LA VERSION NÉO-COLONIALE DE LA MORT D'OMAR BLONDIN DIOP
TERRORISME, ESPIONNAGE, ATTEINTE À LA SÛRETÉ DE L’ETAT
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Dakar, 10 mai (APS) – Omar Blondin Diop (1946-1973), extradé de Bamako (Mali) avant d’être condamné à trois ans de réclusion, était accusé de "terrorisme’’, d'"espionnage en tant qu’agent étranger’’ et d’atteinte à la sûreté de l’Etat, pour avoir projeté de faire libérer ses deux frères emprisonnés.
Les deux cadets étaient en prison pour avoir brûlé des affiches au Centre culturel français et s’être promenés avec un cocktail Molotov lors de la visite de Georges Pompidou au Sénégal (septembre 1971), rapporte l’hebdomadaire socialiste "L’Unité’’.
L’un, âgé de 18 ans, avait été alors condamné à cinq ans de prison et l’autre, qui avait à peine 20 ans, à la prison à vie, rappelle le journal dans son n°65 (18-24 mai 1973).
Omar Blondin Diop avait rejoint le Mali, "de son propre gré’’ selon les autorités sénégalaises, deux mois après avoir réintégré l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud. Le gouvernement français l’en avait exclu en 1969 pour "activités subversives’’.
De Bamako, "il devait organiser une expédition sur la Sénégal, pour libérer, par la violence, son frère, incarcéré parmi les incendiaires du Centre culturel français’’ (lors de la visite au Sénégal du président français Georges Pompidou, en 1971), avait soutenu le ministre de l’Information, Daouda Sow, lors d’une conférence de presse le 15 mai 1973.
"L’objectif était de nous faire libérer par la force. Il avait dressé un plan pour nous faire évader de la prison en pleine nuit pour regagner la Gambie par voiture avant le lever du soleil. A partir de ce pays, on allait prendre l’avion pour Conakry’’, racontait Dialo Diop à Week-end Magazine (aujourd’hui disparu).
Omar Blondin Diop est arrêté au Mali et extradé au Sénégal. Des actions politiques fortes, une opposition radicale clairement affichée à la politique du président Senghor lui ont valu cette arrestation. Il est emprisonné la prison du cul-de-basse-fosse sur l'île de Gorée (3 km au large de Dakar).
Diop est mort dans sa cellule, à la prison centrale de Gorée où il avait été interné, depuis sa condamnation, à trois ans de réclusion par un Tribunal spécial, le 23 mars 1972. C’est "une affaire qui a ému l’opinion publique sénégalaise et entraîné certains désordres sur la voie publique’’, indiquait Le Soleil dans son édition du 16 mai 1973.
La version officielle selon laquelle le jeune homme s’est donné la mort "par pendaison’’, est contestée par le père de la victime, le médecin Ibrahima Blondin Diop, qui avait porté plainte à l’époque pour "coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort et pour non-assistance à personne en danger’’.
Réagissant à la mort d’Omar Blondin Diop, le président Léopold Sédar Senghor avait dit, le 1-er juin 1973, lors d’une conférence de presse à Paris, sa "conviction profonde’’ que le jeune opposant avait eu "le sentiment de son échec, le sentiment qu’on l’utilisait’’.
Senghor avait donné un caractère personnel à l’affaire, relevant que le défunt était l’ami de son fils, Philippe Maguilène, et qu’il était intervenu auprès du président Pompidou pour que celui-ci accepte de lever l’expulsion qui le frappait à la suite des événements de mai 1968.
A la question de savoir pourquoi le concours du chef de l’Etat en faveur d’Omar Blondin Diop, alors étudiant, le ministre de l’Information Daouda Sow avait dit, selon Le Soleil, que le défunt appartenait à une famille dont les éléments ont connu certains succès universitaires.
"Le président Senghor est sensible à ces choses-là et voyait en Oumar Blondin Diop, un future cadre sénégalais’’, avait expliqué Sow