LA GUERRE DES TROIS AURA LIEU !
Qui aurait cru voir Macky Sall descendre de sitôt dans l’arène politique ? Le duel entre Ousmane Sonko, Amadou Bâ et Macky Sall sera très attendu.
Les prochaines élections législatives seront âprement disputées. Les listes des trois plus grandes coalitions en lice sont dirigées par des acteurs qui se connaissent très bien pour avoir joué un rôle important sur la scène politique nationale au cours de ces dix dernières années. Le duel entre Ousmane Sonko, Amadou Bâ et Macky Sall sera très attendu.
Qui aurait cru voir Macky Sall descendre de sitôt dans l’arène politique ? En politique tout est indécis. Le diable peut même embrasser le bon dieu pour satisfaire ses intérêts. Les élections législatives du 17 novembre offrent une occasion inédite pour l’ancien président de la République, qui disait en avril dernier pressé de quitter le pouvoir, de se positionner dans le landerneau politique en effervescence avec les élections législatives. Tête de liste de « Tàkku Wàttu Sénégal », l’ancien président de la République fera face à Ousmane Sonko, l’actuel Premier ministre et leader du PASTEF, mais aussi à Amadou Bâ, tête de file de la coalition Jàmm ak Ndiarin.
Ousmane Sonko et Macky Sall, le « duel des pires ennemis »
Les deux hommes se connaissent bien. Ousmane Sonko a été radié de la fonction publique en août 2016 par l’ancien président de la République après de violentes critiques contre le régime de ce dernier à propos notamment d’anomalies fiscales et budgétaires. Après la présidentielle de 2019 qui avait vu le triomphe du président sortant, Macky Sall, Ousmane Sonko, arrivé troisième, avait tous les atouts pour être élu en 2024. Ainsi en 2020, la machine PASTEF s’est huilée. Ousmane Sonko multipliait les sortis médiatiques pertinentes et drainait les foules. A chaque occasion, il ne ratait pas sa cible préférée, le président Macky Sall. L’idéologie « patriote » en bandoulière, le leader de PASTEF enchainait des tournées et massifiait ses troupes dans les centres urbains et les zones les plus reculées du pays. Et pourtant, à la veille de la présidentielle de 2019, la coalition Benno Bokk Yaakar (BBY) n’avait jamais pris au sérieux Ousmane Sonko. Certains caciques du régime du président Macky Sall n’hésitaient pas d’ailleurs à le qualifier « d’amateur » et de « néophyte » en politique. En février 2021. Boum ! Ousmane Sonko est accusé de viol par une jeune masseuse du nom de Adji Sarr. C’est le début de l’affaire « Sweet beauté ». L’intéressé voit alors derrière cette cabale la main du président Macky Sall et de son parti pour l’éliminer « définitivement » du jeu politique. Le 3 mars 2021, alors que le chef du parti PASTEF était en route pour le tribunal de Dakar suite à une convocation du juge d’instruction, la gendarmerie l’arrête. Des émeutes éclatent à Dakar et dans le reste du pays. Face à cette situation, et alors que le pays brûlait depuis trois jours avec plusieurs morts et des destructions importantes, le président Macky Sall lâche du lest. Ousmane Sonko est libéré. La doctrine du « force restera à la loi s’effondre ».
Le leader de PASTEF sort de cet épisode renforcé. Ce qui va se confirmer par une victoire écrasante de la coalition Yéewi Askan Wi (YAW) dirigée par Ousmane Sonko lors des élections municipales de 2022. Quelques mois plustard, la coalition de Sonko réalise une percée et quadruple son nombre de sièges à l’Assemblée nationale où elle fait jeu presque égal avec la majorité présidentielle d’alors. Et pourtant sa liste des titulaires sur le plan national avait été invalidée à la suite de manœuvres du régime alors en place ! Face à cette situation, il fallait absolument « casser » Ousmane Sonko. Le 1er juin 2023, il est condamné à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » par la chambre criminelle de Dakar à l’issue du procès pour « viol » de la masseuse Adji Sarr. Auparavant, il avait été condamné pour « diffamation » sur plainte du ministre Mame Mbaye Niang. Une condamnation confirmée par la Cour suprême qui le rendra inéligible. Comme candidat ce substitution ou « Plan B », il propose Bassirou Diomaye Faye qui a été élu haut la main le 24 mars dernier. Beaucoup d’analytes y voient la main de l’exécutif d’alors. En renonçant à une troisième candidature, la stratégie « kamikaze » de Macky Sall a fonctionné : « Je perds, tu perds ! ». Aujourd’hui, les rôles sont inversés. Les prochaines législatives du 17 novembre seront une occasion pour Sonko de laver l’affront face à son ancien « pire ennemi ».
