VIDEOLES MENSONGES DE THIAROYE
Une enquête du Monde révèle un dispositif impressionnant déployé ce matin-là : un millier de soldats, des blindés, des mitrailleuses face à des hommes qui réclamaient leur solde. Bilan ? 300 à 400 victimes, bien loin des 35 morts officiellement reconnus
Le Monde livre une reconstitution minutieuse du massacre de Thiaroye, survenu le 1er décembre 1944 près de Dakar, où l'armée française ouvrit le feu sur ses propres tirailleurs. Une enquête approfondie qui révèle les nombreuses contradictions dans les archives militaires et met en lumière l'ampleur réelle de ce drame longtemps minimisé.
Selon la reconstitution du Monde, basée sur les archives militaires, l'opération débute avant l'aube. Un dispositif impressionnant est déployé : un millier de soldats, dont 120 Français, trois automitrailleuses, un char et deux blindés encerclent le camp où dorment les tirailleurs. À 7h15, entre 800 et 1000 hommes sont rassemblés sur l'esplanade centrale.
La version officielle de l'époque, rapportée dans les documents militaires, évoque une rébellion violente nécessitant l'usage de la force. Mais les historiens consultés par Le Monde, notamment Armelle Mabon, pointent de nombreuses incohérences dans les rapports officiels. "Aucun officier ne disait la même chose. Ça a été commandé par des écrits sur ordre", révèle l'enquête.
L'un des points les plus controversés reste le bilan humain. Si les autorités militaires n'ont reconnu que 35 morts, les recherches historiques suggèrent un nombre bien plus élevé. Armelle Mabon, citée par Le Monde, estime qu'il y aurait eu "entre 300 et 400" victimes, se basant notamment sur la manipulation des chiffres d'embarquement au port de Morlaix.
"508 cartouches ont été tirées", note un rapport du colonel Carbillet cité par le quotidien. Pour les historiens, ce volume de tirs "sur une foule compacte" suggère "un carnage de grande ampleur". Le drame pose également la question de la préméditation, certains documents évoquant une "mission de réduire les mutins".
Le Monde souligne que de nombreuses zones d'ombre persistent, notamment en raison d'archives manquantes ou inaccessibles. "Je suis convaincue que ces archives existent, mais qu'elles sont des archives que j'appelle interdites ou secrètes", affirme une historienne citée dans l'enquête. Une certitude demeure cependant : ce 1er décembre 1944, l'armée française a délibérément ouvert le feu sur ses propres soldats.