LES FORTES RESERVES DE MADANA KANE SUR SENEGAL 2050
Lettre au Gouvernement du Président Bassirou Diomaye Faye
Lettre au Gouvernement du Président Bassirou Diomaye Faye
Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs les membres du Gouvernement,
Après avoir lu, avec un intérêt scientifique et patriotique, l’Agenda National de Transformation – Sénégal 2050 que votre gouvernement a soumis au Peuple Sénégalais, je me permets de venir formuler à votre haute attention quelques observations reflétant les profondes préoccupations de notre mouvement politique par rapport à la trajectoire que vous avez choisie de faire prendre à notre pays pour les vingt-cinq prochaines années.
Je voudrais, tout d’abord, souligner qu’aucun Sénégalais ne saurait logiquement être contre l’objectif de doter notre pays d’une indépendance par rapport aux contingences internationales, en passant d’une économie de production de matières premières à une économie de transformation adossée à nos ressources naturelles. En cela, il me semble que cette vision que vous avez déclinée ne souffre d’aucune remise en cause de nos concitoyens.
En revanche, certaines options prises par votre Gouvernement sont fortement discutables et ne rassurent pas.
Il faut le rappeler : un pays se développe avec de grands projets générateurs de croissance économique. Or, face à la pression de corriger la trajectoire de la dette, votre Gouvernement a choisi de moins recourir à l’emprunt et de se focaliser sur les ressources internes. Sur cet aspect en particulier, je voudrais exprimer des inquiétudes, non pas sur le principe de réduire notre dépendance à la dette, mais sur les conséquences négatives que cette option pourrait engendrer pour notre pays et ses vaillantes populations.
Je voudrais plus précisément attirer votre attention sur les éléments suivants :
L’activité économique du Sénégal tourne principalement autour des marchés publics, l’Etat du Sénégal étant le premier agent économique du pays.
La décision de votre Gouvernement de limiter le recours à l’emprunt aura pour effet, dans le court terme, la réduction du rythme des investissements publics, donc d’octroi des marchés publics.
La majorité des entreprises sénégalaises étant dépendantes de ces marchés, leur réduction va inéluctablement engendrer un ralentissement de l’activité économique. C’est ce que nous observons déjà depuis quelques mois, et le Fonds Monétaire International vient à nouveau de le confirmer.
Le ralentissement de l’activité économique va naturellement induire une baisse des recettes fiscales, ces mêmes recettes sur lesquelles votre Gouvernement compte s’appuyer pour financer son programme quinquennal 2025 – 2029.
L’impact des projets du plan quinquennal sur l’économie du pays ne se fera ressentir, le cas échéant, que dans le moyen, voir le long terme. La raison est simple : la période de construction des projets dure généralement entre deux et trois ans. Il en résulte qu’il y’aura, pour une certaine période de transition – qu’il aurait bien été utile de cerner dans le document –, un manque à gagner en termes de recettes de l’Etat.
La baisse des recettes fiscales classiques, le manque à gagner pendant la période de transition, et un éventuel maintien par votre Gouvernement de sa décision de moins recourir à la dette feront certainement entrer le Sénégal en récession économique, avec toutes les conséquences désastreuses qu’elle engendrerait pour nos populations déjà éprouvées.
L’élargissement de l’assiette fiscale annoncé par votre Gouvernement comme mesure de renforcement des comptes publics entraînera, dans le meilleur des cas, une substitution des recettes perdues à cause du ralentissement économique, et servira probablement à couvrir les charges fixes de l’Etat et à assurer le service de la dette au cours des prochaines années. Il restera donc peu de place à l’investissement public.
Votre option de faire jouer au secteur privé sa partition est certes louable. Mais, malheureusement, un secteur privé local déjà affecté par sa dépendance aux marchés publics, ne pourra pas dans le court terme se substituer à l’Etat, et financer les grands projets. Il s’y ajoute la rigidité du système bancaire qui ne facilite pas l’accès au crédit des entreprises locales, à fortiori lorsqu’elles seront en difficulté dans un contexte de récession économique. C’est l’occasion de noter que c’est cette même rigidité qui fait que nos entreprises n’arrivent pas à tirer pleinement profit des dispositions législatives relatives à la promotion du contenu local.
Aussi, les investisseurs privés, nationaux comme internationaux, voudront s’assurer de la rentabilité économique des projets avant d’investir. L’existence d’un marché de consommation robuste constitue le déterminant principal pour garantir la rentabilité économique des projets, surtout que dans les schémas de Partenariats Publics Privés, ou privés durs, les projets sont habituellement remboursés à partir de revenus tirés de la consommation des ménages. Or, dans un pays où les jeunes, qui représentent 75% de la population, ne trouvent pas un emploi, et n’ont donc pas de pouvoir d’achat, il sera difficile, voire impossible, d’asseoir un marché de la consommation, pourtant gage de rentabilité économique des projets à soumettre au financement du secteur privé.
Malheureusement, votre Gouvernement n’a pas décliné dans son Agenda 2050 une feuille de route claire en matière d’emploi et de pouvoir d’achat, ce qui constitue une limite certaine pour pouvoir apprécier le système de financement du programme public de l’Etat proposé aux Sénégalais.
Au regard de toutes ces considérations, il faut craindre que le système de financement du programme public proposé par le Gouvernement ne soit ni opérationnel, ni efficace dans le court moyen terme, car ne prenant absolument pas en compte les dynamiques de fonctionnement de notre économie qui, actuellement, est fortement tributaire de l’investissement et des marchés publics. Cela entraînera un blocage de l’économie du pays, loin de l’objectif que vous vous êtes fixés d’asseoir une économie compétitive. Dans un tel contexte, il serait également utopique de penser que le secteur privé pourra prendre le relais pour créer des richesses avant plusieurs années.
Fort de tout cela, il est urgent que votre Gouvernement présente aux Sénégalais un plan de transition qui, tout en cherchant à ramener le déficit public et la trajectoire de la dette dans les proportions acceptables, pourra permettre à l’économie de continuer.