POUR UNE SOUVERAINETE ALIMENTAIRE REUSSIE
Je m’adosse sur mon expérience de 27 années passées dans l’administration et un peu plus de 10 dans les organismes et la consultation. Mais ce que je retiens surtout, c’est mon expérience d’exploitant agricole qui a débuté depuis 1984
Je me permets de faire cette contribution pour à la fois m’ acquitter de mon devoir de citoyen , susciter le débat et la réflexion des acteurs de ce domaine parmi lesquels on peut compter beaucoup de collègues qui comptabilisent une très grande expérience et qui affichent une disponibilité . Je m’adosse sur mon expérience de 27 années passées dans l’administration et un peu plus de 10 dans les organismes et la consultation. Mais ce que je retiens surtout, c’est mon expérience d’exploitant agricole qui a débuté depuis 1984.
Comme liminaire, la première partie développée certes ne concerne pas les spécialistes du domaine mais aiderait les non-spécialistes à mieux saisir les contours de ce domaine Ainsi je retiendrai dans mon analyse la notion de développement rural regroupant spéculations animales, végétales, l’eau et les forêts et même dirais-je, la pèche continentale comme on nous l’a appris dans les écoles d’agriculture et les facultés agronomiques puisque reflétant plus la réalité des terroirs.
C’est cette complémentarité qui fonde l’agriculture pratiquée de tout temps par les anciens par la pratique de l’assolement et la rotation, la mise en jachère des terres, l’amendement organique grâce à l’aménagement des pâturages car il ne sert à rien de faire de grandes superficies pour ne pas respecter les principes d’une bonne agriculture et vouloir obtenir de bons rendements.
UNE BONNE AGRICULTURE SUPPOSE LE RESPECT DE CERTAINES REGLES, A SAVOIR :
Un sol bien amendé pour retenir l’eau et les engrais, pour à la fois favoriser la vie microbienne, aérer le sol pour un bon développement racinaire et fournir en lui-même, les éléments nutritifs. De l’engrais sans amendement est une perte. L’engrais minéral n’est qu’un complément du disponible pour couvrir les besoins de la plante Une bonne fertilisation doit débuter par une analyse du sol pour savoir la nature des composantes de ce sol, sa disponibilité en matières minérales et organiques et autres éléments nutritifs. C’est la complexité de cette démarche et son coût qui a fait que la recherche a préconisé certaines formules pour faciliter son utilisation.
De l’eau en quantité et qualité suffisante et pour les cultures dépendant de la pluie, c’est la répartition qui est le facteur déterminant. Des semences de bonne qualité. Ici, ce sont les semences certifiées qui sont visées. D’ailleurs l’association des ingénieurs de l’agriculture (ASIA) a fait une réflexion approfondie et produit des recommandations qui précisent de façon claire les dispositions à mettre en œuvre pour régler cette question qui taraude les esprits et qui est le grand goulot d’étranglement pour l’atteinte de la souveraineté alimentaire.
L’APPLICATION DE BONNES PRATIQUES CULTURALES
Une exploitation et une adaptation des techniques en fonction de l’environnement (l’ensoleillement dans son intensité et sa durée, le vent, la pluie, l’humidité etc.). Puisque ces éléments agissent sur la plante et la réaction est différente selon les espèces, car chaque plante a sa personnalité et réagit différemment au milieu. Tout producteur ou spécialiste de l’agriculture est météorologue. De tout temps, les agriculteurs scrutent les étoiles, observent le changement saisonnier, la réaction des arbres au climat, en résumé les phénomènes édaphiques pour préparer leur campagne. Ces principes campés, analysons la situation actuelle de l’agriculture.
Commençons par les structures Pour ceux de l’Etat, nous ciblons la recherche, les directions techniques des ministères du secteur, les structures d’appui.
Concernant la recherche, il y a une absence de financement adéquat et suffisant orienté sur les contraintes de développement .Des structures de pilotage pas à la hauteur. Le choix de la présidence du conseil et des administrateurs n’est pas en conformité avec les capacités que doivent détenir des dirigeants en charge de ces structures pour une meilleure définition et orientation des programmes de recherche.
Pour les directions : Direction de l’agriculture (DA), Direction des végétaux (DPV), Direction de la prévision et statistique agricole (DAPSA) On note pour l’agriculture une insuffisance notoire de personnel à tous les niveaux d’exécution, de moyens logistiques et d’équipement (direction régionale, service départemental) et une absence de ligne hiérarchique, les directions régionales ne dépendent pas de la direction, ce qui pose déjà un problème de coordination.
La DAPSA focalisée essentiellement sur les statistiques alors que l’essence même de l’érection de cette direction était de mener des études sur le secteur rural pour permettre une meilleure connaissance et une bonne orientation des actions. Il faut souligner que la direction de l’agriculture a toujours disposé d’une direction chargée des études.
La DPV, quant à elle, traine les mêmes maux que les directions étudiées plus haut
On note surtout de la part des directions une absence de contrôle et de suivi des activités, en résumé une absence de matérialisation des tâches régaliennes de l’Etat. Pour cela, on peut citer quelques actes de défaillance telle que la régularisation de la vente des produits phytosanitaires, activités effectuées par des personnes sans formation ni autorisation. De même pour la commercialisation des semences de toutes espèces, qui demande une autorisation et une carte pour exercer cette activité. Je rappelle seulement que des lois ont été votées pour cela. La difficulté dans le contrôle et la certification de semences.
