CUPIDON A-T-IL (ENCORE) RATÉ SA CIBLE ?
En amour comme en politique, les promesses sont une constante. Ces petites phrases magiques qui électrisent les urnes, font briller les yeux, émouvoir les cœurs. Mais, comme disait si bien Charles Pasqua, "les promesses n'engagent que ceux qui y croient"
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Aujourd’hui c’est la Saint-Valentin… Un grand moment (ce n’est pas le seul bien sûr !) pour (re) déclarer son amour. Mais, ce jour peut être également, l’occasion de se poser, sans téléphone, ni distraction pour discuter. Discuter vraiment pour ranimer la flamme avant qu’elle ne devienne un tas de cendres froides. Dans une romance démocratique, eh bien, c’est pareil. Parce qu’un couple, c’est comme un jardin. Si on ne l’arrose pas, il devient un terrain vague
Depuis toujours, comme les hirondelles annoncent le printemps, les promesses (amoureuses ou électorales) fleurissent. Les candidats rivalisent d’imagination pour séduire leur cible, qui, naïve mais fidèle, se laisse prendre au jeu ou retourne aux urnes à chaque scrutin, quand il s’agit d’élections. Une fois installés les élus, qu’ils soient du cœur ou politiques semblent atteints d’une mystérieuse amnésie : les promesses s’évaporent plus vite qu’un verre d’eau en plein désert. Mais qu’importe, quelques années plus tard, on remet ça !
En politique, une fois le bulletin glissé dans l’urne, la magie opère… dans l’autre sens. Les engagements sont vite oubliés, et les électeurs, mi-amnésiques, mi-résignés, attendent patiemment le prochain tour pour se faire rejouer la même comédie. Finalement, on se dit que c’est un peu comme les soldes : on espère toujours faire une bonne affaire, mais on repart souvent avec un produit défectueux.
Souvenez-vous, il y a onze mois, c’était l’euphorie. Des files d’électeurs devant les bureaux de vote, des débats animés dans les grand’ places, sur les plateaux de télévision, sur les affiches ou les tags peints aux murs, il n’y avait que des déclarations d’amour. « L’avenir, c’est nous » ! « Changement ! «, « Rupture » ! « Oust, les voleurs de la République ». Les électeurs, lassés des vieilles figures et des rengaines habituelles, avaient cru en ce souffle nouveau. Ils ont voté comme on tombe amoureux : avec le cœur et un soupçon d’aveuglement. Il y a presqu’un an, le gouvernement et une très grande partie des électeurs formaient un joli couple, plein d’espoirs et de belles intentions. Aujourd’hui, on pourrait croire que Cupidon avait une flèche en plastique.
La lune de miel avait commencé par une rotation synchrone : 54% d’électeurs parfaitement alignés. Mais voilà, qu’un certain frémissement s’invite, révélant des zones d’ombre. Le décalage du romantisme s’amorce : hier passion, aujourd’hui discussion sur les choix. Court-on le risque de l’effacement de la pleine lune de miel des premiers jours, pour assister à … une éclipse et à la désillusion ?
Il faut dire que onze mois, c’est à la fois très long et très court. Suffisamment long pour commencer à regretter certaines décisions ("Pourquoi j’ai choisi ce type ? Il ne mérite pas mon vote"), mais trop court pour que la fameuse clause de "c’est moi, pas toi" fasse son entrée dans les discours. Il n’a pas fallu longtemps pour que le vernis commence à craquer. Le premier signe ? Les petites cachotteries. Les réunions à huis clos, les décisions prises en douce, en faveur des « enfants d’avance » (doomu jiitlé) ou de leurs familles, sécurisés par une ceinture d’immunité, et indemnisés ou secourus (c’est selon), qui se sont « sacrifiés » pour que le Projet-mariage soit célébré, légalisant un arbitraire de faveurs dispensées selon des critères où le lancer de cocktails-molotovs et la bave aux lèvres ont importé davantage que la compétence. Oubliant (ignorant plutôt, par manque de culture générale) cette recommandation de Chamfort : « il faut être juste avant d’être généreux ». Il y en a un à qui on avait reproché d’avoir mis le coude sur des dossiers « sensibles ». Concernant ceux d’aujourd’hui, ce sont des corps qui sont affalés sur des dossiers, les couvrant entièrement de leurs corps et d’une totale discrétion. Passons surles relations « incestueuses » à travers des conventions, entre deux ministères d’un même gouvernement. Les citoyens, jusque-là patients, ont commencé à lever un sourcil en voyant l’émergence vestimentaire et économique, de quelques-uns qui enflent, donnant l’impression que le pays a donné naissance à un « nouveau modèle de baudruches ». Puis les annonces contradictoires sont arrivées, comme un mauvais jeu de ping-pong..
