L'AES SCELLE LE DIVORCE AVEC LA CEDEAO
À Niamey, les putschistes du Burkina, du Mali et du Niger ont franchi le Rubicon en créant une confédération au sein de leur alliance. Un front anti-Cedeao assumé, où la "souveraineté" et la rupture avec "l'ancien ordre néocolonial" sont érigées en dogmes
(SenePlus) - Les régimes militaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont franchi une nouvelle étape vers la rupture avec la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao). Lors d'un sommet historique à Niamey, rapporte l'AFP, ils ont acté la création d'une confédération entre leurs trois États membres de l'Alliance des États du Sahel (AES).
"Nos peuples ont irrévocablement tourné le dos à la Cedeao", a affirmé le général nigérien Abdourahamane Tiani, devant ses homologues burkinabè Ibrahim Traoré et malien Assimi Goïta, selon les dires de l'AFP. Le ton était donné dès l'ouverture de ce premier sommet de l'AES, une organisation créée en septembre 2023 après une vague de coups d'État militaires.
Cité par l'AFP, Tiani a appelé à faire de l'AES une "alternative" à la Cedeao, jugée trop influencée par l'ancienne puissance coloniale française. "Construisons une communauté souveraine des peuples, éloignée de la mainmise des puissances étrangères", a-t-il exhorté d'après l'AFP.
Le divorce semble désormais consommé avec la Cedeao, qualifiée d'"inefficace" dans la lutte antijihadiste par le président de transition nigérien rapporte l'agence. Les relations se sont dégradées après le putsch de juillet 2023 qui l'a porté au pouvoir, la Cedeao menaçant alors d'intervenir militairement selon l'AFP.
"L'AES constitue le seul regroupement sous-régional efficient dans cette lutte", a insisté Tiani cité par l'AFP, alors que ses voisins ont aussi dénoncé l'emprise néocoloniale. "L'Afrique continue de souffrir du fait des impérialistes. Nous mènerons une guerre sans merci à quiconque osera s'attaquer à nos États", a prévenu Traoré d'après l'AFP.
Confédération actée, force conjointe annoncée
Au cours de ce sommet sous haute sécurité rapporte l'AFP, l'AES est passée du stade d'alliance à celui de confédération, parachevant son intégration. Un projet élaboré en mai par les ministres et adopté par les chefs d'État qui réunissent quelque 72 millions d'habitants selon l'agence.
Goïta a appelé à faire de cette nouvelle entité "un modèle de coopération", assurant d'une "complémentarité" militaire déjà à l'œuvre face au défi jihadiste, affirme l'AFP. Une force conjointe avait d'ailleurs été annoncée en mars, sans précision sur ses contours selon les informations de l'AFP.
Rompant avec la France, ancienne puissance tutélaire éjectée de leur sol, le Mali, le Burkina et le Niger se sont rapprochés de nouveaux "partenaires" comme la Russie, la Turquie ou l'Iran selon l'AFP. Une quête de "souveraineté" revendiquée face aux "impérialistes".
Cependant, cette transition ne s'est pas faite sans heurts. Reporters sans Frontières a dénoncé, comme le rapporte l'AFP, un "contexte difficile pour les médias" dans la région, avec de nombreuses arrestations de journalistes ces derniers mois. "Ce sommet ne doit pas occulter la question des libertés fondamentales", prévient l'ONG citée par l'AFP.
La création de cette confédération militaro-politique marque une nouvelle étape dans le bras de fer engagé par ces juntes avec la communauté internationale, d'après l'AFP. Reste à voir si cette intégration renforcée permettra d'endiguer la menace jihadiste qui sévit dans la zone des trois frontières, entre attaques sanglantes et millions de déplacés, conclut l'agence.