LE DUEL AURA FINALEMENT LIEU
Après le combat par procuration à la présidentielle de 2024, Macky Sall et Ousmane Sonko pourraient enfin en découdre, sans intermédiaire. Un combat qui s’annonce rude et sans merci
Le duel tant attendu aura finalement lieu. Cette fois, il n’y aura pas de combat par procuration. Les deux chefs de file les plus en vue de l’arène politique sénégalaise vont en découdre dans un combat qui s’annonce des plus épiques, après avoir été tous les deux disqualifiés pour l’élection présidentielle
Investi tête de liste de la coalition Takku Wallu Senegal pour les élections législatives du 17 novembre 2024, Macky Sall a posé un acte fort le samedi 5 octobre, en démissionnant du poste que lui avait confié le président français Emmanuel Macron. “Comme vous le savez, les circonstances de la vie politique sénégalaise m’ont amené à être investi pour les élections législatives. Dans ces conditions, et pour éviter tout risque d'incompatibilité et de conflit d'intérêts, je voudrais porter à votre aimable attention que j'ai décidé de me mettre en retrait par rapport à mes activités d'Envoyé spécial du Pacte de Paris pour les peuples et la planète, à compter du 9 octobre, après le sommet de Hambourg sur la durabilité pour lequel j'avais déjà pris des engagements”, écrit l’ancien président sénégalais dans une lettre adressée au président de la République française Emmanuel Macron.
Ainsi, Macky Sall choisit de jeter l’éponge, après un bref passage à la tête du 4P. Une décision qui prend effet à partir du mercredi 9 octobre, à la suite du sommet de Hambourg.
La question qui se pose est désormais de savoir s’il va revenir au Sénégal pour battre campagne ou bien faire comme Abdoulaye Wade, qui avait dirigé une liste en 2022 sans jamais battre campagne.
En tout cas, il est fortement attendu à Paris par les militants et sympathisants de la coalition Takku Wallu Sénégal, composée essentiellement de son parti l’Alliance pour la République, du Parti démocratique sénégalais d’Abdoulaye Wade, mais aussi du Rewmi d’Idrissa Seck.
Alors qu’il y a quelques jours, la coordination de l’APR en France annonçait la programmation d’une rencontre le 10 octobre, nous avons appris que ladite rencontre a finalement été reportée pour une date à déterminer. “C’est avec regret que je vous informe que la rencontre initialement prévue le jeudi 10 avec le président Macky Sall est reportée à une date ultérieure”, a indiqué dans une déclaration le coordinateur Amadou Talla Daff.
Mais malgré cette annulation, il nous revient que l’ancien président va recevoir, la semaine prochaine, dès qu’il se déchargera effectivement de son manteau d’envoyé spécial, des responsables de la coalition Takku Wallu Senegal.
Cette tournure était peu probable, au lendemain de l’élection présidentielle de mars 2024, organisée à l’époque dans un contexte où il semblait bien s’entendre avec les dirigeants de Pastef, en l’occurrence Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye. C’était bien avant l’escalade déclenchée depuis des mois par le Premier ministre Ousmane Sonko, qui ne rate presque jamais une occasion pour s’en prendre vigoureusement au prédécesseur de Diomaye à la présidence de la République.
La dernière en date, c’est lors de la conférence de presse tenue le 26 septembre, à l’occasion de laquelle, dans une allusion à peine voilée, il menaçait : “On ne peut pas demander au peuple sénégalais de faire des sacrifices sans exiger que les responsables de ce carnage viennent se justifier.” Parmi les responsables qu’il a luimême désignés, il y a Moustapha Ba, Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo, mais aussi l’ancien président Macky Sall.
Ousmane Sonko venait ainsi de suivre un discours véhiculé pendant longtemps par des militants et sympathisants de son parti, qui n’ont eu de cesse de réclamer la tête de l’ancien chef de l’État.
Si la volonté était de faire peur et de dissuader Sall de tout engagement politique, on a l’impression que c’est plutôt l’effet inverse qui s’est produit. Ce dernier a non seulement accepté d’être tête de liste d’une grande coalition, mais aussi s’est désengagé de son poste à la tête du Pacte de Paris qui l’astreignait forcément à un certain nombre de réserves. Désormais, rien ne semble lier Sall qui va sans doute essayer de se défendre des nombreuses accusations qui pèsent sur sa personne. Ce n’est ni l’âge ni des charges au plan international.
Ainsi, Macky Sall devient le deuxième président sénégalais à revenir dans la politique après avoir perdu le pouvoir. À la suite des socialistes Senghor et Diouf qui avaient définitivement tourné la page après la transmission du pouvoir, les libéraux Wade et Sall ont pris des chemins diamétralement opposés. En ce qui le concerne, Abdoulaye Wade était revenu dans le jeu dans un contexte marqué par la traque de ses proches, en particulier de son fils Karim Wade. En 2012, il est tête de liste, mais sans battre campagne. En 2017, Wade revient dans la mare politique pour sauver ce qui restait encore du Parti démocratique sénégalais. En 2022, il est encore tête de liste, mais sans battre campagne.
Mais avec Wade, l’ambition n’a jamais été la reconquête du pouvoir. La Constitution ne lui en donnait même pas la possibilité.
Quant à Macky Sall, juridiquement, rien ne s’oppose à sa candidature à la prochaine Présidentielle, s’il en a la volonté. À moins de subir des condamnations futures qui le privent de ses droits.
Pour le moment, la grande question, c’est de savoir si l’ancien président va rentrer au Sénégal pour battre campagne ou pas ? De plus en plus l’hypothèse devient très plausible aux yeux de nombreux observateurs. On peut en tout cas valablement se demander si Macky Sall a renoncé au juteux poste qui lui a été confié pour rester confiné au Maroc ? Tout semble en tout cas montrer le contraire
Dans tous les cas, cet engagement va faire beaucoup de bien à l’APR. Le principal perdant risque d’être Amadou Ba qui, en l’absence de Sall, avait réussi à capter beaucoup de grands responsables de l’ancien parti présidentiel.
Il convient, par ailleurs, de souligner que cette posture de Macky Sall est bien différente de celle de son allié Karim Wade qui n’a jamais osé revenir au Sénégal depuis sa sortie de prison en 2016. Ce dernier avait, en effet, préféré sa retraite dorée à Doha, au Qatar, plutôt que d’encourir de nouvelles tracasseries judiciaires