LA BANALISATION DE LA VULGARITE
Il faut savoir manier l’insulte, la calomnie, la menace, l’affabulation pour se rendre digne d’être un militant reconnu.
Une femme d’âge mûr, mais qui n’a visiblement pas mûri elle-même, a agressé le Président Macky Sall dans un vol de la Royal Air Maroc qui reliait Casablanca à Paris. On ne saurait apprendre à 62 ans ce qui est censé être inculqué à l’âge de 4 ans : «On ne parle pas aux inconnus.» Pour prendre à partie un homme devant son épouse et devant une centaine de passagers dans une cabine, il faut sérieusement manquer d’éducation. Surtout que sa vulgarité a contraint la personne à passer un moment peu agréable avec la Police marocaine, jusqu’à rater sa correspondance et passer devant un juge.
Dès l’annonce de l’incident, j’ai su que la personne militait au parti Pastef ou en était à tout le moins une sympathisante. C’est le seul parti dans lequel l’injure est érigée en ticket d’entrée. Il faut savoir manier l’insulte, la calomnie, la menace, l’affabulation pour se rendre digne d’être un militant reconnu. Dans cette mouvance, se donner en spectacle est une seconde nature. Ils ne sont heureux que quand ils se filment en train de se déshonorer par l’absence de tenue, de décence. Ils peuvent même se filmer pour pleurer… Un manque de classe sidérant.
Après l’agression de Casablanca, l’incident devait être clos.
L’insulteuse, qui a sûrement soulagé sa conscience encore remplie de haine, s’en alla, fière d’avoir étalé sa vulgarité devant tout le monde. Le Président Sall, lui, a pris le chemin de Hambourg pour participer à la Conférence sur le développement durable. Mais c’était sans compter avec le communiqué de l’ambassade du Sénégal à Rabat qui dit avoir reçu de la ministre des Affaires étrangères, une injonction à apporter «assistance juridique» à une compatriote, oubliant qu’elle avait injurié un autre compatriote, au demeurant ancien chef d’Etat, devant des témoins, en territoire étranger. J’imagine les racés diplomates sénégalais, notamment de l’ambassade à Rabat et du consulat à Casablanca, dans leurs petits souliers devant l’irresponsabilité de Yassine Fall. Je les imagine d’autant plus gênés que les relations qui nous lient avec le Maroc sont exceptionnelles ; alors devoir défendre une femme sénégalaise de 62 ans parce qu’elle a abreuvé d’injures son ancien Président est très embarrassant.
Le projet de ces gens, promouvoir partout la désacralisation de ce que nous avons pris plus d’un siècle à sacraliser dans le pays et à l’étranger.
Quant à Yassine Fall, elle est peut-être une brave dame, mais elle fait penser à Justin de Selves, ministre des Affaires étrangères sous la IIIe République française, et dont on disait qu’il était «le ministre étranger aux Affaires». Après les «Sénégalais et le pain», et les propos inintelligibles sur la Francophonie, entre autres postures curieuses, elle s’acharne à rester très sommaire dans l’exercice de missions importantes.
Avec ces gens, les bases du vivre-ensemble sont fragilisées, la signature du Sénégal est dépréciée par des accusations graveleuses sur les finances publiques, la concorde religieuse est entamée par des positions provocatrices sur le voile. La diplomatie, qui fait le prestige du Sénégal depuis 1960, a été confiée à une dame dont je dis encore qu’elle est sans doute brave, mais ne dispose pas du minimum requis en termes de compétence, de tenue et de talent pour porter la voix du Sénégal.
Parce que Pastef est un parti consubstantiellement lié à la violence, le communiqué des services diplomatiques ne m’a que très peu surpris. Rappelons-nous les appels au «Mortal Kombat», les cocktails Molotov et les menaces physiques sur le président de la République, entre autres discours et actes violents. Ils avaient aussi exporté la violence à l’étranger en faisant du Sénégal le seul pays au monde dont les citoyens saccageaient les ambassades et les consulats. Un de leurs plus importants cadres vient d’appeler au «nettoyage» des militants et responsables de l’Apr.
Ce vocabulaire, purement et simplement génocidaire, est inacceptable dans une société civilisée. A force de ne rien se refuser, de ne s’ériger aucune limite, nous assistons, de la part de ces gens, à la banalisation du mal. Il s’agit, pour eux, d’une façon de se hisser très haut dans la hiérarchie de l’Etat. La jurisprudence Cheikh Oumar Diagne est encore fraîche dans nos mémoires. Je souhaite, pour éviter que notre pays franchisse un nouveau palier dans l’abaissement du débat public, que cette agression du Président Sall à Casablanca soit un fait très isolé, que cela ne se reproduise pas. La banalisation d’actes de ce genre pourrait avoir des conséquences dramatiques. Ce n’est pas tous les jours qu’un homme ou une femme se laissera agresser de la sorte sans réagir.