QUELLES DIFFERENCES ENTRE LES CONCERTATIONS DE 2018 ET LES ASSISES DE CE JOUR ?
Entre les concertations sur la modernisation de la justice, organisées en mars 2018, et les assises de la justice qui se tiennent à partir de ce mardi, il y a une multitude de ressemblances sur plusieurs points.
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Entre les concertations sur la modernisation de la justice, organisées en mars 2018, et les assises de la justice qui se tiennent à partir de ce mardi, il y a une multitude de ressemblances sur plusieurs points. Naturellement, on note aussi plusieurs différences. Le statut du magistrat, le Conseil supérieur de la magistrature, les critiques à l’endroit de la justice ou encore son financement avaient été déjà évoqués il y a six ans.
Depuis l’annonce par les nouvelles autorités que l’édition de cette année de la journée du dialogue prendrait la forme d’assises de la justice, beaucoup de nos compatriotes critiquent cette décision. Pour eux, ce sera du réchauffé, car, en 2018, une rencontre similaire sur le même sujet s’était déjà tenue à l’initiative de l’ancien régime. En lisant les deux documents que sont les termes de référence des assises qui démarrent ce matin et le report définitif de celles qui se sont tenues, il y a six ans, on se rend compte qu’il existe plusieurs similitudes entre les deux événements. En effet plusieurs thématiques qui vont être abordées aujourd’hui à Diamniadio, plus précisément au Centre de conférences international Abdou Diouf (Cicad), figuraient déjà sur le rapport de 2018. Il s’agit entre autres du fameux statut du magistrat, du Conseil Supérieur de la Magistrature relativement à son organisation et son fonctionnement, de la dématérialisation de la justice, de sa modernisation. C’est dire que les Termes de références des deux concertations se rejoignent. Sur la méthodologie également, il ne manque pas de similitudes.
Pour le dialogue de ce matin, la méthodologie consiste à garantir un dialogue fructueux avec la mise en place de plusieurs dispositions que sont les commissions de travail composées de spécialistes dans la réforme et modernisation. Une commission scientifique en charge de la synthèse et du rapport des actes du dialogue, une plénière avec des débats ouverts et des discussions, une synthèse réalisée par le modérateur pour récapituler les principales conclusions et des rapports thématiques ainsi qu’un rapport général dans lesquels seront notées la compilation et la synthèse des discussions et recommandations. En 2018, les initiateurs des concertations autour de la modernisation de la justice avaient parlé d’une concertation inclusive, participative et consensuelle.
Pour eux, il s’agissait de la mise en commun des efforts pour développer une compréhension partagée d’une problématique ou d’une situation déter[1]minée afin de convenir de réponses collectives à des problèmes vécus. Dans le rapport de ces concertations tenues en mars 2018, on peut lire qu’’’on peut en effet difficilement ignorer que la modernisation de la justice ne peut se satisfaire de cette triple inclinaison, fût-elle nécessaire, voire impérieuse. Il lui faut aussi, et surtout, s’adosser sur une vision d’ensemble partagée par toutes les parties prenantes qui doivent se l’approprier’’. Sur les résultats attendus du dialogue qui ouvre ce matin, en présence du président de la République Bassirou Diomaye Faye, il est écrit qu’il vise à aboutir à des résultats concrets et mesurables.
Frustrations, critiques, financements…
L’objectif est d’obtenir un régime de privation des libertés mieux encadré, une gestion de la carrière des magistrats plus transparente, des procédures judiciaires traitées avec diligence et transparence, des plateformes dématérialisées instituées et fonctionnelles dans toutes les juridictions, des services judiciaires disposant de moyens budgétaires suffisants et un régime financier autonome plus souple pour les six jours d’appel. Des attentes qui se rapprochent des justifications de la concertation tenue il y a six ans. Lors de ces dernières, les initiateurs avaient pour objectif de rendre la justice plus accessible, plus simple, plus efficace, et renforcer son indépendance, promouvoir une justice au service du public et non une justice service public, simple rouage de l’administration générale sous l’autorité de l’exécutif.
Il faut dire que beaucoup de justiciables n’ont cessé, durant ces dix dernières années, de dénoncer une justice à deux vitesses. Une situation qui a grandement motivé les nouveaux dirigeants du pays à tenir ces assises de la justice. En 2018, dans le rapport définitif, les rapporteurs soutenaient notamment que « les frustrations de tous bords, accentuées et accumulées, ont entraîné un malaise sourd qui au[1]jourd’hui a presque abouti à une césure interne ». Le document ajoutait qu’à l’extérieur, la dénonciation s’amplifiait lorsque la justice, à travers le parquet, donne l’impression de servir plus l’exécutif que les citoyens au nom de qui elle est rendue. Selon toujours le rapport, les magistrats n’ont cessé de dénoncer les dysfonctionnements tant au niveau des nominations et affectations que des sanctions déguisées ou non à leur encontre. Le financement du secteur de la justice constitue une préoccupation aussi bien pour les autorités que pour les professionnels. Sur ce point, les conclusions des concertations de 2018 estimaient qu’au stade des garanties financières, au-delà d’un traitement décent pour les magistrats, les juridictions devraient avoir l’assurance du pouvoir politique de bénéficier de moyens de fonctionnement suffisants. Six ans plus tard, cette question du financement n’est toujours pas résolue et devrait sans doute figurer en bonne place dans les débats des Assises qui s’ouvrent ce jour à Diamniadio.