L’ÉTAT PRÈS DE CONTRÔLER LA BHS ET LA CNCAS
EXCLUSIF LE TÉMOIN : RACHAT EN VUE DES ACTIONS DE LA BCEAO DANS CES BANQUES

Voilà qui ne devrait pas contribuer à le réconcilier avec le secteur privé national. Du moins, dans un premier temps. De quoi s’agit-il ? Eh bien, l’Etat va racheter les actions que possède jusqu’ici la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) dans le capital de deux établissements bancaires nationaux que sont la Banque de l’Habitat du Sénégal (Bhs) et la Caisse nationale de Crédit agricole du Sénégal (Cncas).
Si les privés nationaux font grise mine, c’est parce que le gouvernement a décidé d’exercer un droit de préemption sur ces actions. Ce alors que ces hommes d’affaires et sociétés privés qui étaient déjà actionnaires dans ces banques auraient préféré racheter elles-mêmes ces actions mises en vente par la Bceao au niveau de tout l’espace Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine).
Pourquoi la Bceao vend-elle ses actions ? Il semble que ses dirigeants, mais aussi les ministres des Finances de l’Union se sont rendus compte — un peu trop tard sans doute mais mieux vaut tard que jamais — qu’en tant qu’institution chargée de contrôler les banques primaires et, éventuellement, de les sanctionner en cas de laxisme ou de manquements graves dans leur gestion, en tant qu’institution de contrôle, donc, elle ne pouvait pas être en même temps actionnaire de ces établissements ! Et, par conséquent, percevoir des dividendes sur leurs bénéfices ! Bénéfices largement obtenus sur le dos des clients, mais passons…
C’est donc pour revenir à l’orthodoxie que la Bceao vend les actions qu’elle détient dans toutes les banques de l’espace communautaire. Bien évidemment, dès qu’ils ont appris cette vente, les privés nationaux actionnaires de la Bhs et de la Cncas ont esquissé des pas de danse dans la perspective des bonnes affaires qu’ils allaient réaliser en rachetant en priorité ces actions. Hélas pour eux, l’Etat, en décidant d’exercer son droit de préemption, leur a ravi sous le nez cette excellente opportunité.
Du côté du ministère de l’Economie et des Finances, on explique cette décision de préempter ces actions du banquier central par la bonne cause. Explication d’un de nos interlocuteurs à l’immeuble Peytavin : « En fait, si nous avons décidé de procéder ainsi c’est pour éviter que ces actions tombent entre les mains des Ivoiriens, par exemple, qui ont une force de frappe financière redoutable. Sans compter nos ‘’amis » marocains qui sont à l’affût de la moindre opportunité et qui exercent déjà une véritable hégémonie sur notre secteur bancaire. Nos hommes d’affaires n’ayant pas les moyens de racheter ces actions, nous avons donc décidé de préempter ces dernières, de les porter puis, dans un second temps, de les rétrocéder à notre secteur privé national. »
Hélas, ces intentions, bien que louables, n’ont pas l’heur de convaincre les actionnaires sénégalais des deux établissements précités. Comme nous l’explique l’un d’entre eux : «L’argument relatif au manque de moyens financiers ne saurait prospérer puisque, parmi nous, il y a, par exemple, de grosses compagnies d’assurances qui croulent sous les liquidités. Alors, dire que nous n’avons pas les moyens financiers, c’est une grosse blague ! Il s’agit en réalité d’une grosse entourloupe montée par des secteurs de l’Etat pour enrichir leurs amis.»
Toujours est-il qu’avec 954 millions de francs, l’Etat est l’un des plus importants actionnaires de la BHS. Ce pactole lui a permis d’acquérir 9,54 % des actions. La Bceao, elle, avec un portefeuille de 909.000.000 de francs, possède 9,09 % des actions. Ce sont justement ces dernières qui sont l’objet de toutes les convoitises et surenchères.
En les récupérant l’Etat, qui aurait alors dans son escarcelle plus de 18 % du capital, contrôlerait en réalité l’établissement puisque, avec ses démembrements que sont la Sicap, et la Snhlm (2,73 % chacune) mais aussi la Caisse de sécurité sociale et l’Ipres (respectivement 7,73 % et 8,27 %), il dépasserait largement le seuil fatidique de 25 % admis pour ce genre d’établissement.
Dans ces conditions, la Bhs, par exemple, deviendrait carrément une société nationale. C’est justement pour prévenir une telle éventualité que les privés nationaux voulaient monter en puissance au sein du capital de la banque. Hélas pour eux, l’Etat a décidé d’exercer son droit de préemption.
La question se pose dans les mêmes termes à la Caisse nationale de crédit agricole du Sénégal où la Bceao possède un peu plus de 8 % des actions. Le capital de cette banque « verte » s’élève à 9 milliards 889 millions 200 mille francs.
A noter que, pour le moment, nul ne sait combien cette opération de rachat coûtera à l’Etat puisque, selon un de nos interlocuteurs, c’est la Bceao qui, en tant que vendeuse, va fixer elle-même le prix qu’elle veut pour ses actions. Une chose est sûre : au vu de la convoitise dont celles-ci sont l’objet, l’institution dirigée par l’Ivoirien Thiémokho Meylet Koné aurait tort de ne pas exiger le prix fort… Dommage, n’eut été le droit de préemption de l’Etat, elle aurait aussi pu faire une OPV (Offre publique de vente), ce qui lui aurait permis d’amasser davantage encore au vu du succès de l’opération lancée par Total…