L’OBJECTIFICATION DE LA FEMME SÉNÉGALAISE, UN FLÉAU PERSISTANT
Aujourd’hui plus que jamais l’obscurantisme misogyne prend de l’élan ! Il plane comme une épée de Damoclès sur de nombreux acquis

Au Sénégal, la femme est de plus en plus réduite à un simple objet à travers les médias, la publicité, la mode et les normes sociales. Cette tendance, loin de s’estomper, s’amplifie et met en péril les acquis en matière de droits des femmes. Face à cette réalité, des voix s’élèvent pour dénoncer et lutter contre ce phénomène.
Le corps féminin tend à devenir, sous le regard de beaucoup de concitoyens , ni plus ni moins qu’un objet. Réduire la femme à un statut d’objet, ou considérer les parties de son corps comme des objets ou encore réduire son humanité féminine à ses seules caractéristiques sexuelles est devenue presque une normalité au Sénégal. Clairement, il s’agit là d’une objectification de la femme sénégalaise. Plus explicitement, nous faisons référence au fait que les femmes sont perçues, traitées ou représentées comme des objets plutôt que comme des individus autonomes, ayant leurs propres droits, sentiments et libertés. Cette objectification s’est amplifiée au cours des dernières années, parfois de manière ludique mais réelle.
L’amplification de ce phénomène a accentué les vulnérabilités des femmes dans notre pays. Elle a également surexposé les acquis en matière de droits des femmes à la censure moralisante d’une société où l’intolérance à l’égard de la diversité, de l’émancipation de la femme et de son autonomisation est devenue une gageure de virilité. Il faut dire que le politiquement correct sur la question des Droits des femmes au Sénégal s’est largement érodé. Sommes-nous devenus incultes, ignorants ou tout simplement fanatiques d’une perversité morale qui cherche par tous les moyens à cisailler l’humanité de la femme sénégalaise et la dignité qui va avec ? Aujourd’hui plus que jamais l’obscurantisme misogyne prend de l’élan ! Il plane comme une épée de Damoclès sur de nombreux acquis tel que la fameuse loi sur la parité politique, et emprunte de plus en plus des logiques maladroitement subtiles mais avec un effet déconsolidant avéré sur le statut social, économique et juridique de la femme sénégalaise.
En 2025, l'objectification de la femme sénégalaise résulte de la combinaison de facteurs culturels, sociaux et économiques et aussi politiques qui la réduisent à un rôle subordonné, souvent sans reconnaissance de son individualité ou de ses aspirations. Elle transparaît à travers :
Les représentations médiatiques et artistiques
Une tendance se dessine depuis quelques années dans les médias et même dans certaines formes d’art populaire où la femme sénégalaise est réduite à un rôle stéréotypé, souvent centré sur ses occupations familiales et sa sexualité. Médias et arts ont fini de nous imposer l’acceptation tacite de la normalité d’une image de la femme perçue exclusivement comme un symbole de la maternité, de la beauté physique, de la soumission, ou tout simplement un objet de décor. Ses émotions, aptitudes, et compétences dans la société ne sont mis en relief que de façon exceptionnelle. Les clips et les téléfilms sont par excellence la preuve de la déliquescence de la place allouée à la femme.
Objet de désir, simple outil à la merci des scénaristes et des réalisateurs(ces), elle ne doit son salut d’actrice ou d’héroïne qu’à son charme, sa féminité, sa soumission, voire son approbation envers la division binaire de la société marquée par la supériorité et la dominance absolue de l’homme. Évidemment, dans de rares émissions dédiées à cette cause, il arrive que ces rôles dynamiques soient furtivement abordés. Fort heureusement d’ailleurs !
Quid de la médiatisation à outrance de la polygamie et des cérémonies familiales qui fluidifient au rythme des sonorités de « Bongomans », la propagande d’un langage vulgaire, sexiste et sexuel, d’une rivalité puérile entre femmes, et qui démontrent, si besoin en est encore, la décadence de la société sénégalaise en général et la perte des valeurs nobles sociétales qui caractérisaient la femme sénégalaise (kersa, jom, goré) en particulier. Ce déferlement de sagacité n’épargne ni la dignité de la femme ni ses capacités cognitives, ses aptitudes à contribuer significativement aux défis de l’heure, aux priorités réelles sociétales, et pourtant nous nous en accommodons. Femmes comme hommes, nous les validons, les encourageons...
Et lorsque certaines s’en offusquent, l’école de la Justice Sociale, qui dénie toute présomption d’innocence à la femme et où le doute profite toujours à l’homme, s’agite bruyamment, toujours prompte à faire étalage de son intolérance, son addiction à la pensée unique. Elle les déclare coupables de subversion avant même qu’elles ne soient entendues, elle les fait condamner à perpétuité par le tribunal de l’éternité et fait tomber sur elles la malédiction et sur leur progéniture surtout lorsqu’elles sont des femmes mariées (Kou soor sa dieukeur, yakk sa dom. Liggeyou ndey agnou doom).
