«GOOR DOU PROJET», LE NOUVEAU SLOGAN DES FEMMES
Si le projet Pastef incarné par le Président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko est de résoudre les difficultés du Sénégal, le projet de certaines jeunes filles, femmes divorcées ou veuves est de dégager les hommes de leur vie
Un projet peut en cacher un autre. Si le projet Pastef incarné par le Président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko est de résoudre les difficultés du Sénégal, le projet de certaines jeunes filles, femmes divorcées ou veuves est de dégager les hommes de leur vie. Cette boutade fait fureur actuellement sur les réseaux sociaux, notamment Tik-Tok. Chacune d’elles tente de donner des explications. Bés bi qui a voulu tâter le pool des Sénégalais par rapport à ce sujet, pose le débat. Et bon nombre de nos concitoyens estiment que ce sont des réflexions «bidons». D’autres, plus catégoriques, parlent de manque de repères de la jeunesse, qui pense que tout ce qui brille est de l’or. Reportage
Dakar et sa banlieue suffoquent à cause de la chaleur. Un ciel un peu nuageux et une météo qui prédit une pluie dans les prochaines 24 heures donnent l'espoir d'un temps plus clément. Il est 11 heures 35 minutes sur cet arrêt du bus de la ligne 62 qui quitte Grand-Mbao pour rallier Dakar. Vendeurs de poissons, de légumes, de friperie, etc., cohabitent avec les grands magasins et boutiques d’alimentation générale. Après un quart d’heure d’attente, le bus tata, plein comme un œuf, se pointe. C’est la bousculade. Même les passagers arrivés à destination peinent à descendre. «Mais laissez-nous au moins descendre d’abord», peste un vieux, dégoulinant de sueur, le bonnet et le chapelet entre les mains. «Père descend rek, nous allons au travail. Cela fait plus de 45 minutes que nous attendons le 62», rétorque un jeune homme en jean noir déchiré assorti d’un teeshirt jaune, des lunettes de soleil mal ajustées. «En tout cas, les membres du nouveau gouvernement doivent penser à reprendre le transport urbain, nous qui habitons dans la banlieue, nous souffrons», proposent un groupe de jeunes.
«Si vos parents avaient dit ça, vous ne seriez pas de ce monde»
Après quelques minutes de brouhaha et de bousculades, le bus roule tout lentement en direction du centre-ville. Et les affinités se dessinent entre les passagers, les hommes confortablement assis sur les sièges taquinent les filles qui ont les mains suspendues sur la barre. «Vous avez dit parité, donc il faut assumer le fait d’être debout pour le trajet», lancent-ils. «Ça c’est de la facilité. Je comprends pourquoi certaines femmes disent que ‘’Goor dou projet’’. Aucune galanterie», réplique la jeune receveuse. Et commence un rire contagieux dans le bus. Et c’est parti pour un débat contradictoire. Une dame de teint clair, tout de blanc vêtue, les yeux rivés sur son téléphone portable, met son grain de sel. «Ah, ma fille, je ne suis pas d’accord. Arrêtez, c’est des bêtises de penser ainsi. Si vos parents avaient dit ça, passez-moi l’expression, est-ce que vous serez de ce monde ? Il ne faut pas copier certaines pratiques occidentales qui ne sont pas les nôtres», tance-telle, avant de remettre ses écouteurs noirs.
Hommes et femmes s’accusent de lesbiennes et d'homos
La réplique n’a pas tardé. «Les hommes d’aujourd’hui aiment la facilité. Ils ne font aucun effort, alors que les femmes sont braves et dégourdies. Regardez les maisons, ce sont les femmes qui s’occupent presque de tout, sous prétexte que c’est nous qui avons accepté la parité. Donc, un homme qui ne peut rien faire pour toi, qui ne peut même pas vous satisfaire au lit, c’est un problème. Personnellement, je suis d’accord que ‘’Goor dou projet’’. On fait focus sur nous», renchérit une jeune fille de teint clair, taille moyenne, habillée en taille basse. Une déclaration qui a aussitôt provoqué l’ire d’un groupe de jeunes hommes. «Arrêtez de vouloir stigmatiser tout le temps les hommes pour meubler vos tares. Vous aimez le libertinage, car beaucoup d’entre vous sont des lesbiennes. Vous êtes des complexées, vous copiez mal. Vous pensez que tout ce qu’on montre à la télé, sur les séries et les films, c’est du réel. C’est du toc. Vous devez vous ressaisir», lance l’un d’entre eux. D’une petite voix, au fond du bus, une jeune femme embraie : «C’est le contraire. Car, à cause de l’argent, beaucoup hommes sont devenus des homosexuels. C’est la raison pour laquelle nous disons que ‘‘Goor dou projet’’». La discussion était tellement intense que l’on n’a pas senti la longueur du trajet.
