L’EFFONDREMENT DES PARTIS HISTORIQUES FACE A LA MONTEE DES FORCES EMERGENTES
Les élections législatives du 17 novembre 2024 ont marqué une rupture majeure dans l’histoire politique du Sénégal.
Le PS, le PDS, l’AFP, Rewmi, le PIT, Ld/MPT, Aj/Pads, l’heure des mutations
Les récentes élections législatives ont marqué un tournant décisif dans le paysage politique sénégalais. Deux des principaux partis historiques, notamment le Parti Socialiste (Ps) et l’Alliance des Forces de Progrès (Afp), ont enregistré des résultats décevants. Ils n’ont obtenu que quelques postes de députés. Cette dégringolade aussi concerne des partis historiques comme le Parti démocratique sénégalais (PDS), le Rewmi, la Ld/MPT, le Pit, Aj/Pads, suscite des interrogations sur les dynamiques politiques actuelles et la recomposition du paysage politique.
Les élections législatives du 17 novembre 2024 ont marqué une rupture majeure dans l’histoire politique du Sénégal. Les partis traditionnels, en particulier le Parti Socialiste (Ps), l’Alliance des Forces de Progrès (Afp) et le Parti démocratique sénégalais ( Pds), le Parti de l’indépendance pour le travail ( Pit) et la Ligue démocratique/Mouvement pour le parti du travail (Ld/Mpt) ont enregistré des résultats décevants, illustrant une perte d’influence alarmante. Même si certaines de ces formations se sont laissé remorquer par des locomotives (Alliance) lors des dernières élections (Présidentielle et Législative). Jadis incontournables grâce à leurs bases électorales solides et des appareils bien rodés, ces formations sont désormais fragilisées par une érosion de leur ancrage populaire, un manque de renouvellement générationnel et des programmes jugés décalés par rapport aux attentes d’une population, notamment des jeunes, en quête de rupture. Pendant ce temps, les mouvements émergents et les coalitions portées par des leaders dynamiques et charismatiques, comme Ousmane Sonko et Barthélémy Dias, captent l’attention et redéfinissent les contours du paysage politique national. Entre crise de leadership, dissidences internes et remise en question de leurs stratégies, les partis historiques sont confrontés à un défi existentiel : se réinventer pour survivre ou disparaître face à des forces politiques mieux alignées sur les aspirations contemporaines.
Érosion des bases traditionnelles et des programmes obsolètes
Le Ps et l’Afp par exemple qui s’appuient depuis des décennies sur des appareils politiques bien établis, semblent avoir perdu leur ancrage populaire. La fidélité des électeurs, autrefois garantie sur des bases affectives et des réseaux clientélistes, s’est effritée. Les jeunes générations, moins enclines à adhérer aux logiques partisanes héritées, se montrent davantage séduites par le discours des mouvements plus modernes et revendicatifs. Ce déclin est particulièrement visible dans les régions. A Louga, les socialistes dominaient autrefois sans partage. La région de Kaolack était un bastion incontournable de l’Afp. Aujourd’hui, même dans ces contrées acquises jadis par ces partis traditionnels, les résultats montrent une montée en puissance des formations émergentes qui captent l’attention d’un électorat en quête de rupture avec les pratiques politiques jugées obsolètes. Pire encore, lors des élections législatives, ces formations en décadence sont obligées de se fondre dans certaines coalitions politiques pour tenter d’exister sur le terrain. La preuve par les socialistes épaulés l’ex-Premier ministre Amadou Bâ au sein de la coalition Jàmm ak Njarign. Le Ps, l’Afp et le Pds souffrent d’un manque de renouvellement idéologique. Leurs programmes, souvent bien structurés, notamment en matière d’emploi, de santé, et de gouvernance, peinent à attirer l’attention pressante des jeunes. En comparaison, les nouvelles forces politiques ont mis l’accent sur des campagnes axées sur le concret voire l’action immédiate relative à la transparence, la rupture systémique, la lutte contre la corruption et la justice sociale. Cette inadéquation entre l’offre politique des partis traditionnels et les attentes populaires a favorisé une érosion massive de leur base électorale historique, tandis qu’une partie de leurs partisans s’est tournée vers des alternatives perçues comme plus crédibles.
