RENDRE AUX ENFANTS AFRICAINS LA PAROLE À L'ÉCOLE
« les Africains sont les seuls au monde à commencer leur éducation avec une langue qui n'est pas celle qu'ils parlent à la maison »
(SenePlus) - La qualité de l'éducation en Afrique reste un sujet brûlant, notamment sur la place à accorder aux langues locales dans l'enseignement. C'est ce problème épineux que Gilles Yabi, responsable du Think Tank Wathi, a décortiqué lors de sa chronique hebdomadaire sur RFI.
Selon lui, l'enseignement dans les langues officielles héritées de la colonisation est un frein majeur aux apprentissages. "Les enfants apprennent mieux et sont plus susceptibles de poursuivre leurs études lorsqu'ils commencent leur scolarité dans une langue qu'ils utilisent et comprennent", souligne-t-il, citant un rapport de la Banque mondiale de 2021.
Son invité Hamidou Seydou Hanafiou, docteur en linguistique, abonde dans ce sens : "Les Africains sont les seuls au monde à commencer leur éducation avec une langue qui n'est pas celle qu'ils parlent à la maison".
Pourtant, malgré ce constat partagé par de nombreux experts, l'enseignement en langues locales peine à s'imposer. Gilles Yabi dénonce "l'absence de volonté politique, les changements réguliers d'orientation stratégique et l'incapacité des États à prendre le relais des financements extérieurs".
Cette réticence trouve parfois ses racines au sein même de l'appareil étatique selon le Dr Hanafiou : "Des hauts fonctionnaires sont parfois les plus hostiles à l'enseignement dans les langues premières. Il est difficile d'obtenir des résultats lorsqu'on applique des politiques auxquelles on ne croit pas".
Au-delà du simple apprentissage, l'enjeu est de taille pour Gilles Yabi : "C'est la préservation du riche patrimoine linguistique des pays africains qui est en jeu". Une vision partagée par le représentant de l'ambassade d'Irlande, qui a rappelé l'importance de valoriser sa langue nationale malgré la colonisation britannique.
L'animateur conclut avec lucidité : "Les peuples africains ne sont pas les seuls à avoir été victimes du crime de la colonisation. On s'en relève par l'obsession du bien-être des populations, le travail de longue haleine, la tempérance et l'adaptation au monde réel". Un message clair : les solutions toutes faites n'auront pas raison de ce défi éducatif de taille.