LA CAPITALE INTROUVABLE DE L'EMPIRE MALIEN
De la Guinée au Sénégal en passant par le Mali actuel, chaque pays d'Afrique de l'Ouest revendique avoir abrité cette cité mythique. Pourtant, malgré des décennies de recherches, son emplacement exact reste aujourd'hui un mystère
(SenePlus) - Dans un article fouillé, Le Monde revient sur l'une des plus grandes énigmes de l'histoire médiévale africaine : la localisation de la capitale de l'empire du Mali, cette puissance qui rayonna du XIIIe au XVIIe siècle sur une grande partie de l'Afrique de l'Ouest.
La description qu'en fait le célèbre voyageur Ibn Battuta évoque une cité médiévale prospère, dotée d'une mosquée, d'un palais, d'entrepôts et d'un quartier réservé aux étrangers. Les échanges commerciaux y étaient florissants, reliant la ville à Sijilmassa au Maroc et au Caire, mais aussi au sud du Sahel. On y négociait or, sel, cauris et céramiques dans des fours à poterie actifs.
Pourtant, comme le confirme l'archéologue malien Mamadou Cissé cité par Le Monde, "au stade actuel des connaissances, je ne peux pas déterminer l'emplacement de la capitale de l'empire du Mali". Cette disparition s'explique en partie par les matériaux de construction utilisés : le banco, un mélange de terre et de paille particulièrement vulnérable à l'érosion.
L'empire malien continue de fasciner les chercheurs, notamment pour sa richesse légendaire incarnée par Mansa Moussa, son dirigeant du XIVe siècle, dont la fortune est aujourd'hui comparée sur les réseaux sociaux à celle des milliardaires contemporains.
La quête de cette capitale perdue a donné lieu à de multiples théories. L'historien français Hadrien Collet parle même d'"obsession". Si l'anthropologue Claude Meillassoux a proposé l'est du Sénégal, c'est la ville de Niani en Guinée qui s'est longtemps imposée comme hypothèse privilégiée.
L'historien malien Doulaye Konaté rappelle le contexte politique de ces recherches : "À l'indépendance, les Républiques malienne et guinéenne ont voulu établir un lien avec la mémoire prestigieuse du sultanat". Modibo Keïta, premier président du Mali, revendiquait ainsi une filiation avec Soundiata Keïta, le fondateur de l'empire.
Une nouvelle piste a été proposée en 2021 par l'historien François-Xavier Fauvelle, qui identifie une zone au nord-est de Ségou, au Mali, décrite comme un "seuil" entre mondes islamique et païen, désertique et fluvial. Malheureusement, l'insécurité dans la région empêche toute fouille archéologique.
Cette recherche a néanmoins fait progresser la connaissance historique. Elle a notamment permis de remettre en question certaines idées reçues. Ainsi, comme le souligne Doulaye Konaté, "il semblerait que 'l'empire mandingue' était en fait très multiculturel, tant à son époque que dans ses héritages". Les chercheurs ont également découvert que la prospérité de l'empire reposait autant sur l'agriculture et l'artisanat que sur le commerce transsaharien.
La capitale pourrait même n'avoir jamais existé sous la forme imaginée, certains chercheurs évoquant la possibilité d'une cour itinérante, remettant ainsi en question une vision peut-être trop européenne du pouvoir médiéval africain.