La sexualisation et l’instrumentalisation du corps féminin dans la publicité et la mode
Entendons-nous bien, la femme surtout sénégalaise détient un pouvoir naturel d’attraction, essentiel pour la publicité ou la mode. Cependant, il est opportun de relever qu’il existe aujourd’hui au Sénégal une instrumentalisation banalisée du corps féminin dans la publicité et la mode. Par la manière dont certaines industries exploitent l’image de la femme sénégalaise ce qui devait constituer une communication marketing de produits ou de services glisse souvent vers une objectification du corps féminin avec des conséquences aux multiples facettes.
Le développement anormal des produits de dépigmentation et des « médicaments »pour prise de masse malgré les risques encourus relève de ces conséquences et démontre, si besoin en était encore, l’amplitude de cette triste réalité. Et à ce niveau, il est important de souligner que les femmes participent elles-mêmes à leur propre entreprise d’objectification. La priorité donnée à l’apparence au détriment du savoir, de la santé ou de l’épanouissement loin d’être dans l’absolu une suggestion masculine et dans bien cas hélas un choix féminin, une vision féminine, un aspect du Mindset qui domine chez la grande majorité des femmes sénégalaises, y compris celles supposées « intellectuelles », si tant que l’expression ait encore aujourd’hui un sens dans ce pays.
Dans d’autres situations, cette entreprise d’objectification de la femme conforte des pratiques telles que les mariages forcés ou précoces dont on cherche de plus en plus à minorer la prévalence, tant les déclarations, initiatives et autres ont été nombreuses et que l’on voudrait bien trouver facilement une pointe de satisfaction pour tous ces efforts ! Tout n’a point été vain, bien sûr ! Mais soyons réalistes, le phénomène perdure . Mieux encore, il se réinvente avec parfois des subtilités pernicieuses que nous ne devons pas minimiser.
Les pratiques sociales, normes de genre et inégalités dans le domaine professionnel
Sur cet aspect, l'objectification des femmes s’adosse, dans certaines zones du Sénégal, à des normes de genre traditionnelles qui en facilitent l’effectivité. Parmi ces normes, la pression sociale et culturelle qui amène de nombreuses Sénégalaises à se conformer à des attentes très rigides en matière de comportement, d’apparence et de rôle familial, et avec un impact restrictif sur leur autonomie de volonté. Très souvent perçues principalement à travers le prisme de leur relation avec les hommes (comme épouses, mères ou filles), elles voient leur visibilité en tant qu'individus à part entière fortement limitée. Et lorsqu’à l’occasion de situations exceptionnelles, on leur accorde l’exclusivité de la faveur d’une demi-journée de travail la profondeur du mal ne se discute plus !
Dans le monde professionnel, les femmes sénégalaises font face, comme la plupart des femmes à travers le monde, à de nombreux obstacles liés à la fois à des stéréotypes sexistes et à des discriminations de genre. Elles sont cantonnées à des rôles traditionnels et subissent des retards dans la gestion de leur carrière. Elles ont des difficultés d’accès à des postes de responsabilité. Elles subissent une pression sociale qui peut les inciter à privilégier leur rôle domestique au détriment de leur carrière. Bien qu’elles soient assujetties au même régime d’avancement que les hommes (ce qui est normal), elles restent néanmoins limitées par la division genrée du travail et soumises aux mêmes normes sociales que celles de leurs aïeules, il y a des siècles.
Quid de l’évolution et les luttes pour les droits des femmes
Au Sénégal, des individualités et des synergies coconstruites, pour certaines, dans la diversité de genre s’élèvent de plus en plus contre cette objectification. Elles cherchent à donner aux femmes une voix, à les sortir des rôles stéréotypés et à leur accorder plus de pouvoir dans la société . Elles les sensibilisent également pour une prise de conscience de la réalité du phonème et de ses effets pervers sur la société sénégalaise, son développement et son avenir. Des femmes sénégalaises, ainsi que des hommes, militent activement pour le respect des droits fondamentaux des femmes, la lutte contre les violences faites aux femmes et pour une plus grande participation des femmes dans la vie politique et économique... C’est le lieu de magnifier cette implication masculine très souvent peu visible, mais bien réelle. Bravo Messieurs, l’humanisme n’a pas de genre, la conscience n’ont plus !
Malheureusement, les acquis de ces luttes ne sont souvent pas assez bien capitalisés (histoire de Ndatté Yalla, Alioune Sitoe Diatta, etc.). Écoutons les chansons des «bongomans», analysons les rôles alloués aux femmes dans les téléfilms, suivons les discussions pendant les heures de pause dans les bureaux, revenons vers les discussions des groupes WhatsApp, relisons les messages entre copains, suivons les nominations lors des conseils des ministres, discutons sans gants entre belles-familles, écoutons les points de vue des cadres supérieurs sur la question, etc. La réalité nous désenchante ; il urge de changer de paradigme. Les actions de promotion et de protection des droits des femmes devraient davantage s’orienter vers la femme elle-même. Celle-ci doit cultiver son estime de soi en développant son leadership, et placer son épanouissement , sa dignité et ses libertés au cœur de son action. Plus que jamais,
Les femmes sénégalaises devront être à l’avant-garde des combats qui les interpellent au premier rang. Mais avons-nous une masse critique apte à se sacrifier pour briser la glace?