demde Nguendiije» à la « Lettre ouverte à Bassirou Diomaye Faye, des romanciers et essayistes Ngugi Wa Thiong’o du Kenya et Boubacar Boris Diop», du 9 mai 2024. Alors, conscients que le Sénégal ne pourrait se développer dans la paix et la stabilité en niant des pans entiers de sa culture et de ses langues, El Hadji Boubou Senghote, Samba Djinda Ba, Thiambel Ba et Thierno Abou Sy, ainsi que de nombreuses autres associations pulaar du Sénégal et de la diaspora comptent sur le Président Bassirou Diomaye Faye pour faire rétablir l’équité et la justice sur les questions évoquées. Dans leur missive, ils plaident pour un modèle multilingue inclusif, citant des exemples de pays où cette approche favorise l’harmonie et la cohésion sociale. «Pour l’instant, l’article premier, deuxième alinéa de la Constitution, se borne à préciser que la langue officielle de la République du Sénégal est la français. S’il n’est pas question de toucher à cette règle qui n’a nullement perdu sa raison d’être, il apparait opportun et légitime d’introduire dans la Constitution, à côté de la notion de langue officielle, celle de langues nationales dont le gouvernement se préoccupe sans relâche de fixer les règles de base de façon à pouvoir progressivement généraliser leur enseignement… Les langues nationales sont le diola, le malinké, le pulaar, le sérère, le soninké, le wolof et toute autre langue nationale qui sera confiée», explique El Hadji Boubou Senghote.
Chancelier des Affaires étrangères à la retraite, il précise également que le Législateur sénégalais a même cité ces langues dans un impeccable ordre alphabétique, comme pour insister sur le fait qu’aucune d’elles n’est supérieure aux autres et que personne ne devrait conférer une quelconque prétendue supériorité de l’une d’entre elles sur les autres. Dans les deux lettres ouvertes, Senghote et Cie soulignent le danger de la prééminence du wolof au détriment des autres langues nationales, mettant en garde contre une possible marginalisation linguistique et culturelle. «Avec eux, nous disons que les langues nationales doivent être la pierre angulaire du nouveau Sénégal. Chaque Sénégalais a le droit d’exiger le respect de sa langue maternelle», explique Boubou Senghote, soulignant que toute hiérarchisation pourrait menacer l’intégrité nationale et la stabilité du pays.
La valorisation des langues nationales
Pour le coordonnateur de «Kisal Deeyirde Pulaagu» et «Potal Demde Nguendiije», toutes les langues nationales, qu’elles soient le pulaar, le sérère, le soninké, le wolof, le mandinka ou le diola, doivent bénéficier du même traitement et être valorisées de manière équitable. Ils ne demandent ni plus ni moins, et ils sont même fiers que la langue wolof soit valorisée. Mais ce qu’ils rejettent, c’est plutôt le fait que cette valorisation du wolof se fasse au détriment des autres langues nationales sénégalaises qui devraient, toutes, être traitées sur un pied d’égalité. «Un traitement égal des langues nationales sénégalaises s’impose donc, aussi bien dans les programmes éducatifs et les médias que d’autres de l’espace public, afin de bâtir des passerelles porteuses de paix entre les différentes composantes ethniques et de notre chère Nation. Nous ne demandons que l’observance des dispositions législatives et réglementaires de notre pays, le Sénégal que nous chérissons tous», précise Hadji Boubou Senghote.
Il souligne que dénoncer un tel parti pris pour le wolof ne relève pas, de la part de «Potal Demde Nguendiije» et de « Kisal Deeyirde Pulaagu», d’une volonté de récuser la langue wolof. «Cette égalité de traitement devrait être observée au prorata du nombre de locuteurs natifs de nos différentes langues ; par opposition à la fameuse théorie dite langue du milieu cherchant à placer officiellement le wolof sur les autres langues du pays», dit-il, appelant à une révision des programmes éducatifs et médiatiques pour assurer une représentation équitable de toutes les langues nationales.