Le Sénégal veut en finir avec les lenteurs de dame justice dans le traitement des contentieux économiques et financiers
780 JOURS, 44 PROCEDURES POUR TRAITER UN DOSSIER D’UN MILLION DE FCFA
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Quarante-quatre procédures, 780 jours et plus de 250 millions de francs Cfa de dépenses, c’est ce qu’un opérateur économique sénégalais subit comme supplice, pour voir son contentieux traité par la justice sénégalais. Un constat de la banque mondiale, qui a, dans son classement Doing Business, réservé ses plus mauvais classements au Sénégal. Une situation que les nouvelles autorités veulent corriger au plus vite. Et le ministère de la Justice, dans le cadre du projet de modification du Code de procédure civil a hier réuni l’ensemble des acteurs qui se meuvent autour du traitement des contentieux économiques et financiers, pour réfléchir sur un mécanisme.
«Dans le Doing Business, les délais de traitement des contentieux économiques et financiers sont hélas extrêmement longs. Il faut 780 jours pendant qu’au Burkina, c’est 400 jours, Ghana 310 jours. Donc, il est important pour que le Sénégal attire mieux les investisseurs, que cette question soit mieux prise en charge», a indiqué la Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Mme Mimi Touré ajoutera que «le Sénégal a déjà procédé à un certain nombre de réformes comme la création du juge de mise en l’état qui prépare le dossier, l’étudie, avant qu’il ne passe au jugement pour accélérer les procédures, mais nous ne sommes pas encore aussi rapides que nous devrions l’être».
Et selon le ministre, la justice elle-même n’est pas toujours fautive. Parfois, ce sont les opérateurs économiques fautifs qui font dans «le dilatoire». Ce qui fait que «les procédures sont lentes». C’est pourquoi, il faudra, de son avis, réfléchir sur «un mécanisme où les gens n’auraient pas la possibilité de demander des renvois à n’en plus finir». Aussi, ajoute-t-il faut spécialiser les juges et mettre en place un calendrier des procédures etc.
«Les lenteurs existent à tous les niveaux de la justice»
Et Demba Kandji, le Premier Président de la Cour d’appel de Dakar, a révélé que «les lenteurs existent à tous les niveaux de la justice». Mais pour lui, l’essentiel de cette perte de temps se situe en appel où «il faut faire revivre l’urgence». Car, explique le magistrat, avec «l’acte d’appel, l’urgence meurt ». Et si notre pays arrive à régler ce problème, «on avancera dans ce débat, parce que 780 jours c’est trop long». Et fait-il noter qu’il a été créé une Chambre des criées à la Cour d’appel de Dakar pour répondre à l’urgence. Une Chambre «instituée conformément à la législation sur l’Ohada qui nous impose de juger dans les 15 jours. Mais, jamais le jugement ne tombe dans les 15 jours», constate le magistrat.
«Certains juges ne savent pas manipuler l’outil informatique»
Et ce qui rend plus difficiles les choses, c’est que «les juges sont trop mobiles» alors qu’il faudrait les fixer pendant un moment donné pour construire quelque chose dans la durée. «Deux juges peuvent se succéder s’agissant de la mise en l’état sur la gestion d’un dossier dans un laps de temps très court. En un an, vous pouvez avoir 3 juges du fait des affectations. Je sais que l’attention de la Garde des Sceaux a été attirée et elle essaiera avec le Conseil supérieur de la magistrature de trouver une solution», ajoute-t-il. Et même, «Certains juges - ils sont peu nombreux - sont interpellés sur leur devoir, parce qu’il y en a qui ne savent pas manipuler l’outil informatique», ajoute le Président. «Et cette aventure-là, on ne peut pas la mener avec des gens qui ne savent pas manipuler l’outil informatique», souligne-t-il.