GOXU MBATH, FASTES ET TUMULTES D’UN QUARTIER MYTHIQUE DE NDAR
Dans la langue de Barbarie, au nord de l’avenue Colonel Dodds, se trouve Goxu Mbath, un quartier mythique de la ville de Saint-Louis. Entouré par le petit bras du fleuve et la mer, Goxu Mbath est un melting-pot. En cet endroit, les rues sont animées

Situé au nord de l’avenue Colonel Dodds, dans la langue de Barbarie à Saint-Louis, Goxu Mbath est un quartier chargé d’histoire et de diversité culturelle. Créé en 1861, ce lieu emblématique a vu cohabiter plusieurs communautés, devenant un carrefour ethnique unique marqué par la solidarité de ses habitants. Cependant, Goxu Mbath a également traversé des épreuves, notamment durant le conflit sénégalo-mauritanien de 1989, qui a profondément affecté sa population et son économie. Aujourd’hui, ce quartier mythique fait face à de nouveaux défis, tels que l’érosion côtière et des pénuries d’eau récurrentes, compliquant le quotidien des habitants. Entre héritage historique et résilience face aux difficultés, Goxu Mbath continue d’incarner la richesse et les contradictions de la ville de Saint-Louis.
Dans la langue de Barbarie, au nord de l’avenue Colonel Dodds, se trouve Goxu Mbath, un quartier mythique de la ville de Saint-Louis. Entouré par le petit bras du fleuve et la mer, Goxu Mbath est un melting-pot. En cet endroit, les rues sont animées. Les cris stridents des chèvres errants se mêlent aux trots des charrettes. Sur les berges du fleuve, des pécheurs, bardas à la main et filets à l’épaule, s’apprêtent à prendre la mer. A proximité, des notables, assis sous un cabanon en face de l’île «Boppu Thior», discutent tranquillement dans une brise fraiche.
A quelques mètres, sur une rue sablonneuse, la maison du doyen Iba Diagne ne désemplit pas. Si ce n’est pas des demandeurs de certificats de résidence quis’y relaient, les habitants du quartier viennent régler leurs querelles. Président du Conseil de quartier, M. Diagne habite Goxu Mbathe depuis 1966. Une voix autorisée pour parler du quartier et de ses problèmes.
Un quartier métissé
Goxu Mbath a été créé en 1861, d’après un arrêté du gouverneur, selon M. Diagne. Maure d’origine, sa famille, l’une des doyennes de la localité, s’y est installée depuis plusieurs années. La signification du nom du quartier ne fait pas l’unanimité, plusieurs versions ont été évoquées, selon Iba Diagne. «Goxu, en wolof, veut dire lieu d’habitation. Pour « mbath », il y a trois versions. La première renvoie au fait que le lieu était un terrain d’entrainement des tirailleurs et en wolof « mbathe » veut dire « marche ». La seconde renvoie « bathie » « laver» car il y avait des métis qui étaient déplacés par les colons dans le quartier et qui avaient l’habitude de faire le linge sur les berges du fleuve.
La troisième version soutient que mbath signifie « Baag », c’est-à-dire de grands récipients que les maures utilisaient pour sécher les peaux de moutons après la Tabaski », renseigne le doyen Diagne. Il rappelle qu’au départ, Goxu Mbath était un quartier irrégulier et isolé du reste de l’île où vivaient plusieurs communautés. Celles ont été favorisées par la ségrégation en vigueur à Saint-Louis durant l’époque coloniale qui a poussé plusieurs indigènes à habiter dans les quartiers périphériques.
La position géographique de « « Goxu Mbath au fin fond de la langue de Barbarie, à quelques kilomètres de la frontière mauritanienne, lui conférait une attractivité. Au-delà de la toponymie, le quartier est un lieu de brassage de plusieurs ethnies, selon M. Diagne. Un brassage qui renforce la solidarité. « Beaucoup de personnes se sont mariées dans le quartier. Nous pouvons dire que tout le monde est presque parent. Nous sommes unis et indivisibles », dit fièrement M. Diagne. Une solidarité mise à rude épreuve durant les tensions entre le Sénégal et la Mauritanie.
Le conflit sénégalo-mauritanien, une période difficile
En effet, Goxu Mbath a fortement ressenti les impacts du conflit-sénégalo-mauritanien en 1989. Sur le plan économique, il y a eu d’énormes problèmes parce que les maures tenaient les commerces dans la langue de Barbarie, explique M. Diagne. « Il y a eu une période de flottement avant que les Halpulaar et les Guinéens ne viennent combler le vide. En effet, à Goxu Mbath, beaucoup de jeunes étaient partis monnayer leur talent en Mauritanie. Bon nombre d’entre eux s’y sont mariés avec des femmes mauritaniennes », détaille le doyen Diagne.
Plusieurs ressortissants de Goxu Mbathe ont été tués durant les événements sénégalo-mauritaniens. Et ceux qui ont pu en échapper étaient obligés de revenir au bercail. Un problème de logement s’est posé et le doyen Diagne de se rappeler que le délégué de quartier de l’époque avait trouvé un terrain à coté pour les loger.
Des difficultés qui s’accentuent
Ce problème réglé et bien loin derrière nous, Goxu Mbath fait face aujourd’hui à plusieurs défis. Hormis l’avancée de la mer, les populations sont confrontées à des pénuries d’eau fréquentes. Oumy Diop est étudiante. A un arrêt où elle attendait le bus en face du fleuve, elle dit avoir « ras-le-bol » des pénuries d’eau. Silhouette épaisse et teint noir d’ébène, cette jeune dame aux yeux enfoncés conte les difficultés des ménages pour se procurer le liquide précieux : « C’est une situation difficile. Nous sommes obligés de nous réveiller vers 6 h du matin pour avoir de l’eau. Parfois, on passe des nuits blanches. Les maisons à plusieurs étagées sont les plus affectés », affirme-t-elle. « L’État est resté longtemps sans investir dans les infrastructures de distribution d’eau potable. L’usine de Khor alimentait entièrement la ville en eau, mais aujourd’hui, elle est arrivée à ses limites. Les principales difficultés sont nées de l’université Gaston Berger.
Avec l’augmentation du nombre d’étudiants, nous avons assisté à une forte demande. Ce qui perturbe l’alimentation de Saint Louis », justifie le gouverneur de Saint-Louis d’alors Alioune Badara Samb. Selon lui, Goxu Mbath se trouve au bout du réseau d’où la fréquence des coupures d’eau. « La construction d’une nouvelle usine à Khor et le projet SERPP (Ndlr : Projet d’urgence et de résilience à Saint-Louis) vont renforcer la résilience de Goxu Mbath, lutter contre l’érosion côtière qui affecte la langue de Barbarie dans les prochaines années », renseigne-t-il.