Un leadership contesté et en décalage avec l’époque
Le manque de leadership charismatique et l’absence de visionnaire au sein des formations politiques ont aggravé la décadence de ces formations politiques emblématiques ( Ps, Afp, Pit, Ld/Mpt, Pds). Leurs hiérarques sont souvent perçus comme les vestiges d’une époque révolue par la jeunesse en quête de renouveau. Leur incapacité à capter les aspirations des nouvelles générations, à intégrer les revendications populaires, ou à renouveler leurs discours, a cristallisé une profonde désillusion au sein de l’électorat. Les querelles internes et l’absence de figures capables de rassembler ont affaibli leur crédibilité. À l’inverse, les nouvelles coalitions politiques comme le Pastef bénéficient de leaders dynamiques capables de mobiliser des foules et de donner un visage renouvelé à la politique. Le leadership de la matriarche Aminata Mbengue Ndiaye et de Moustapha Niasse sont constamment remis en question. Leur incapacité à faire face aux crises internes, à gérer les conflits de pouvoir, ou à promouvoir une transition générationnelle, a renforcé l’idée que ces leaders représentent un obstacle au renouveau politique. En clair, ils ont refusé la modernisation et la mutation. Après l’avènement de la coalition Benno Bokk Yakaar (Bby) en 2012, ils ont préféré rester sourds aux appels du rajeunissement. Une faute stratégique ! Si un parti politique a raté la coche du renouvellement générationnel, c’est bien le PS. Alors que les révélations de Khalifa Sall, Barthélemy Dias et Malick Noël Seck étaient perçues à l’époque comme une aubaine pour rajeunir le parti. Malheureusement, les avantages offerts par le Président Macky Sall ont mis un frein à toute velléité de renouvellement. Les anciens n’ont jamais voulu céder la place aux jeunes. D’où les dissidences fréquentes, notamment celle de Khalifa Sall. Aujourd’hui, le « Wind of change » – vent du changement – souffle sur le Sénégal. La jeunesse est plus que jamais au rendez-vous. Mme Aminata Mbengue Ndiaye semble l’avoir compris trop tard. Du côté de l’Afp, c’est le même constat. Le vieux Moustapha Niasse préfère dicter sa loi en faisant de l’Afp une boutique de famille. Son compagnonnage avec Macky Sall et les nombreux avantages offerts par ce dernier ont relégué le processus de renouvellement au second plan. Des jeunes leaders qui incarnaient la relève sont exclus ou emprisonnés pour vandalisme. En 2015, Malick Gackou a quitté l’Afp. Pendant ce temps, tous ceux qui exhibaient des ambitions présidentielles sont quasiment exclus. Même si les élections présidentielles de 2019 et de 2024 ne sont pas des succès pour la tête de file Grand Parti (Gp), il a préféré prendre ses responsabilités. Alioune Sarr et Dr Malick Diop ont aussi ont claqué la porte.
Un renouvellement exigé par la base
Au sein même des partis, de nombreuses voix s’élèvent depuis longtemps pour réclamer une refonte totale. Avec la chute de BBY, certains militants et cadres intermédiaires, frustrés par le manque de vision stratégique, ont rejoint les formations les plus enclins à promouvoir les jeunes leaders, notamment les jeunes leaders comme Barthelemy Dias et Ousmane Sonko. Dans un contexte où les citoyens exigent davantage de l’innovation politique, de la transparence et un discours de rupture, le rajeunissement apparaît comme une nécessité. D’ailleurs, c’est ce qui explique la popularité de Barthelemy Dias qui a su capter une partie de l’électorat socialiste dans la région de Dakar, même si les législatives sont une grande désillusion pour lui. Loin d’être un simple ajustement, cette démarche doit s’accompagner d’une révision perspicace des méthodes de gouvernance, des alliances politiques et des priorités stratégiques. L’heure n’est plus aux demi-mesures.
Le renouvellement de la classe dirigeante est une étape essentielle pour espérer reconquérir l’électorat. Il s’agit d’un acte de survie et de responsabilité face à un système démocratique en quête de régénération. Ce changement de paradigme pourrait permettre de rétablir un lien de confiance avec les citoyens, tout en favorisant une recomposition politique durable et plus représentative des aspirations populaires. Pour regagner la confiance de leurs électeurs, le PS, l’AFP et les partis traditionnels devront se doter de leaders capables d’incarner le changement. Cela implique une promotion des jeunes cadres capables d’imposer un répondant aux dirigeants actuels. Les formations politiques qui refuseront de prendre ce virage risquent de disparaître, balayées par des forces émergentes mieux adaptées aux attentes sociopolitiques actuelles et des aspirations de la jeunesse. La débâcle des partis traditionnels au soir des élections du 17 novembre 2024 dernier ne signifie pas leur disparition imminente, mais elle appelle une introspection profonde de leurs dirigeants actuels. Pour survivre, ils devront réinventer leurs discours, renouveler leurs élites, et se reconnecter aux aspirations populaires. Faute de quoi, ils risquent d’être définitivement relégués au second plan, cédant la place à une nouvelle génération de formations politiques. Les législatives marquent l’émergence d’un nouveau cycle politique au Sénégal. L’effondrement des partis historiques pourrait être le prélude à une recomposition profonde du champ politique, portée par des acteurs plus en phase avec les enjeux contemporains.