LA QUATRIÈME DISSOLUTION ET LES SUIVANTES
EXCLUSIF SENEPLUS - Les Sénégalais constateront, peu après l'installation des nouveaux députés, l'équivalent d'une deuxième dissolution de l'Assemblée par celui qui en assurera seul le contrôle sous très bonne escorte de son groupe de "jeunes politiciens"
« En vertu des pouvoirs qui me sont conférés par l’article 87 de la Constitution, et après avoir consulté le Conseil constitutionnel sur la bonne date, le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale, sur l’opportunité, je dissous l’Assemblée nationale. La date des élections législatives est ainsi fixée au dimanche 17 novembre 2024.» Cette messe avait été dite le 12 septembre 2024 par le président Bassirou D.D. Faye qui, du coup, obligea la communication politique à prendre une toute autre tournure dont la redoutable connotation anti-démocratique en dit long sur les résultats par bureau de vote à l’étranger et au Sénégal plus que favorables à la coalition Pastef dirigée par l’irascible Ousmane Sonko au terme d’une campagne électorale d’une rare violence et d’une innommable inélégance. Aux militants et sympathisants de Pastef et aux médias qui expliquent tout par la nécessité d’une conformité de la majorité présidentielle avec la majorité parlementaire, le spécialiste et homme politique - candidat malheureux à la députation - oppose une analyse dont les ressorts sont ceux de la communication politique qu’il enseigna sans interruption pendant dix bonnes années.
Tous paresseux !
Si la communication politique se définissait seulement de manière extensive par toute communication ayant pour objet la politique, on ne s’en servirait pas comme outil puissant d’analyse des communications puisque les contenus ne suffiraient pas à tout expliquer comme c’est le cas en 2024 et avant dans nos médias tous canaux confondus (presse écrite, radio, télévision et Internet). De manière restrictive, les spécialistes définissent la communication politique par l’espace où s’échangent les discours contradictoires des trois acteurs qui ont la légitimité à s’exprimer publiquement sur la politique - la vraie bien sûr - et qui sont les hommes politiques, les journalistes et l’opinion publique à travers des sondages (WOLTON, 1997). Mais que savons-nous des valeurs sous-jacentes et des jugements dont l’ensemble constitue l’opinion publique en l’absence de sondages transparents dont on connaît les commanditaires et qui sont rendus publics par des instituts de sondages légalement constitués ? Rien ou presque ! Il n’est donc pas étonnant que le vide créé sur lequel personne ne s’arrête pour le combler au profit des trois acteurs du même espace - celui de la communication politique - soit pour beaucoup dans les très faibles effectifs - moins de 50 % des inscrits - qui s’expriment valablement aux élections législatives depuis longtemps déjà.
Dans leurs relations incestueuses avec les hommes politiques, les journalistes, tous paresseux, n’ont plus que moins d’un électeur sur deux à orienter vers les acteurs politiques de leur choix en discriminant les mouvements, les partis, les coalitions de partis et les démocrates bénévoles qui les animent. Sur 41 listes de candidats, les journaleux ne retinrent que les 4 qu’ils parvinrent à imposer à l’opinion dont le cumul des handicaps profitent aux moins méritants du mouvement des idées ou ce qu’il en reste.
Illusionnisme
Diomaye Faye peut maintenant dissoudre les assemblées consultatives que sont le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) après les avoir décapitées sur injonction de Sonko. Les législatives pliées pour Pastef font, elles, suite à la dissolution de l'Assemblée nationale. Les Sénégalais constateront, peu après l'installation des nouveaux députés, l'équivalent d'une deuxième dissolution de l'Assemblée par celui qui en assurera seul le contrôle sous très bonne escorte de son groupe de « jeunes politiciens nouvellement promus » pour railler l’intelligence politique qui fortifie les cités les mieux organisées du monde. Et de quatre en sept mois en attendant les dissolutions qui viennent.
L'anti-institutionnalisme du percepteur, déjà à son paroxysme, sera à nouveau servi quand Ousmane Sonko tiendra sa promesse de campagne des législatives en obtenant tout ce qu'il veut du ministre de la Justice, de son procureur, maître des poursuites, et du ministre de l'Interieur « content » des bulletins de vote défraîchis et méconnaissables de bon nombre d’adversaires du 17 novembre 2024. Toutes les raisons de désespérer du Sénégal seraient alors réunies. Mais on peut encore compter sur Ousmane Sonko dont l'incompétence technique, la cupidité et l'accélération subséquente de la misère des Sénégalaises et des Sénégalais obligeront le plus grand nombre de jeunes et de moins jeunes à prendre enfin l'initiative de sa propre survie en se séparant, le moment venu, de l'illusionniste à qui plus rien ne pourrait être pardonné. Mon vœu n’est naturellement pas celui-là quand je revois les files d’électrices et d’électeurs qui pensent aujourd’hui encore que leur Sonko ne fera enfin violence en se conformant à la Constitution du pays organisé qui depuis hier soir, après minuit, pense enfin le voir au travail et rien qu’au travail. Mais avec quelle sagesse du chef impulsif bien prompt à déclarer la guerre sans oser la faire sans l’aide des institutions désormais dans sa poche des Danaïdes ?