L'ONDE DE CHOC DU RN VU DE DAKAR
Alors que le parti de Marine Le Pen pourrait accéder au pouvoir, la diaspora française et les binationaux redoutent un avenir incertain pour les liens entre les deux nations. Entre inquiétudes économiques et peurs sociétales, les réactions fusent
(SenePlus) - La percée historique du Rassemblement national, parti d'extrême droite présidé par Marine Le Pen, au premier tour des élections législatives françaises du mois de juin suscite inquiétudes et interrogations au Sénégal. Selon un reportage du Point Afrique, les résultats obtenus par le RN sont largement commentés dans le pays, tant par les résidents français que par les nombreux binationaux franco-sénégalais.
"Le RN court depuis des années derrière le pouvoir mais je ne suis pas certaine qu'ils gagneront", estime Adji, une commerçante dakaroise interrogée par le journal. À l'instar de nombre de ses compatriotes, elle doute de la capacité du RN à mettre en œuvre son programme, notamment sur des sujets aussi sensibles que l'immigration. "La France n'est pas un petit pays, il ne faut pas le donner à n'importe qui...", prévient-elle, craignant que Marine Le Pen "gâte" le pays.
Ces inquiétudes sont exacerbées par l'image renvoyée par certains discours et positions du RN, jugés xénophobes et islamophobes au Sénégal. "Depuis des années, il y a une stigmatisation en France à travers les médias et les réseaux sociaux, des étrangers, des Arabes, des musulmans", déplore Camélia, une Franco-Marocaine résidant au Sénégal, pointant du doigt le "bouc émissaire" trouvé dans l'immigration.
Pourtant, le reportage relaie aussi le point de vue plus positif d'autres Sénégalais sur le RN. À l'image de Daouda, persuadé qu'une victoire de Marine Le Pen serait "bien pour la France", séduit par son discours souverainiste défendant les intérêts nationaux français. Certains y voient même la fin potentielle de "l'ingérence française" en Afrique.
Quelle que soit l'issue du second tour des législatives, cette percée inédite du Rassemblement national interroge beaucoup sur l'avenir des relations entre le Sénégal et la France. Premier investisseur étranger dans le pays avec plus de 200 entreprises, la France craint des tensions diplomatiques. "La diminution de son pouvoir sur le continent peut s'accentuer", souligne Adji.
Les binationaux sont également inquiets. "Il y a une multiplication des repats ces dernières années car ils refusent de vivre dans un pays où ils sont rejetés", explique Mamadou. Ce Franco-Sénégalais craint aussi la remise en cause possible de leur statut. Camélia ajoute: "Je m'inquiète pour ma famille et mes amis racisés".
Au Sénégal, si l'on garde espoir dans la démocratie française, nombreux sont ceux qui suivront attentivement les prochains mois afin de mieux cerner les répercussions éventuelles de cette poussée de l'extrême droite sur la relation bilatérale.