LES ENTREPRISES RUSSES ET CHINOISES A L’ASSAUT DU MARCHE AFRICAIN
Très discrètes, les sociétés russes et chinoises apparaissent particulièrement actives en Afrique. C’est ce que révèle la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) dans son dernier rapport publié en juin 2024.
“Entreprises de services de sécurité et de défense russes et chinoises en Afrique : deux modèles concurrents ?” Tel est l’intitulé du rapport de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) qui a étudié leur expansion dans le continent et les risques que cela présente.
Très discrètes, les sociétés russes et chinoises apparaissent particulièrement actives en Afrique. C’est ce que révèle la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) dans son dernier rapport publié en juin 2024. Selon elle, l’expansion des entreprises de services de sécurité et de défense chinoises (ESSD) en Afrique est principalement venue répondre à une volonté de sécurisation des ressortissants, dont le nombre sur le continent est estimé à plus d’un million, et des intérêts économiques de la Chine, premier partenaire commercial de l’Afrique, avec un volume d’échanges s’élevant à 282 milliards de dollars en 2022.
Quant aux ESSD russes, dit-elle, le marché africain a jusqu’à présent été dominé par le groupe paramilitaire Wagner qui s’est imposé comme le principal outil d’expansion de l’influence russe, en assurant notamment la sécurité de certains régimes, comme en Centrafrique ou au Mali, et “en participant à des campagnes de manipulation de l’information”.
Revenant sur les sociétés chinoises, la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) indique que les statistiques de la China Security Association (CSA) révèlent que sur les dizaines de milliers de sociétés du secteur, seules 57 entreprises étaient actives à l’étranger en 2021. Au total, note-t-on dans le rapport, les sociétés chinoises auraient envoyé à l’étranger près de 2 000 personnels de sécurité et utilisé près de 37 000 employés locaux pour un chiffre d’affaires estimé à près de 320 millions d’euros. Les plus importantes d’entre elles incluent Frontier Services Group (FSG), HuaXin ZhongAn Security Group (HXZA), Shandong Huawei Security Group ou encore China Overseas Security Group (COSG).
Toujours, selon le rapport, en l’espace de dix ans, plusieurs dizaines d’ESSD ont été déployées en Afrique, en plus de celles déjà établies localement par des Chinois. Plus précisément, note-ton, les recherches effectuées par la FRS montrent que plus de 20 ESSD de premier plan en Chine sont désormais actives dans près de trente pays africains.
La Fondation pour la recherche stratégique (FRS) soutient en outre que les évolutions du modèle de sécurité privée aux caractéristiques chinoises ne doivent pas, pour autant, masquer des défaillances chroniques. “Si l’industrie chinoise de la sécurité dispose en apparence d’une main-d'œuvre énorme, l’offre de personnel apte à opérer à l’étranger est insuffisante. La majorité des employés ne disposent pas des compétences linguistiques ou techniques requises. Leur formation aux armes à feu est perçue comme inadéquate et ils manquent généralement d’expérience en matière de combat, de négociation ou de gestion de crise. Ils peinent également dans le domaine du renseignement et de l’anticipation, et tendent à trop s’appuyer sur les informations obtenues en sources ouvertes”, relève l’étude de la FRS qui ajoute que les sociétés de sécurité chinoises peinent à rivaliser avec leurs homologues occidentales comme G4S, Control Risks ou International SOS, sur l’offre proposée et sur la qualité des services.
LE MODELE RUSSE EST EN PLEINE RECONFIGURATION
Par ailleurs, le rapport a également mis l’accent sur l’engagement russe en Afrique qui a connu une forte croissance. Selon la Fondation pour la recherche stratégique, Moscou a développé une “stratégie partenariale clientéliste et opportuniste”, venant servir ses objectifs de politique étrangère et ses intérêts de puissance. Offrant des accords de défense et services de sécurité sans contrepartie sur le plan de la gouvernance et des droits humains, souligne-t-il, la Russie a réussi à séduire de nombreux États africains souhaitant diversifier leurs partenariats, voire s’éloigner des États occidentaux. “Si de nombreuses ESSD russes semblent peu visibles en Afrique, c’est aussi parce qu’elles ont été éclipsées par Wagner, qui a réussi à développer une forte influence sur le continent”, a fait savoir la FRS.
Toutefois, elle estime que le modèle russe est en reconfiguration depuis fin 2023 avec le lancement de Africa Corps.“Corps expéditionnaire vise à mener des opérations militaires à grande échelle sur le continent africain pour soutenir les pays cherchant à se débarrasser enfin de la dépendance néocoloniale, à nettoyer la présence occidentale et à acquérir la pleine souveraineté’’, soutient la Fondation pour la recherche stratégique qui cite Igor Ko-rotchenko, ancien colonel et rédacteur en chef de la revue russe Natsionalnaïa oborona (« défense nationale ».
Selon la FRS, la stratégie d’implantation d’Africa Corps indique une continuité dans la politique étrangère russe et le maintien des priorités stratégiques. Avec Africa Corps, dit-elle, Moscou mise sur le même type de pays partenaires et poursuit les mêmes objectifs géostratégiques.“ La stratégie d’implantation d’Africa Corps présente des similitudes avec celle de Wagner et permet de dégager les critères suivants généralement observés dans les années ou mois précédant l’implantation d’une ESSD russe : Rapprochement diplomatique avec un pays en proie à une instabilité intérieure et dirigé par un régime militaire/autoritaire cherchant à assurer sa survie ; Conclusion d’accords miniers et d’accords de coopération de défense ; Campagne d’influence politique et de désinformation pro-russe ; Arrivée d’avions russes sur le territoire avec matériel et/ou personnel”, lit-on dans le document établi par la FRS et dont “L’AS” détient une copie.