«Je ne veux pas mourir si jeune à cause des hommes»
Au campus social de l’Université Cheikh Anta Diop, le thème «Goor dou projet» est lancé à des étudiants. Ce slogan qui fait grand bruit sur les réseaux sociaux depuis un certain temps passionne. «Franchement, dans mes projets, l’homme n’en fait plus partie. Et je pèse bien mes mots en le disant. Parce que j’ai été trahi 3 fois dans ma vie. Le plus récent, c’était même avec une proposition de mariage. A ma grande surprise, même pas un mois, on m’a fait savoir que le monsieur s’est marié avec sa cousine, alors que je lui ai tout donné, j’avais confiance en lui. J’ai failli passer de vie à au trépas à cause de cette énième trahison. Ça suffit maintenant, je me concentre sur mes études. A l’avenir, je compte adopter deux enfants : une fille et un garçon», a dit cette étudiante en master 2 en chimie, les yeux larmoyants. «Moi, je ne veux pas mourir si jeune ou avoir une maladie rare à cause des hommes. L’homme n’est pas un projet pour moi, avec les mariages compliqués auxquels on assiste, c’est bon», renchérit sa camarade.
CAS PAR CAS…
Awa Barry, animatrice : «Je suis divorcée, mon ex-mari m’a laissé seule avec les enfants»
«Si on en vient à dire que ‘’Goor dou projet’, c’est que les femmes sont fatiguées et se sont révoltées. Tout le monde sait que la beauté de la femme, c’est d’avoir un mari. Mais beaucoup vivent des violences physiques, morales ou phycologiques dans leurs ménages. On ne va plus souffrir jusqu’à avoir la maladie du goitre. Nous préférons faire focus sur nous, car nous sommes au 21e siècle. C’est la raison pour laquelle on dit que ‘’Goor dou projet’’. Moi, je suis une femme divorcée, mais mon ex-mari m’a laissée seule avec les enfants. Toute la charge repose sur mes frêles épaules. Avec tous ces facteurs que nous vivons, je préfère me concentrer sur moi-même et mes enfants. Par contre, je ne vais pas jusqu’à dire à 100% que ‘’Goor dou projet’’. Je fais du 50/50 parce je veux être une femme indépendante, surtout financièrement. Même si j’ai un mari un jour, je saurai à quoi m’en tenir. C’est pourquoi je comprends quand des femmes disent que ‘’Goor dou projet’’. Parce que beaucoup d’hommes ne savent pas entretenir une femme. Mais toutes les femmes souhaitent avoir un mari. On n’a pas le choix, nous sommes fatiguées dans les foyers».
Ndèye Fatou Baldé, coiffeuse : «Le mariage n’est pas une fin en soi…»
«Moi, je clame haut et fort, sans gants, je ne veux plus d’homme dans ma vie, je suis dégoûtée. J’ai été une brillante élève, mes parents m’ont mise dans un mariage forcé avec un vieux qui pouvait être mon grand-père. Parce que, c’était un richissime homme d’affaires, alors que je n’avais pas une seule once d’amour pour lui. Je ne voulais pas consommer mon mariage pendant un mois et demi après la célébration du mariage. Il a fallu la complicité des parents qui m’ont droguée pour que ça arrive. Je peux donc dire qu’il m’a violée et a volé ma virginité. Au bout de 3 ans de mariage, j’ai fait deux fausses couches. Il me battait, me violentait, me violait chaque nuit et je n’osais pas en parler à la famille par peur de représailles. Mais au bout de 5 ans, mes deux parents sont décédés et j’ai tout fait pour divorcer. Je suis venue à Dakar chez une cousine, j’ai connu des hauts et des bas. Et Dieu merci, aujourd’hui, je gère mon propre salon de coiffure. J’ai 33 ans et ma priorité, ce n’est ni un homme, encore moins un enfant. Si j’ai envie de satisfaire ma libido, il y a d’autres méthodes, mais pas un homme. Je suis dégoûtée par eux. Je vois sur les réseaux, on nous traite de tous les noms d’oiseaux sans même essayer de comprendre pourquoi on dit ‘’Goor dou projet’’. Et je vous le jure : ‘’Goor dou projet’’ pour moi. Nous sommes fatiguées, le mariage n’est pas une fin en soi, l’homme n’est pas le centre de la vie de la femme».
