UNE NOUVELLE VISION DE L’EDUCATION ET L’AVENIR DU PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
Le lancement récent des Lycées Nation-Armée pour la qualité et l’équité (Lynaqe) par le ministère de l’Education nationale et le ministère des Forces armées du Sénégal marque une initiative ambitieuse dans le secteur éducatif
Le lancement récent des Lycées Nation-Armée pour la qualité et l’équité (Lynaqe) par le ministère de l’Education nationale et le ministère des Forces armées du Sénégal marque une initiative ambitieuse dans le secteur éducatif. Ces nouveaux établissements visent à répondre de manière novatrice aux défis éducatifs actuels en intégrant des principes d’excellence académique, de civisme et de patriotisme. Toutefois, leur création soulève des interrogations quant à leur similitude avec le modèle du Prytanée militaire de Saint-Louis et à la pertinence de maintenir cet établissement historique dans ce nouveau contexte.
Différences entre Lynaqe et le Prytanée militaire
Bien que les Lynaqe partagent certains éléments de conception avec le Prytanée militaire Charles N’Tchoréré, des distinctions importantes existent entre ces deux types d’établissements
Objectif et mission
Le Prytanée militaire de Saint-Louis, fondé en 1923, est un établissement d’enseignement secondaire à vocation militaire. Il allie rigueur académique et formation militaire, formant principalement de futurs officiers pour répondre aux besoins en cadres militaires et civils de l’Afrique occidentale française. En revanche, les Lynaqe se concentrent sur une éducation générale de qualité, accessible à un public plus large. La formation au Prytanée militaire comprend des éléments de discipline militaire intégrés à un curriculum académique rigoureux, incluant des formations pratiques au sein de l’Armée. Les Lynaqe, en revanche, proposent une éducation beaucoup plus axée sur les matières académiques. Ils visent une approche plus intégrée et moderne. Leur modèle ne se limite pas à la formation militaire, mais combine des valeurs militaires avec une orientation vers l’inclusivité, le numérique et le développement durable. Le projet des Lynaqe met également l’accent sur l’alliance entre l’éducation académique et la formation civique, en collaborant étroitement avec les Forces armées pour inculquer des valeurs telles que le patriotisme et la cohésion nationale.
Recrutement et sélectivité
A sa création, le Prytanée militaire était ouvert uniquement aux fils de militaires en activité, aux chefs de canton et autres notables. Aujourd’hui encore, il est reconnu pour sa sélectivité : chaque année, 50 élèves, exclusivement masculins, sont choisis parmi plus de 3000 candidats lors d’un concours national. En plus de ces 50, une quinzaine d’élèves étrangers peuvent également être admis. A l’inverse, les Lynaqe accueillent un public plus varié, souvent mixte, avec un processus de sélection qui peut différer selon les établissements.
Historique et évolution
Le Prytanée militaire a évolué d’une école d’enfants de troupe à un établissement militaire reconnu, ayant changé de nom et de statut à plusieurs reprises. Les Lynaqe, quant à eux, sont des établissements plus récents, conçus pour moderniser l’enseignement général et répondre aux besoins éducatifs contemporains.
L’enseignement dispensé aux élèves de l’Ecole des enfants de troupe (Eets) les préparait au certificat d’études primaires, suivi d’une formation supérieure. A l’issue de ce parcours, ils intégraient le peloton du 1er régiment de tirailleurs sénégalais, avec la création d’un peloton spécifique en 1926. En 1938, l’école fut rattachée à la Compagnie hors rang (Chr) sous le commandement du Capitaine Charles N’Tchoréré dont l’influence perdure encore.
En 1946, l’école fut transférée au camp de Dakhar Bango, renommé en 1992 en l’honneur du capitaine Dé Momar Gary, ancien élève. De 1949 à 1953, les classes primaires furent progressivement remplacées par des niveaux de collège, l’école présentant pour la première fois des élèves au Brevet d’études du premier cycle du second degré (Bepc). Elle changea de statut pour devenir l’Ecole militaire préparatoire africaine (Empa.) Charles N’Tchoréré, avec la devise : «S’unir, servir toujours France-Afrique.» En 1973, elle fut renommée Prytanée militaire Charles N’Tchoréré de Saint-Louis (Pms) et dirigée pour la première fois par un officier sénégalais, le Commandant Papa Assane Mbodj, en 1974.
Performance académique
Le Prytanée militaire est souvent en tête des classements académiques, remportant régulièrement des concours prestigieux, comme le Concours général. Il a remporté également le concours international de Génies en herbe en 1994 et 1995. Bien que certains Lynaqe peuvent afficher de bonnes performances, cependant leurs résultats peuvent varier selon l’établissement.
Gouvernance et gestion des enseignants
Au Prytanée militaire, l’encadrement militaire est intégré à l’équipe enseignante, avec des enseignants travaillant aux côtés du personnel militaire. Les Lynaqe, quant à elles, sont généralement composées d’enseignants civils, axés sur l’éducation académique. Un défi majeur de cette initiative est la gestion des enseignants dans un cadre militaire. Quel sera le statut des enseignants des Lynaqe ? Seront-ils détachés ou affectés à l’institution, comme c’est le cas pour ceux du Prytanée militaire ? Cette distinction est fondamentale et peut influencer la stabilité de l’institution. Une affectation garantit une certaine autonomie aux enseignants, leur permettant de maintenir des pratiques pédagogiques adaptées, mais également de participer à des mouvements sociaux si nécessaire. En revanche, un statut de détachement pourrait limiter cette autonomie, restreignant leur capacité à s’engager dans des mouvements sociaux. Ce qui favorise une stabilité, une paix sociale et un respect du quantum horaire permettant de renforçer la qualité de l’enseignement.
Dans ce contexte, il est essentiel de se questionner sur l’avenir du Prytanée militaire de Saint-Louis, qui semble en partie redondant avec la création des Lynaqe.
L’avenir du Prytanée militaire de Saint-Louis
Cet établissement bénéficie d’une riche tradition historique et d’une réputation bien établie. Cependant, l’émergence des Lynaqe nécessite une réflexion sur son avenir.
Maintien et réforme
Une possibilité pourrait être la réforme du Prytanée militaire pour le rendre complémentaire aux Lynaqe, en orientant ses programmes vers des compétences militaires spécialisées ou des formations avancées en leadership militaire, tout en préservant son héritage.
Spécialisation et excellence
: Le Prytanée militaire pourrait se spécialiser dans des domaines que les Lynaqe ne couvrent pas en profondeur tels que les carrières militaires spécifiques ou les formations d’élite. Cela lui permettrait de valoriser son expertise unique tout en répondant à des besoins spécifiques de l’Armée sénégalaise.
Conservation comme monument historique :
Une autre option serait de conserver le Prytanée militaire comme un établissement prestigieux, avec une mission plus symbolique, mettant en valeur son patrimoine éducatif et militaire, tout en développant des partenariats avec les Lynaqe pour une complémentarité dans la formation des jeunes Sénégalais.
Les Lynaqe représentent une avancée significative vers une éducation moderne et inclusive au Sénégal, tout en s’inscrivant dans des valeurs traditionnelles. Cependant, le Prytanée militaire de Saint-Louis, avec son histoire riche et ses contributions uniques, mérite une réflexion approfondie sur son rôle futur. Il est essentiel d’explorer des avenues qui préservent ses contributions tout en adaptant son modèle aux besoins éducatifs contemporains.