LES «VAUTOURS» SONT DE NOUVEAU EN ACTION
Depuis quelques temps, des individus qui se réclament des acteurs de la paix, sortent du bois. Elles ont repris leur éternelle agitation, donnant l’impression qu’elles œuvrent pour le retour de la paix.

Depuis quelques temps, des individus qui se réclament des acteurs de la paix, sortent du bois. Elles ont repris leur éternelle agitation, donnant l’impression qu’elles œuvrent pour le retour de la paix.
« Ces individus font du tape à l’œil pour attirer l’attention des nouveaux dirigeants sénégalais sur eux. Leur stratégie consiste souvent à initier des rencontres et inviter les autorités administratives de Ziguinchor et quelques membres du Mfdc qui n’ont plus aucune influence sur la marche du Mouvement et avec qu’ils entretiennent des relations. Une fois ce décor planté, s’ensuivent des discours du genre : la paix a connu des avancées significatives dans notre région. Aujourd’hui, on peut voyager, de jour comme de nuit, sans être inquiété. Ce qui n’était pas possible, il y a dix ans. Les déplacés et réfugiés du conflit sont en train de retourner progressivement dans leurs villages d’origine qu’ils avaient abandonnés aux temps forts du conflit. Dans certaines localités, les activités économiques ont même repris à la faveur du déminage », dénonce un observateur. Pour se donner le bon rôle, ils laissent entendre qu’ils vont poursuivre leurs efforts pour consolider ‘’les acquis de cette paix ». « À les écouter, on a même l’impression que le retour d’une paix définitive n’est plus qu’une formalité. Ils font croire que le vrai Mfdc a pris une option irréversible dans ce sens. Ainsi, ils remplissent d’espoir les cœurs de ceux qui aspirent à cette paix. Alors que la situation est loin de refléter celle qu’ils décrivent » dénonce encore notre interlocuteur. Aux côtés de ces gens, il y a également les missionnaires de l’Etat. Eux aussi vont dans le même sillage et peaufinent des stratégies qui consistent à bluffer le gouvernement. Et pour bien élaborer leurs stratégies, ils trouvent un terrain d’entente avec d’anciens combattants du Mfdc qui feront des déclarations à l’occasion des rencontres qu’ils vont convoquer. « Ils utilisent ces ex-combattants comme caution. Alors qu’en réalité, ils travaillent avec des individus qui ne décident de rien au sein du mouvement indépendantiste », dénonce encore cet observateur. C’est en réalité, ce qui se passe depuis près de deux décennies.
Leur slogan favori est ‘’promouvoir une paix des braves sans vainqueurs ni vaincus»
Récemment, par exemple, on a assisté à Ziguinchor à une rencontre à l’initiative de soi-disant facilitateurs pour marquer l’an un des accords de paix, signés en mai 2023 et considérés par les initiateurs comme un acte majeur. Cette rencontre a regroupé divers mouvements et organisations qui s’agitent autour de la question casamançaise et d’ex-combattants du front nord avec comme objectif avancé : ‘’consolider les acquis’’. Après les discours habituels, les initiateurs ont appelé toutes les autres factions du Mfdc à emprunter la voie de leurs frères d’armes de Diakaye afin de parvenir à une paix définitive en Casamance. Mais aux yeux de beaucoup d’observateurs, cette rencontre ressemble fort bien à du tape à l’œil lancé en direction du nouveau régime en place. Une manière de chercher un agrément pour continuer à officier dans la recherche de la paix.
Accords historiques avec Me Wade en 2004.
Qui ne se souvient pas des accords signés en grande pompe à la gouvernance de Ziguinchor en décembre 2004 entre le régime de Me Abdoulaye Wade et le Mfdc du temps de l’abbé Diamacoune Senghor, la figure historique du mouvement irrédentiste. Cet événement avait mobilisé tout le gouvernement sénégalais de l’époque et beaucoup de ses partenaires au développement qui s’étaient retrouvés à Ziguinchor pour prendre part à ce rendez-vous qui avait été jugé historique. Même le président Abdoulaye Wade avait fait le déplacement pour marquer cette date. Ce jour-là, les yeux de tous les observateurs étaient tournés vers Ziguinchor espérant que l’un des plus vieux conflits du continent africain allait, enfin, connaître sa fin. Mais après la signature et avant même le début des négociations qui devaient mettre autour d’une table le gouvernement et les responsables du mouvement indépendantiste pour définir les orientations qui allaient consolider cet accord, des franges du Mfdc, qui disaient ne pas être concernées par cet accord, s’étaient faits signaler dans le maquis par des actes de sabotage. Ces dernières, déterminées à faire échec à cet accord, s’illustreront par plusieurs braquages sur les grands axes routiers et par des incursions dans de nombreux villages dans la région. En quelque sorte, ils feront revenir la situation de ni paix ni guerre qui caractérise la Casamance depuis des décennies. Mais malgré cette situation, les missionnaires de l’Etat trouveront des moyens pour convaincre le président Wade pour que se tiennent des pourparlers comme convenu, lors de la signature de l’accord. Et Foudiougne sera choisi pour abriter cette rencontre. On connaît la suite… Cet accord ne produira jamais les résultats escomptés. Autrement, la Casamance replongera de plus belle dans la tourmente avec ses cortèges de désolations.