Macky Sall-Amadou Ba, la bataille des anciens collaborateurs
Le candidat de la coalition jàmm ak Njàrin, Amadou Bâ, a été l’un des plus proches collaborateurs de Macky Sall durant tout son magistère. Dans l’impossibilité d’effectuer une troisième candidature, le Président Macky Sall avait désigné son ancien Premier ministre pour être le candidat de la coalition BBY à la présidentielle de 2024. Beaucoup de voix s’étaient élevées pour critiquer ce choix qui avaient d’ailleurs entraîné le départ de ténors quittent la coalition BBY mécontents de ne pas avoir été choisis. Par la suite, le comportement du président Macky Sall — qui n’avait pas daigné batte campagne aux côtés de son poulain supposé —, Ba avait poussé certains à dénoncer un choix à « contrecœur ».
Amadou Bâ n’avait en effet bénéficié d’aucun soutien public de Macky Sall dans ses meetings. Selon certaines indiscrétions, l’ancien Premier ministre organisait des réunions avec certains membres de Benno Bokk Yakaar à l’insu de Macky Sall. Ce qui a rendu l’ancien président de la République « noir de colère » puisque ayant vu à travers ces messes basses comme « une trahison ». D’où la libération du candidat Diomaye Faye, qui purgeait une peine de prison, pour « contrecarrer » et « faire payer » Amadou Bâ. « Au demeurant, il est important de reconnaître que, malgré les efforts déployés par certains, des dysfonctionnements dans notre camp ont freiné nos ambitions communes. Nous devons tirer des leçons de cette expérience pour bâtir quelque chose de plus fort, de plus sincère et de plus solide », avait reconnu Amadou Ba lors de sa rentrée politique effectuée il y a quelques semaines.
Aujourd’hui, la rupture entre les deux hommes est consommée. L’ancien ministre des Affaires étrangères tente de reconstruire sa carrière politique. Crédité de 34% des voix lors de la dernière présidentielle, le leader de l’opposition a une belle carrière devant lui. A cause de ce bon score, beaucoup de hiérarques de l’ancien régime ont rejoint son mouvement. Amadou Bâ a presque dépouillé l’Alliance Pour la République, le parti de Macky Sall. Même Alioune Sall, frère de l’ancien président de la République, a adoubé Amadou Ba. Les élections législatives du 17 novembre seront-elles l’occasion pour l’ancien Premier ministre de prendre sa revanche sur son tombeur Bassirou Diomaye Faye ? La réponse est attendue dans un peu plus d’un mois !
Amadou Ba-Ousmane Sonko, un autre duel en perspective
L’ancien et l’actuel Premier ministre ont presque la même trajectoire. Ils se connaissent très bien pour avoir travaillé aux Impôts et Domaines. Pour n’avoir jamais critiqué Ousmane Sonko, Amadou Ba était accusé par certains de ses détracteurs au sein de la coalition BBY d’être de connivence avec le leader de PASTEF. Des accusations qu’il a toujours balayées d’un revers de main. Toutefois, l’ancien Premier ministre a pris le contrepied de ses adversaires qui le qualifiaient souvent de « mou » lors de sa rentrée politique. Il avait lancé des piques à l’actuel Premier ministre sans nommer en pleine polémique sur le port du voile en milieu scolaire. « Les violences verbales et physiques qui gangrènent notre société suscitent une inquiétude légitime. Chaque jour, nous voyons des actes et entendons des propos qui divisent, attisent la haine et fragilisent notre cohésion sociale », s’était-il désolé en appelant au sens de responsabilité de chacun. La réponse du président Ousmane Sonko ne s’était pas fait attendre. Lors de la conférence de presse du gouvernement sur la situation financière du pays, la tête de file de PASTEF n’a pas hésité à pointer du doigt le rôle d’Amadou Bâ dans l’état désastreux de finances publiques du pays en l’accusant « de faire partie de ce qui ont falsifié les chiffres publics avec des données erronées ». Était-ce un moyen pour discréditer un prétendant sérieux ? Le contexte ne trompe pas. Le duel entre Barthélemy Dias, la tête de liste de la coalition Sàmm sa kàddu, et Ousmane Sonko, deux anciens alliés, promet également. Les élections législatives du 17 novembre prochain seront donc inédites dansl’histoire du Sénégal ne serait-ce que parce qu’elles opposent des adversaires politiques et d’anciens compagnons. Surtout, elles mettront aux prises quatre ténors que sont Ousmane Sonko, Macky Sall, Amadou Ba et, dans une moindre mesure, Khalifa Sall par Barthélémy Dias interposé. Faites vos jeux, rien ne va plus !