Salla Marième Soda Mboup, veuve : «Ces hommes n’ont d’yeux que pour les divorcées et les veuves qui ont une certaine aisance financière»
«Je suis veuve. J’ai perdu mon mari il y a 10 ans, alors que nous avions fait 25 ans de mariage dans le bonheur et la paix. Je n’ai connu que cet homme. Nous avons 4 enfants : 3 filles et 1 garçon. Aujourd’hui, mon projet, ce sont mes enfants, mais pas un homme. Car ces hommes d’aujourd’hui n’ont d’yeux que pour les femmes divorcées et les veuves qui ont une certaine aisance financière pour les entretenir. Mais ce n’est pas de l’amour. D’ailleurs, mon cœur ne peut plus aimer un autre homme. Je n’ai pas de temps pour un homme, vouloir gérer ses caprices, être au petit soin, c’est fini ça. Je fais focus sur ma progéniture et sur ma personne. Bien avant que ce phénomène ne soit viral sur les réseaux sociaux, je le disais tout le temps à mes amies qui venaient de se plaindre souvent des coups bas de leur conjoint ou de leur amant. Je leur disais toujours que mon projet de vie, les hommes n’en font plus partie. Ce n’est parce que je veux être libre, mais ce que je vois maintenant faire les hommes n’est pas du tout rassurant. Ils ne savent plus entretenir une femme, la chérir. ‘’Goor-yii danio beugg lou yombou’’ (Les hommes aiment la facilité). Je le répète, mon projet c’est mes enfants»
Karine Ndiaye, jeune agent marketing : «Si c’est pour avoir du plaisir, il y’a d’autres méthodes»
«A quoi cela sert d’avoir un homme dans sa vie si ce n’est que vous créer des problèmes, d’augmenter le stress jusqu’à ce que vous poussiez des cheveux blancs. Si c’est pour avoir du plaisir, il y a d’autres méthodes. D’ailleurs, beaucoup d’hommes ne savent plus faire l’amour. En passant, si c’est pour avoir des enfants, il y a des crèches et des pouponnières. Et mieux, si avoir des enfants c’est pour qu’ils vivent dans la galère, ce n’est pas la peine. Moi, j’ai connu beaucoup d’hommes, mais c’est des trompeurs, des mythomanes, des trafiquants de personnalité. Grâce à mon travail, j’en n’ai vu de toutes les couleurs. C’est pourquoi j’ai décidé de ne plus vivre un chagrin d’amour, de souffrir pour quelqu’un qui ne souffre pas pour moi. Tout ce qui l’intéresse, c’est son argent et sa situation sociale, c’est fini ça ! J’ai gommé les hommes dans ma vie, ils ne sont plus ma préoccupation. Je suis une misandre comme me le rappelle toujours ma seule et unique amie. Je fais focus à 100% sur mon travail qui me donne du plaisir et beaucoup de satisfaction. Avec mon travail, je ne sens pas l’absence ou le manque d’homme à mes côtés. Je vis bien, je n’ai de compte à rendre à personne, si ce n’est à moi-même et parfois à ma mère, la seule qui me comprend d’ailleurs. Avec ces nombreux cas de divorce dont la plus part sont dus à des mariages célébrés en grande pompe qui font long feu, on doit surtout se consacrer à soimême. Maintenant, des femmes indépendantes choisissent de ne pas faire d’un homme le centre du monde, une priorité».