En 2011 des soldats faits prisonniers
En 2011, il se produira des événements jamais arrivés en Casamance depuis l’éclatement du conflit. Des soldats seront faits prisonniers par des éléments de Salif Sadio lors d’affrontements qui ont eu lieu à Kabeub, dans la zone de Bounkiling. Ces derniers seront entre les mains de Salif jusqu’à la chute du président Wade en 2012. C’est à l’arrivée de Macky Sall que ces derniers seront libérés à la suite d’une médiation de l’ancien ministre d’Etat, Robert Sagna et avec la bénédiction du président Yaya Jammeh. Et durant tout son règne, hormis le travail abattu par Robert Sagna et son groupe, dont la démarche consiste à trouver des escaliers dans les villages pour pouvoir convaincre les combattants actifs du Mfdc à prendre langue avec le gouvernement sénégalais, c’est pratiquement le même scénario qu’on a observé. Les missionnaires, envoyés par l’Etat, ont passé tout leur temps à travailler avec des gens ne pouvant absolument pas faire avancer le processus de paix. L’Amiral Sarr et son équipe ont conclu un accord de paix avec des éléments du Mfdc. Cet accord a été paraphé à Bissau en août 2022 avec les bons offices du président Umaro Sissoco Embalo. Les franges du Mfdc impliquées dans cet accord sont, pour l’essentiel, des composantes de la faction de Diakaye (front nord). Ces derniers, pour montrer leur engagement, ont rendu leurs armes suite à cet accord de paix. Mais, celui-ci est rejeté par la majorité des factions du mouvement qui ne cachent pas leur amertume. Ils reprochent aux négociateurs de l’Etat d’avoir discuté qu’avec une infime minorité du Mfdc. Ni le camp de Kassolol, dirigé par Henrique Diédhiou, ni la faction de Sikoun qui est sous commandement de Adama Sané et moins encore celle du radical Salif Sadio ou de Paul Alokassine Bassène ne cautionnent cet accord. Et même à l’intérieur de la faction signataire de ce dit accord, il y a eu des voix discordantes. Un groupe de combattants assez significatif s’y est démarqué. Selon des sources proches du mouvement indépendantiste, ces derniers ont déserté Diakaye avec leurs armes bien avant que leurs camarades n’aient remis leurs armes au mois de mai en 2023 au Mouvement contre les Armes Légères en Afrique de l’Ouest (MALAO), une Ong qui lutte contre la circulation des armes. Ceci, pour montrer leur bonne volonté. D’après nos sources, la majeure partie de ces déserteurs erre actuellement avec leurs armes dans la brousse et d’autres ont rejoint d’autres factions notamment celle de Kassolol au front sud. Ces mêmes sources révèlent que c’est ce groupe, pour manifester son opposition à l’accord de Bissau, qui avait perpétré l’attaque du bus dans le village de Bitibiti au mois de décembre dernier faisant plusieurs blessés parmi lesquels un ex-frère d’armes faisant partie de la bande ayant accepté de déposer les armes.
Pour rappel, cet accord avait été signé, après de nombreuses rencontres qui ont eu lieu dans différentes régions du Sénégal et au Cap-Vert voisin. Cet accord a été, bien entendu, accueilli avec enthousiasme par les Sénégalais croyant que cette fois-ci on était sur la bonne voie, qu’on est plus dans un brouillard de rêve.
A quelques jours de la fin de son règne, Macky Sall a même reçu les responsables des signataires de ces accords au palais de la République, histoire de renforcer l’idée dans la tête du peuple sénégalais que le processus de paix a connu une véritable avancée.
Mais aujourd’hui, force est de constater que le chemin à parcourir pour arriver à la paix reste encore très long, il est même plus long que celui parcouru pour ne pas dire qu’on est encore au point zéro. Et que donc les nouveaux dirigeants du pays doivent prendre en compte tous les facteurs évoqués ici, et qui ont conduit leurs prédécesseurs à l’échec, au moment d’entamer leurs démarches pour arriver à une paix définitive en Casamance.