TONS ET LE CHIEN
A l’heure de la rupture du jeûne, tout le village se pointa chez Ton’s, bol, soupière, calebasse, toutes sortes de récipients sous le bras, provoquant un tohu-bohu indescriptible dans la cuisine de Tata.

Dans le Ferlo natal où la canicule sévit, Ton’s, au troisième jour du Ramadan, était sec comme la langue du Diable. Il avait fondu. Tata était décidée de le remplumer. Ton’s avait les yeux rivés sur la vieille pendule, bijou de famille dont on ne sait pas comment elle avait échappé à la morsure du temps. Ton’s avait pris soin de ce qui était devenu la prunelle de ses yeux. Le tic-tac de la pendule, à ses oreilles, se transformait en une berceuse. Chaque seconde était une victoire sur la faim qui creusait ses joues.
A mi-parcours de l’après-midi, Tata rentra du louma, le marché hebdomadaire, chargée de victuailles : poulet, tête de mouton, jarrets de bœuf, laxass, tiéré niondi et deux sachets de grains de nénuphar pour le tiébou diaxar. Au vu de la calebasse de Tata, les yeux de Ton’s sortirent de leurs orbites. Il ne put refreiner son cri de joie : « Thiébou diaxar, Thiébou diakhar ak bopu xar », continue-t-il de crier les mains jointes aux oreilles, tel un muezzin. Le voisin sortit sa tête de derrière le muret attenant. Il en souffla un mot à son voisin qui en fit de même et de maison en maison, le tiébou diaxar fit son bonhomme chemin.
A l’heure de la rupture du jeûne, tout le village se pointa chez Ton’s, bol, soupière, calebasse, toutes sortes de récipients sous le bras, provoquant un tohu-bohu indescriptible dans la cuisine de Tata. On ne fit pas attention que quelqu’un avait dérobé la marmite encore toute chaude. Ton’s tomba raide évanoui.