Prenons le cas de Soda Marème, citoyenne impliquée. Lors des lives, et autres prises de parole de son leader, elle était sous le charme de ce « guerrier qui n’avait peur de rien ni de personne » et qui avait tout pour plaire : une belle éloquence, des slogans accrocheurs et une collection de casquettes qui donnaient envie de lui faire confiance. « Je l’ai écouté et je me suis dit : « Ça, c’est un homme pour qui je pourrais voter les yeux fermés. Son discours lumineux éclairait même le soleil. C’est la raison pour laquelle, même quand le « complot » a fait qu’il n’a pas pu être candidat, j’ai voté sans sourciller pour celui qu’il nous avait indiqué. Eh bien, je n’aurais pas dû ! », soupire -t-elle devant le fond d’un bol de thiébou dieune, qui ne l’était que de nom. Car depuis l’élection, le « guerrier » semble avoir oublié une promesse sur deux, et le « takko inattendu », qui tenait la chandelle sans jamais avoir pipé mot, est dépassé parles « mesures ambitieuses » devenues « complexes », et manque d’oxygène pour cause de « marge de manœuvre » étroite.
En amour comme en politique, les promesses sont une constante. Ces petites phrases magiques qui électrisent les urnes, font briller les yeux, émouvoir les cœurs. Mais, comme disait si bien Charles Pasqua, « Les promesses n'engagent que ceux qui y croient ». Une formule d’une vérité crûment ironique, un clin d’œil aux désillusions que la réalité réserve souvent à nos espoirs les plus fous. Alors, pourquoi continue-t-on d’y croire ?
Promettre, c’est un peu comme vendre un produit miracle. Ça ne coûte rien, c’est facile à emballer et, surtout, ça fait rêver. Prenez un politicien, par exemple. Lorsqu’il vous promet des loyers et les produits de grande consommation en baisse, une éducation gratuite pour tous et la fin des enchevêtrements mécaniques autour des ronds-points de Dakar, il sait très bien qu’il est en train de peindre un arc-en-ciel dans le ciel gris des soucis quotidiens. Mais, au fond, il se dit que personne n’irait probablement pas lui demander des comptes une fois élu ou nommé. C’est là toute la beauté de la promesse : elle est fugace, éphémère, et son expiration est toujours bien trop floue pour être contrôlée.
Et nous, pauvres récepteurs de ces déclarations enivrantes, que faisons-nous ? Eh bien, nous croyons. Pourquoi ? Parce que l’espoir est un antidote puissant à la morosité ambiante. Nous croyons toujours mordicus, que cette fois-ci, ce sera différent. Que la nouvelle mesure économique nous rendra riches. Que le formulaire à remplir sur le site d’un ministère ou d’un service public nous aidera enfin à voir notre projet financé. Nous croyons, parce que croire est une gymnastique mentale qui permet de supporter le poids de nos déceptions passées.
Le hic, c’est que les promesses ont un ennemi juré : la réalité. Celle-ci a une fâcheuse tendance à venir poser ses gros sabots sur nos rêves les plus doux. À ce moment-là, la belle promesse se transforme en un souvenir évasif, voire en une blague entre amis : « Tu te souviens quand ils avaient dit qu’ils allaient résoudre les problèmes en deux mois ? ». (Rires gênés). Mais, attention, n’accablons pas trop vite ceux qui promettent : ils avaient peut-être sincèrement envie d’y croire eux aussi ! Il parait que cela s’appelle le « syndrome du regret démocratique », un mal qui touche en général les citoyens dès que leurs élus commencent à prendre des décisions. C’est un classique.
Alors, que faire ? Arrêter de croire en tout ? Certainement pas. Mais peut-être adopter un soupçon de scepticisme, ce petit recul salvateur qui permet de prendre les choses avec une pointe de légèreté. Et si, un jour, quelqu’un promet monts et merveilles, on a le choix. Soit répondre avec un sourire complice : « Je t’ai entendu… mais laisse-moi voir poury croire vraiment ». Soit appliquer ce vieux dicton qui enseigne qu'il ne faut pas tirer sur une ambulance. Mais quand les brancardiers en profitent pour faire des bras d'honneur à la portière, on aurait tort de se gêner… On le leur rend. Tout simplement. Parce, si malgré tous les efforts, l’amour est en soins palliatifs, la plus belle preuve de maturité est de reconnaitre que c’est fini. Même si, lors de prochaines élections, il reste toujours qu’on peut tomber en amour de candidats pleins de promesses qu’ils oublieront six mois après !
Une chose est sûre. Il y en a ce soir, à l’image de Soda Marème, qui préfèreront rester célibataires. Ce 14 février s’annonçant sous le signe d’un diner en tête-à-tête …avec un malaise.