NE FAUT PAS CONFONDRE NECESSAIRE REFORME DU SYSTEME JUDICIAIRE ET LYNCHAGE DES PRATICIENS DU DROIT
Dans l’histoire politique du Sénégal, les institutions judiciaires sont sans doute le levier le plus éprouvé. A force d’être sollicitées sur des questions politiciennes, elles subissent les avatars du jeu démocratique.
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Dans l’histoire politique du Sénégal, les institutions judiciaires sont sans doute le levier le plus éprouvé. A force d’être sollicitées sur des questions politiciennes, elles subissent les avatars du jeu démocratique. Cette forte propension à les mêler aux querelles de chapelles tend à les décrédibiliser vis à vis des justiciables et aussi à les affaiblir face au pouvoir exécutif.
A vrai dire, les professionnels de la justice, les magistrats au premier chef, ont vécu pénible[1]ment la situation électorale chaotique, orchestrée du reste par des politiciens sans scrupule, pour les diviser et discréditer les institutions. Aux aguets ou tapis dans les couloirs d’un pouvoir en déliquescence, des rentiers ont tenté manifestement de placer les institutions judiciaires au cœur d’une cabale sans précédent. La calomnie et la médisance ont profondément affecté les magistrats, principalement ceux du Conseil constitutionnel. Les accusations de corruption portées contre deux d’entre eux tendaient vilement à susciter une guéguerre des institutions judiciaires, voire une guerre des institutions tout court puisque, à un moment donné, les députés de l’Assemblée nationale semblaient vouloir croiser le fer avec les juges du Conseil constitutionnel.
Fort heureusement, les magistrats, en particulier les membres du Conseil Constitutionnel et de la Cour Suprême, ont su trouver les ressorts nécessaires pour éviter de tomber dans le piège grossier qui leur était tenu. Et aussi pour éviter de se départir de leur sérénité. Le charivari judiciaire a suscité, de leur part, un véritable sursaut d’orgueil pour ne pas succomber au climat politique mal sain. A l’arrivée, les institutions judiciaires ont bien fonctionné et résisté aux as[1]sauts visant à les déstabiliser. C’était tout à l’honneur de notre pays et sa démocratie. En effet, laprésidentielledu24mars 2024 était un test que les acteurs du système judiciaire ont su relever courageusement, avec des arguments qui ont établi une jurisprudence électorale. La stabilité des institutions judiciaires et l’honneur des praticiens du droit sont saufs grâce à leur aptitude professionnelle et leur force morale. Le défi qu’ils ont relevé a été déterminant dans le regain d’espoir en vertu duquel les justiciables ont relativisé nombre de critiques acerbes contre les magistrats.
Pour que la confiance soit restaurée définitivement, les magistrats doivent préserver leur moral de la peur et refuser toute forme d’inféodation à quelque autorité que ce soit, excepté bien entendu celle de la loi. Une loi qui s’impose aussi à tous les acteurs du système judiciaire. C’est du reste un principe fondamental qui ressortira des assises de Diamniadio. Il est clair que les justiciables n’entendent pas laisser libre cour aux professionnels du système judiciaire qui pourraient être tentés d’augmenter leurs prérogatives et pouvoirs.
En somme, la peur d’une République des juges incitera à décliner les axes susceptibles d’équilibrer les institutions et de respecter scrupuleusement les droits individuels et collectifs des citoyens. Lesquels citoyens sont tenus pour leur part, à travers leurs représentants, de faire la part des choses et veiller à ne pas confondre assises de la justice et lynchage des acteurs judiciaires. Seul l’objectif d’une réconciliation avec une justice enfin réformée et ayant reconquis son indépendance, doit guider les Sénégalais dans le déroulement des travaux de ces Assises nationales de la Justice.