VIDEOGRANDEUR ET DÉCADENCE D'UNE INSTANCE SUPRANATIONALE
Officier supérieur à la retraite, Mamadou Adje suit avec beaucoup d'attention l'actualité géopolitique. Artisan de la force en attente de la CEDEAO, il connait bien cette instance. Dans cette interview, il soutient que sa chute était "prévisible".
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Fondée en 1975 pour assurer l'intégration en Afrique de l'Ouest, la Communauté économique de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) demeure l'une des sous-régions les plus intégrées des 5 que compte le continent. Malgré quelques imperfections, quelques entraves à la libre circulation des biens et des personnes, elle demeure la sous-région la plus enviée. Très éprouvée depuis ces 3 dernières années, elle a fini par imploser en perdant 3 de ses membres importants : le Burkina, le Mali et le Niger. Le colonel Mamadou Adje, officier supérieur de l'armée et du génie militaire en retraite, la connait très bien. Dans cette interview, il nous parle du contexte de sa naissance, de ses hauts faits ainsi que de sa récente décadence qui de son point de vue était " prévisible ", pour avoir voulu outrepasser ses prérogatives ô combien précises et connues de tous.
Elle n'aura pas survécu à la longue crise qu'elle a traversé ces 4 dernières années consécutive aux coups d'États militaires successifs dans 4 de ses membres. Mais c'est surtout la gestion calamiteuse du dernier coup d'État, notamment celui du Niger et la menace d'intervention militaire sur le sol nigérien, sans même un mandat clair des Nations Unies, seul habilitées à donner ordre d'une intervention, mais encouragé par la France, qui a provoqué la scission de l'instance. Le Niger, le Mali et le Burkina ont fait bloc contre l'organisation pour aller créer l'Alliance des États du Sahel (AES).
Officier supérieur à la retraite et spécialiste des affaires internationales, le colonel Mamadou Adje suit avec beaucoup d'attention l'actualité géopolitique et diplomatique, aussi bien régionale que mondiale. Chroniqueur passionné, il connait du bout des doigts l'histoire la CEDEAO puisqu'il a aussi monté sa force en attente dont l'organsine se gargarise alors que lui la qualifie aujourd'hui de désuète avec l'avènement du terrorisme.
Depuis le début de cette crise qui a secoué l'instance supranationale jusqu'à son implosion, le colonel Adje a souvent livré ses analyses avec une précision chirurgicale aux médias qui le sollicitaient. Après la création officielle de l'Alliance des États du Sahel (AES), qui acte le départ définitif du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO, il a accepté de nous accorder cet entretien.
Le colonel Mamadou Adje revient sur les raisons de cette implosion de la CEDEAO et explique pourquoi cette issue était prévisible. Pour lui, cette crise a été très mal gérée, et l'implosion de l'organisation est due principalement à la menace proférée à l'encontre du Niger. Pour le colonel Adje, si cette attaque avait eu lieu, elle serait illégale faute de cadre juridique, car la CEDEAO n'est pas habilitée à attaquer un pays sans une résolution claire des Nations unies lui en donnant mandat. Puisque le protocole de Lomé dont certains évoque ne donne pas cette prérogative au la CEDEAO pour une intervention. S'il reconnait que la CEDEAO a créé les conditions de cette implosion, il rappelle aux États de l'Alliance des États du Sahel que la lutte contre le terrorisme doit être collectif pace que c'est une guerre asymétrique que les terroristes imposent aux États. " Chacun ne peut pas lutter contre son terrorisme ". Il constater pour se désoler de ce que " les facteurs du puissance " de l'Afrique de l'Ouest s'effondre avec cette scission.
Aussi, pour le colonel, c'est une erreur pour les États de l'Afrique de l'Ouest de penser qu'ils peuvent chacun lutter seul contre le terrorisme, comme tentent de le faire les pays de l'AES. Seule une mutualisation des forces permettra, selon lui, permettra de vaincre ce péril qui ensanglante les populations ouest-africaines. Mieux encore, le centre de gravité de la lutte contre ce phénomène n'est même pas militaire, mais civilo-social, avec la participation des populations. Le tour militaire ne fonctionne pas dans une guerre asymétrique. Malgré les armes de dernière générations acquises ces dernières par les 3 pays de l'AES, il rappelle que ces pays non sont pas forcément en sécurité aujourd'hui qu'ils ne l'état hier car " la force " n'est pas synonyme de puissance, d'efficacité ". En clair le sentiment de sécurité n'est pas la sécurité.
Le militaire rappelle que l'ardeur qu'à la CEDEAO à sanctionner les coups d'État militaire, l'instance devrait faire preuve de la même ardeur face aux causes des coup d'États c'est à dire sanctionner les chefs d'État qui tripatouille ses constitutions pour avoir des troisièmes mandats au pouvoir mais aussi combattre la mauvaise gouvernance, la corruption.
In fine, la CEDEAO c'était un modèle d'intégration qui a réussi certains défis comme l'intégration tout comme la mission l'ECOMOG ou celle qui a fait partir Yahyah Jammeh du pouvoir, mais ses dirigeants l'ont plombée du fait de l'échec de la lutte contre le terrorisme et de la mauvaise gestion des coups d'État militaires mais aussi de cette sorte de mansuétude vis-à-vis des tripatouillages constitutionnels qui sont aussi des coups d'État. Cette crise qu'elle traverse est peut-être une occasion pour lancer une nouvelle organisation qui va rassembler tous les pays de la sous-région dans nouvelle instance qui prenne en compte les griefs que les nations de l'AES ont formulé à son endroit.
Créée par des putschistes en 1975, ironie de l'histoire, ce sont aussi des putschistes qui dénoncent aujourd'hui la CEDEAO.