PASTEF POST-LÉGISL'HÂTIVES : ET MAINTENANT ?
Vivement l'institution du poste de vice-président, dont la seule fonction est de succéder au président en cas d'empêchement. Un rôle taillé sur mesure pour Sonko, dont l'ambition d'être président date de si longtemps
Les urnes sénégalaises ont parlé. Le dimanche 17 novembre 2024. Le verdict des élections législatives au pays de Kocc Barma est sans appel. Avec 130 députés sur 165, Pastef casse la baraque et atteint les 73% de sièges à la Place Soweto. Résultat en trompe-l'œil ? Je crois pouvoir affirmer que si.
En effet, le système de "raaw gaddu", "the winner takes all", en vigueur dans les 46 départements du pays et dans les circonscriptions de la diaspora, pousse artificiellement à une victoire aux points qui devient une victoire par coup K.O. Celui qui a le plus de voix, même avec une courte avance sur son suivant, prend tous les sièges de députés en jeu. On pourrait trouver un système de répartition plus équitable, et pour tout dire, plus démocratique. Mais enfin...Toujours est-il que la messe est dite.
Pour les cinq ans à venir, le président Diomaye, mais plus encore le Premier ministre sortant (et bientôt sorti) Ousmane Sonko, disposent d'une majorité législative plus que confortable pour mettre en œuvre leurs projets de "changement systémique".
Dans le contrat de législature de Pastef ? L'adoption d'une loi qui criminalise l'homosexualité, d'une loi sur la renégociation des contrats pétroliers et gaziers, la suppression du poste de Premier ministre pour instituer la fonction de vice-président, et l'abrogation de la loi d'amnistie prise en fin de mandat par l'ex-Macky Sall. Ce sont les seuls vrais engagements du contrat de législature de Pastef. Excusez du peu. Toutefois, même si poursuivre les prévaricateurs présumés ou confirmés de l'ancien régime, le Salltennat, est à lui tout seul une tâche de longue haleine, tout ceci ne suffira pas à remplir les cinq ans de mandature.
D'autant que la vraie question, c'est l'économie. Le vote du prochain budget 2025 du Sénégal par cette nouvelle législature nous renseignera sur les orientations et sur le cap de ce Diomayat. Oui, la patate chaude à gérer, c'est l'économie, sans nul conteste : le déficit représente 10% du PIB alors qu'il ne devrait pas dépasser les 3%, la dette est a 88% du PIB alors qu'elle ne devrait pas dépasser les 70%, tout ceci selon les critères de convergence de l'UEMOA. Ceci fait que s'endetter pour le Sénégal revient très cher en taux d'intérêt.
La priorité, c'est donc bien, pour ce nouveau régime de mars conforté en novembre par une forte majorité législative, le redressement de l'économie dans un pays, le Sénégal, où 22% des actifs sont au chômage et où 35% des jeunes n'ont ni emploi, ni qualifications. Les 27 milliards d'euros d'investissement sur cinq ans par le gouvernement du Sénégal doivent être explicités, en termes de faisabilité. Le pétrole désormais produit sur place sera utile s'il est raffiné sur place pour permettre une baisse du coût de l'énergie et de l'électricité, que tous les Sénégalais attendent avec impatience.
Ousmane Sonko sera-t-il toujours aux manettes à la Primature, pour mener à bien tout cela ? Rien n'est moins sûr.
D'abord, de par la tradition républicaine, après des élections nationales, le Premier ministre se doit de remettre la démission de tout son gouvernement au président de la République. Cela devrait être acté très vite. Le GOS (Gouvernement Ousmane Sonko) vit donc ses derniers jours (et même pas ses dernières semaines, étant donné l'urgence d'installer les nouveaux députés pour voter le budget 2025, marathon parlementaire s'il en est). Nous ne devrions pas voir la reconduction d'un GOS 2.
L'alternative pour Ousmane Sonko ? Aller à l'Assemblée et s'y faire élire au perchoir comme PAN (président de l'Assemblée nationale). Il devra se faire assister d'un président de groupe parlementaire Pastef consensuel comme Ayib Daffé ou ductile comme Amadou Ba. Sonko aura besoin de toute sa maestria, quitte à user de la manière forte qu'on lui connaît, pour cornaquer cette majorité parlementaire mahousse costaud. Parmi une des premières lois : l'institution du poste de vice-président de la République, poste que Sonko pourra alors prendre, avec la suppression de la fonction de Premier ministre, pour éviter tout risque de rivalité entre un Sonko vice-président et une autre personnalité qui serait Premier ministre.
Car Sonko ne pourra souffrir longtemps d'être PAN en ayant un Premier ministre entre lui et le président Diomaye. Mais la dualité qui a fini par apparaître entre Sonko et le président ne lui permet plus d'être Premier ministre : à la veille des législatives, en interview avec Walf TV, Sonko a dû expliquer que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes entre lui et le chef de l'Etat (c'est le meilleur moyen pour prouver que non, ça ne va pas : il y a bel et bien dyarchie).
Donc, vivement l'institution du poste de vice-président, dont la seule fonction est de succéder au président en cas d'empêchement. Un rôle taillé sur mesure pour Sonko, dont l'ambition d'être président date de si longtemps. Lui et le président Diomaye ne devront donc pas écouter tous ceux qui poussent à ce que Sonko soit reconduit Premier ministre. Il est vrai que votre caractère forge votre destinée : et le caractère de Sonko, c'est la castagne, donc d'aller se bagarrer comme Premier ministre au nom et pour le compte du Premier ministre, et de prendre tous les coups. Mais il devra résister à cette tentation mortifère. Not All your Followers Are Your Fans. Traduction : Tous ceux qui vous poussent à faire quelque chose ne visent pas votre bien. A bon entendeur....
Qu'en est-il de la coalition Pôle Alternatif Kiraay ak Natangué 3eme Voie dont j'ai été candidat sur la liste nationale ? Eh bien, sans parler au nom de notre tête de liste, le président Birima Mangara, élu député unique de cette coalition, je peux m'avancer à dire que nous sommes plutôt enclins à travailler dans le sens des intérêts bien compris du peuple sénégalais. Et ce peuple nous a indiqué clairement la voie à suivre : soutenir les efforts de changement systémique et de rupture radicale du président Diomaye, d'avec l'ancien système. Nous nous y attellerons et nous ne serons pas en contradiction avec nous même, en le faisant : car nous avons été membre de la coalition Diomaye Président, lors de la présidentielle de mars 2024.
Aussi, tenez-le vous pour dit : nous avons fait advenir le changement et la rupture. Nous sommes et demeurerons un acteur de changement et de rupture, d'avec les pratiques du passé.
Ousseynou Nar Gueye est éditorialiste-communicant-écrivain et homme politique.