LE NŒUD GORDIEN DES ASSISES DE LA JUSTICE
Présence de l'Exécutif et ouverture aux non-magistrats : voilà les points de discorde des "Assisards" sur la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature. Deux camps s'affrontent, entre partisans d'une rupture et défenseurs du statu quo
Les vraies raisons du désaccord des 400 « Assisards » de la Justice sur la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) ont été révélées, hier, avec la publication du rapport par la présidence de la République. Les 400 participants aux « Assises de la Justice » qui se sont réunis au Centre international de conférences Abdou Diouf de Diamnadio, du 28 mai au 04 juin derniers, ne sont pas parvenus à un accord sur la question de la présence ou non du président de la République et du ministre de la Justice mais aussi sur l’ouverture du CSM à des personnalités extérieures. La patate chaude, refilée depuis lors au président Diomaye Faye, attend toujours une solution définitive.
Aucune recommandation n’a été formulée par les 400 « Assisards » sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. S’ils se sont entendus sur tous les autres points abordés jusqu’à dégager 30 recommandations pour le renouveau du service public de la Justice, s’agissant du Conseil supérieur de la Magistrature, ils ont donné leur langue au chat ! Selon le rapport remis au président de la République et dévoilé hier par la Présidence, le CSM a été le désaccord majeur entre les participants s’agissant des réformes à introduire et qui étaient essentiellement liées au statut de la magistrature. Il s’agissait principalement de la réorganisation du CSM, notamment la présence ou non du président de la République et du ministre de la Justice dans cette instance mais aussi, et surtout, son ouverture à des personnalités extérieures qualifiées. Ces questions ont fait l’objet d’âpres discussions et n’ont pas pu faire l’objet d’un consensus. De manière générale, deux tendances se sont dégagées entre les tenants de la sortie de l’Exécutif du CSM, d’une part, et les défenseurs du statu quo, de l’autre selon le document parcouru par « Le Témoin ». Pour ses partisans, la sortie devrait constituer le premier jalon vers l’édification d’un pouvoir judiciaire réellement indépendant et assumant sa fonction régulatrice de la société. Pour les tenants du maintien de la situation actuelle, en revanche, le plus important est de procéder à une restructuration de la composition du CSM avec une égalité arithmétique entre membres élus et membres de droit. Deux camps se sont également affrontés sur la question de l’ouverture ou non du CSM à des personnalités extérieures.
Pour les tenants de cette ouverture, elle serait de nature à éviter l’entre-soi, le corporatisme, la gérontocratie, le copinage et l’existence d’un éventuel « gouvernement des juges ». Le « devoir de justification » devant des membres extérieurs avec voix consultative serait une contrainte de nature à favoriser la transparence dans la gestion des carrières des magistrats. Cette ouverture permettrait, à leur avis, de renforcer la crédibilité et l’indépendance du pouvoir judiciaire auprès des citoyens. Les partisans du maintien, en revanche, militent pour un CSM formé exclusivement de magistrats exceptés le président de la République et le Garde des Sceaux. Ils se fondent sur la particularité de la carrière des magistrats, notamment, pour arguer de l’inopportunité d’y associer des personnes extérieures.
Les tergiversations du président Diomaye
Sur cette question, le président Bassirou Diomaye Faye n’a jamais eu le courage de trancher le débat. « Peut-être bien que oui, peut-être bien que non », résumait le Témoin du 11 juillet en parlant de « réponse de Normand du président de la République ». Tout semble montrer que, jusqu’à présent, le chef de l’Etat est véritablement indécis sur la question de sa présence ou non au sein du Conseil supérieur de la Magistrature.
En Conseil des ministres du 10 juillet dernier, il avait informé de sa disponibilité à recevoir encore toute contribution ou proposition pertinente relative à la réforme du Conseil supérieur de la Magistrature concernant notamment l’élargissement de ses membres aux acteurs n’appartenant pas au corps des magistrats et la problématique de sa présence, lui chef de l’Etat, dans l’instance ainsi que celle du ministre de la Justice. Cette nouvelle position du président de la République sur le Conseil supérieur de la Magistrature installe davantage le flou. Le jeudi 04 juillet dernier, recevant le rapport final des Assises de la Justice au palais de la République, Bassirou Diomaye Faye avait déclaré : « Je ne tiens ni à y rester ni à en sortir. Je suis totalement neutre par rapport au Conseil supérieur de la magistrature. » Selon lui, les raisons avancées par les magistrats pour justifier la présence du président de la République au CSM devaient être davantage étayées tout en soutenant que ces arguments méritaient d’être pris en compte. Le président a proposé d’approfondir la réflexion sur ce sujet, en insistant sur l’importance de la neutralité et de l’indépendance des magistrats. « Après tout, c’est à eux que l’on souhaite d’être indépendants, » avait-il précisé. Bassirou Diomaye Faye avait conclu en indiquant que toute décision concernant sa présence au CSM devait être basée sur des arguments convaincants. Depuis lors, rien de nouveau sous le soleil sinon un total rejet par les magistrats de toute présence de personnalités étrangères à leur corps au sein du CSM.