LE TEMPS DE LA VÉRITÉ SUR THIAROYE 44
Plus de 130 députés français s'apprêtent à faire la lumière sur cet épisode, l'un des plus sombres de l'histoire coloniale française à travers la mise en place d'une commission d'enquête

Le Sénégal vient d’organiser avant-hier, dimanche 1er décembre 2024, une cérémonie grandiose marquant commémorationdu80eanniversairedumassacredesTirailleursSénégal, le 1er décembre 1944, par des Forces de l’Armée coloniale française au camp militaire de Thiaroye-Gare, pour l’histoire. Contre l’oubli, et pour la manifestation de la vérité, et la justice pour restaurer la mémoire et la dignité des anciens combattants, plus de 130 députés français ont pris l’initiative de lancer une commission d'enquête sur le massacre de Thiaroye 44.
S’achemine-t-on vers la levée « effective» de toutes les zones d’ombre pour l’éclatement de vérité sur le «massacre» des Tirailleurs Sénégalais, par des éléments de l’Armée et de la Gendarmerie coloniales françaises au camp militaire de Thiaroye-Gare, le 1er décembre 1944. Alors que, le Sénégal vient de commémorer le 80e anniversaire de ce drame, le dimanche 1er décembre 2024, «plus de 130 députés français vont lancer une commission d'enquête sur le massacre de Thiaroye 44», a annoncé Aurélien Taché, député de la 10e circonscription du Val d'Oise, dans un post sur ces réseaux sociaux. Cette initiative intervient quelques jours après que le président français, Emmanuel Macron, eut affirmé, le jeudi 28 novembre dernier, que «la France se doit de reconnaître» qu’il y a eu un «massacre» dans le camp militaire de Thiaroye, en périphérie de Dakar, le 1ᵉʳ décembre 1944, perpétré par des troupes coloniales françaises.
«Le 1er décembre 1944, plusieurs centaines de tirailleurs sénégalais y sont assassinés par l'Armée française, pour avoir réclamés le paiement de leur solde. Si Emmanuel Macron a enfin reconnu ce massacre, la vérité est loin d'être établie. Bassirou Diomaye Faye a d'ailleurs lancé "un appel à tous les acteurs étatiques et non étatiques, y compris français, à aider le Sénégal à établir la vérité". C'est précisément le sens de la commission d'enquête que nous lançons, à mon initiative et celle de ma collègue Colette Capdevielle, avec plus de 130 députés », lit-on dans un post sur les réseaux sociaux de Aurélien Taché, député de la 10e circonscription du Val d'Oise. La parlementaire française avait d’ailleurs pris part à Dakar, avec son collègue Aly Diouara, à la cérémonie de la commémoration du 80e anniversaire du massacre des Tirailleurs Sénégalais au camp militaire de Thiaroye, par l’Armée coloniale française, le 1er décembre 1944, pour avoir réclamé leur dû.
La France appelée à faire son travail d'introspection par rapport à ce crime colonial et enfin regarder son passé en face
Cet acte de mémoire a été présidé par le Président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye qui, déjà dans une interview à France 2, jeudi dernier, avait révélé qu'Emmanuel Macron reconnaissait dans une lettre qu'il lui avait adressée, le «massacre» de Tirailleurs Sénégalais par les Forces coloniales françaises dans le camp militaire de Thiaroye, le 1ᵉʳ décembre 1944. Ainsi, pour la première fois, dans un courrier officiel, rédigé quelques jours avant les cérémonies commémorant les 80 ans du drame au Sénégal, le chef de l'État français a écrit : «la France se doit de reconnaître que ce jour-là, la confrontation de militaires et de tirailleurs qui exigeaient que soit versé l'entièreté de leur solde légitime, a déclenché un enchaînement de faits ayant abouti à un massacre. Il importe d'établir autant que possible les causes et faits ayant mené à cette tragédie.»
De son côté, Bassirou Diomaye Faye a salué «un pas consistant qui doit ouvrir la porte à une collaboration pour la manifestation de la vérité sur ce douloureux événement». Selon lui, «tant la vérité ne sera pas totalement faite», ce massacre restera «une plaie béante» dans l’histoire que la France et le Sénégal ont en partage. «La France va pouvoir faire son travail d'introspection par rapport à ce crime colonial et enfin regarder son passé en face.»
Des pièces d’archives mises à disposition du Sénégal par la France en 2014 restent muettes sur les zones d’ombre du crime
En attendant, des zones d’ombres persistent toujours. En effet, parmi les pièces centrales qui manquent aux archives qui ont été versées en 2014 par la France, la liste des appelés le matin du 1ᵉʳ décembre, mais aussi le nombre exact de tirailleurs qui ont débarqué à Dakar après leur démobilisation, une carte indiquant où les tirailleurs tués ont été enterrés, ou encore une liste des victimes, essentielle pour répondre à cette «inconnue» du nombre exact de morts. Et dans le cadre du 80e anniversaire de ce douloureux événement, une mission d’historiens, de documentalistes et d’archivistes sénégalais a séjourné en France, pendant deux semaines, durant le mois de novembre dernier, pour prendre connaissance des fonds documentaires existants. Les Tirailleurs, enrôlés par l’Armée française en 1939-1940 pour faire face à l’invasion nazie dans l’Hexagone, étaient originaires de 16 pays d’Afrique subsaharienne francophone, comme le Sénégal, le Mali (alors appelé Soudan français), la Guinée, le Bénin, le Togo, la Haute Volta (actuel Burkina Faso)…Ils ont participé à la bataille de France, livrée entre le 10 mai et le 22 juin 1940, au cours de laquelle, plus de 2000 tirailleurs sur plus de 3000 ont été portés disparus fin juin 1940. Plusieurs ont été faits prisonniers en France et contraints par les Allemands aux travaux forcés. Dans son discours lors de la commémoration de 80 ans du massacre, le président Diomaye Faye a annoncé plusieurs mesures pour préserver la mémoire de ces anciens combattants qui méritent aussi le statut de «Morts pour l’Afrique», selon le Professeur Mamadou Diouf, historien, et la transmettre aux générations futures.