UN FRONT PRÉMATURÉ CONTRE DIOMAYE-SONKO
Alors que le régime de Pastef bénéficie encore d'une forte légitimité populaire, la nouvelle coalition de 71 organisations politiques menée par Khalifa Sall s'expose, au risque d'être perçue comme une simple manœuvre opportuniste
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Onze mois à peine après la prise du pouvoir par le Pastef, l’opposition s’est mise en ordre de bataille pour combattre le nouveau régime incarné par Diomaye et Sonko. En créant le Front pour la défense de la démocratie et de la République (FDR), Khalifa Sall et compagnie se montrent nihilistes en ce qui concerne la gouvernance des Patriotes. Pour autant, ils auront du mal à mettre sur la table des dossiers incriminant les autorités actuelles qui, à vrai dire, n’ont pas encore carrément pris leurs marques.
L’opposition sénégalaise veut résister pour exister! Après ses débâcles à la présidentielle de 2024 et aux législatives anticipées qui ont suivi, elle veut revenir au devant de la scène en portant sur les fonts baptismaux le Front pour la défense de la démocratie et de la République (FDR). Il s’agit en effet de 71 partis et mouvements politiques qui disent vouloir donner une forme et un contenu à une résistance du peuple sénégalais contre les politiques “néfastes” du pouvoir de Pastef.
Pour se donner bonne conscience, le leader de Taxawu Sénégal a indiqué lundi dernier qu’un tel front n’est pas une première au Sénégal; et qu’après l’alternance de 2000, il a fallu juste 10 mois à l’opposition d’alors pour s’organiser autour d’un front. Non sans déclarer que l’opposition actuelle a observé une période de décence démocratique avant de mettre sur pied le FDR.
Tout porte à croire cependant que Khalifa Sall et compagnie ont créé ce cadre pour faire juste du bruit et exister aux yeux de l’opinion. Or, la stratégie politique voudrait qu’ils prennent encore une accalmie et laissent le temps au nouveau régime de dérouler. Ainsi, ils pourraient évaluer leurs vraies failles si elles existent et préparer en conséquence des actions politiques réfléchies pour les combattre.
A défaut, profiter d’un gros scandale de gestion pour enclencher la résistance comme ce fût avec Manko Wattu Sénégal. Cette dernière avait en effet réussi à imposer dans l’espace public le débat sur le caractère léonin de certains contrats pétroliers et gaziers signés entre le Sénégal et des sociétés étrangères et l’implication du frère de l’ex Président Macky Sall en l'occurrence Alioune Sall dans l’affaire de la découverte du pétrole et du gaz. Et force est de constater que ce sujet sur la transparence de la gouvernance pétrolière et gazière et l’implication de son frère dans certains dossiers a sonné le début de la rupture de confiance entre Macky Sall et le peuple sénégalais.
Aujourd’hui, tout le monde sait que les nouvelles autorités n’ont pas encore pris leurs pleines marques. Malgré les difficultés rencontrées ça et là dans le cadre de leur gestion, le peuple se montre compréhensif à leur égard. Et le FDR se comporte comme s’il voulait pousser le peuple à se révolter contre le nouveau régime alors qu’il n’y a pas encore de scandales de gestion ou des faits qui laissent entrevoir une volonté de museler les opinions. En voulant coûte que coûte enclencher une résistance, l’opposition donne au PASTEF des arguments pour qualifier les membres du FDR d'anti patriotes parce que voulant tout simplement que Diomaye et Sonko échouent dans leur mission.
Gaspiller ses efforts avant l’heure
Vu que ces derniers bénéficient d’une forte légitimité populaire, l’opposition devrait attendre un an et demi voire deux ans pour s’organiser. Là, Diomaye et Sonko n’auront plus plus d’excuses et les populations commenceront peut-être à les démystifier. Ainsi, l’opposition pourrait exploiter les erreurs et autres abus du système Diomaye-Sonko et enclencher une résistance patriotique
Enfin, il faut noter que le FDR réunit des entités qui, il y a moins d’un an, se regardaient en chiens de faïence et/ou se combattaient les uns contre les autres. Cela pousse ainsi à les décrédibiliser et à conforter l’idée selon laquelle c’est une coalition d'opportunistes. Le fait de voir par exemple aujourd’hui l’Alliance pour la République (APR) et Taxawu Sénégal, côte à côte, ne rassure pas. Surtout que les Sénégalais réclament de plus en plus un assainissement des mœurs politiques.
En partageant la même plateforme politique que l’APR, Taxawu pourrait se battre à ses côtés face aux démêlés judiciaires de certains de ses membres dans le cadre de la reddition des comptes. Or, il serait plus judicieux pour Taxawu et les autres entités qui s’opposaient jadis à l’APR, d’attendre qu’il y ait des failles ou des abus dans les procédures pour s’y immiscer au nom de la séparation des pouvoirs et du nécessaire respect des droits humains
Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître que l’opposition est libre de faire bloc et de créer un front. Juste que l'initiative est prématurée. Le FDR risque en effet de gaspiller ses efforts avant l’heure. Or, le scrutin le plus proche, les élections locales, c’est dans plus 24 mois et la prochaine présidentielle dans quatre ans.