FIN DES ACCORDS DE PECHE : BON VENT !
Le poisson devient de plus en plus rare de nos jours. Nos pêcheurs font des milliers de kilomètres pour des captures dérisoires. Ils sont confrontés aux dangers de la haute mer et ils y laissent parfois leur vie
Ce dimanche 17 novembre, en même temps que les Sénégalais éliront leur nouvelle Assemblée nationale, les bateaux européens cesseront de pêcher dans la zone économique exclusive du Sénégal.
Aucune relation entre les deux événements, j’en conviens, mais permettez-moi de voir dans cette coïncidence du calendrier, un symbole et même un symbole heureux : le temps des bascules !
Si l’Afrique veut se décoloniser enfin, elle doit sortir des tutelles dans lesquelles on l’a installée.
Tout à fait sincèrement, je ne suis pas une spécialiste de la pêche ni des ressources halieutiques, et je découvre, comme nous tous, que les bateaux battant pavillon européen cesseront de pêcher dans les eaux sénégalaises à partir de dimanche soir après le non-renouvellement d'un accord entre Bruxelles et Dakar.
L'accord en vigueur avec l'UE arrivant à expiration dimanche soir à minuit ne sera pas prolongé et je ne peux pas m’empêcher d’y voir là une bonne nouvelle. L’Union européenne s’est précipitée d’annoncer la fin de l’accord pour se donner bonne figure, mais elle savait ce qui l’attendait avec les nouvelles autorités au pouvoir au Sénégal et d’ailleurs la ministre des Pêches Fatou Diouf a dénié à l'UE l'initiative de la fin de l'accord. "L’État n’était pas encore dans une logique de négocier", dit-elle dans une vidéo sur les réseaux sociaux.
Officiellement : "Il ne serait pas cohérent pour l'Union européenne, qui a une politique de tolérance zéro à l'égard de la pêche INN (illicite, non déclarée et non réglementée) de renouveler un accord avec des pays qui ont été notifiés de ce type de difficultés".
Est-ce encore les mêmes poncifs qui reviennent dès qu’il s’agit de penser l’Afrique : continent de précarité, peuples sans histoire, tribalisme, misère, famine ?
Selon Jean-Marc Pisani, l’ambassadeur de l’Union Européenne pour notre pays, le Sénégal a encaissé 10 milliards F CFA en cinq ans. Ce qui correspond, d’après l’économiste sénégalais Magaye Gaye à une enveloppe annuelle dérisoire qui représente « à peine 2 % du budget du ministère de la Pêche du Sénégal ».
Le poisson devient de plus en plus rare de nos jours. Nos pêcheurs font des milliers de kilomètres pour des captures dérisoires. Ils sont confrontés aux dangers de la haute mer et ils y laissent parfois leur vie. Des accrochages avec des chalutiers sont fréquents, qui n’hésitent pas à renverser les pirogues dans leur sillage. Combien de pêcheurs sénégalais ont opté pour l’émigration au péril de leur vie ?
Non honnêtement, après quatre siècles d’humiliation et d’exploitation, l’Afrique doit reconquérir et revaloriser ce qui avait été mis à mal par les nations européennes.
Je me souviens, un président de la République française, avait avancé ici au Sénégal en 2007 que « l’homme africain n’était pas assez entré dans l’Histoire ». Et bien, le Sénégal, est aujourd’hui un modèle pour tout le continent et poursuit son chemin dans l’Histoire.
Plus que tout autre continent, l’Afrique et ses matières premières, fut la proie des colonisateurs et parfois le demeure aujourd’hui encore. Ce matin je lisais dans Médiapart qu’une entreprise française « éthique et équitable » abandonnait ses brodeuses sénégalaises sans autre forme de procès.
En effet, la CSAO, que nous connaissons bien, aurait fait travailler des dizaines d’ouvrières sénégalaises sans aucun contrat de travail. Lorsqu’un de ses ateliers a fermé, les travailleuses n’ont donc obtenu aucun dédommagement. L’entreprise estime qu’il s’agissait d’artisanes indépendantes.
Je veux rendre hommage à ces femmes et je demande à nos autorités de se pencher sur toutes ces formes d’inégalités, afin de remettre à l’honneur la juste valorisation et préservation des savoir-faire sénégalais.
Et pour revenir à nos pêcheurs, je félicite l’État sénégalais, qui tient ses promesses envers ses concitoyens. Nul doute que secteur après secteur le Sénégal confirmera qu’il est bien l’une des figures de proue du mouvement d’émancipation en Afrique.