L’absence de coordination efficace et efficiente pour le cabinet qui doit coordonner les structures régionales, les directions, les programmes et projets entrainant une dispersion et une inefficacité des actions au niveau des ministères, beaucoup de projets sous tutelle directe de la hiérarchie et avec des structures intervenant dans le secteur.
L’absence de mémoire institutionnelle à tous les niveaux par la présence de personnes physiques ayant longtemps séjourné dans les structures, d’archives ou de documentation.
Les structures d’encadrement : Elles ont remplacées par des structures d’appui comme l’Ancar alors que le niveau du monde rural n’a pas encore atteint ce niveau, entrainant du coup la non prise en compte de leurs besoins. L’encadrement s’avère aujourd’hui plus que nécessaire au regard des besoins de pénétration des nouvelles techniques et innovations.
Les structures coopératives mise en place depuis l’indépendance, ont été affaiblies par les coopératives mises en place par le gouvernement d’Abdoulaye Wade, structures qui n’ont pas prospéré. Ces structures affaiblies ont été remplacées par des structures de substitution mises en place avec l’avènement de la privatisation du développement rural demandant à l’Etat de se retirer de la production. Ces structures de remplacement qui sont généralement des organisations faitières sont pour la plupart généralement faibles institutionnellement (absence ou insuffisance de ressources humaines, matérielles et financières etc. …)
DISPOSITIONS URGENTES A PRENDRE
Renforcer et réorganiser les structures de l’Etat et celles de l’encadrement • Redéfinir les lignes hiérarchiques entre les directions nationales, Les directions régionales et les projets pour plus d’efficacité et de coordination .
• Revoir les missions de la recherche par une orientation des programmes axés sur les besoins et contraintes du développement rural , tout mettant à leur disposition les financements nécessaires et un réaménagement des structures de management conseil d’administration et autres structures
• Revoir les approches de l’encadrement pour l’adapter au mieux aux besoins des producteurs
• Rendre disponibles les facteurs de productions, semences certifiées en mettant en place des schémas de production adéquats et une épuration des opérateurs et multiplicateurs puisqu’on ne dispose pas de semences certifiées ou en quantité faible. Une expérience et une expertise est encore disponible qu’il faudra remobiliser
• Les engrais : c’est impératif qu’on ait une usine ou une reprise de celle existante ; Il est anormal qu’on se retrouve avec des campagnes agricoles sans engrais ou une insuffisante quantité disponible comme ce qui a été le cas pour la campagne 2022/2023. C’est l’occasion de rappeler qu’ en matière de fertilisation, il y a une démarche à suivre comme décrit plus haut , ce qui renvoie à la nécessité de voir d assez près le phosphatage de fond puisqu’ il y a eu des actions dans le passé qui n’ont pas atteint les résultats escomptés L’institut de pédologie doit pouvoir amener sa contribution • Dynamiser, responsabiliser et impliquer les structures coopératives dans les prises de décisions et l’exécution des programmes
• Demander aux organismes de financement et aux Sociétés financières décentralisées (SFD) de s’adapter aux conditions de développement du secteur en adoptant des conditions souples et à des taux supportables pouvant permettre une rentabilité des projets financés. Le rôle de l’état est attendu à ce niveau
• Revoir le programme de mécanisation et de motorisation et d’équipement du monde rural. Des recherches sont importantes à mener pour proposer des outils à la dimension des fermes agricoles et des façons culturales adoptées, n’oublions pas que la majeure partie des fermes agricoles sont de petite taille. Un recensement des techniques, outils et méthodes culturales utilisés est nécessaire. je retiens quelques exemples qu’on peut citer comme les semis d’oignons et de pommes de terre. Celle d’oignon se fait par un passage en pépinière qui prend 45 jours et le repiquage qui est manuel avec les délais de reprise, ce qui se résume en une perte de temps énorme alors que le semis direct permet des gains de temps dans le calendrier , une économie des dépenses et une possibilité d’intensifier son calendrier cultural. Tout cela est possible avec un outillage adapté, ce qui n’est pas le cas. Il reste entendu que toutes les mesures ne seront d’effet que si les personnes chargées d’animer ces structures ont la pleine conscience qu’ils doivent jouer leur rôle en toute responsabilité et compétence sans se préoccuper de se gérer au lieu de gérer les structures qu’ils dirigent, ce à quoi on assiste actuellement
CONCLUSIONS
Cette modeste contribution a pour but d’enfoncer des portes ouvertes car chacun des points évoqués doit être détaillé. Aussi elle ouvre la réflexion aux techniciens pour leur contribution à ce débat pour orienter celle-ci sur l’essentiel. L’autre élément qui devrait suivre dans le court et moyen terme, serait de dresser les orientations du secteur, j’entends le développement rural dans ses parties hydraulique, forêt, les composantes animale, végétale et l’aquaculture afin de faire suivre à cette orientation, la définition d’une politique agricole pour mieux cerner le développement agricole
Thierno Birahim FALL
Ingénieur Agronome de classe exceptionnelle
Retraité et Exploitant agricole