OBAMANIA !
L'HISTOIRE S'ECRIT À DAKAR

Arrivé mercredi à Dakar, le président américain a animé le lendemain une conférence point de presse conjointe avec son homologue sénégalais. La rencontre s’est tenue sur l’esplanade du palais présidentiel. Au menu : démocratie, bonne gouvernance, sécurité, économie… et l’homosexualité au Sénégal, un sujet de division entre Barack Obama et Macky Sall.
Jeudi 27 juin, sept heures du matin. Ambiance inhabituelle devant le palais présidentiel. Presqu’un demi millier de journalistes attendent d’être admis dans le saint des saints. Barack Obama et Macky Sall vont, d’un moment à l’autre, co-animer une conférence de presse, au lendemain de l’arrivée du président des Etats-Unis au Sénégal, étape inaugurale de sa première tournée officielle africaine. Laquelle le mènera successivement en Afrique du Sud puis en Tanzanie.
Obsession sécuritaire
Après une longue attente, les représentants de la presse nationale et internationale, franchissent les grilles du palais. Halte au secrétariat général de la présidence. Formalités d’usage: portique de sécurité, scanning, vérification d’identité et fouille systématique.
Deuxième étape : le bâtiment abritant le cabinet présidentiel. Les visiteurs matinaux sont soumis à la même rigueur sécuritaire, avant l’accès à l’esplanade où sont plantés deux pupitres et les drapeaux américain et sénégalais. La vue est magnifique. Gorée mouille au large. Impassibles, les forces de sécurité veillent au grain. Une fois sur le site, les cameramen ne perdent pas de temps pour trouver un bon endroit, poser les trépieds, faire les réglages nécessaires, prêts à opérer. Pendant ce temps, la plupart des journalistes sont sagement installés alors que d’autres font des va-et-vient sans objet précis.
Pendant que les deux présidents sont en discussion, le réfectoire monté pour la circonstance est ouvert aux journalistes. Au menu, il y avait un petit déjeuner convivial libre-service. Sous le chapiteau, juste en face de la rangés destinée aux journalistes américains, tout près de l’estrade dressé pour les deux dirigeants, s’est installée une délégation d’officiels américains, notamment Lewis Lukens, l’ambassadeur des Etats-Unis à Dakar.
Au côté opposé, à l’angle droit, ont pris place, à quelques encablures de la place réservée à Macky Sall, une dizaine d’officiels sénégalais : le Premier ministre Abdoul Mbaye, le ministre de la Justice Aminata Touré, le ministre des Affaires étrangères Mankeur Ndiaye, le ministre de l’Economie Amadou Kane, le ministre de l’Intérieur Pathé Seck. Assis côte à côte, Mankeur Ndiaye et Abdoul Mbaye discutaient chaleureusement.
Obamania
A 11 heures, après une longue attente, la porte du Palais s’ouvre. Macky Sall et Barack Obama sont là. Les caméras et les objectifs d’appareil photos sont redressés et réorientés. Les crépitements ininterrompus, sous forme de rafales, envahissent le chapiteau, formant une musique rythmée et plaisante. Les deux chefs d’Etat descendent les escaliers d’un pas assuré et maîtrisé, distribuant des sourires, l’air détendu. Et évidement, le chef de la Maison Blanche est la star du jour. Surtout que son speech était plus qu’attendu. La classe, l’élégance et l’éloquence légendaire du premier président noir américain sont de mise.
Une fois devant les journalistes, c’est le président Macky Sall qui prend, en premier, la parole pour souhaiter ‘’la bienvenue’’ à son hôte et lui dire ‘’sa fierté’’ de l’accueillir au Sénégal, avec une voix littéralement cassée. ‘’Je me réjouis que le Sénégal soit la première étape de son voyage’’ a dit M. Sall en expliquant que les Etats Unis et le Sénégal ont des ‘’sujets d’intérêt commun sur le plan africain et international’’ en passant en revue les relations de coopération qui lient les deux pays.
Le président Macky Sall a salué l’engagement et l’appui des Etats-Unis dans les infrastructures, l’agriculture le commerce, les investissements en Afrique et surtout leur contribution dans la lutte contre la crise malienne. Il a rappelé que les deux pays partagent les valeurs de démocratie, de bonne gouvernance, des droits de l’homme. Partant, ils devraient poursuivre leur coopération afin de ‘’stabiliser l’Afrique et sauvegarder la paix’’
Nouveau souffle pour l’AGOA
Pour sa part, Barack Obama a rappelé les relations d’amitié entre les deux pays : ‘’Le but de mon voyage est d’ouvrir de nouvelles perspectives dans nos relations pour aller vers la croissance et le développement. Car je reste persuadé que l’Afrique fait des progrès, notamment en matière démocratique’’. Et de citer, pour étayer son propos, le Ghana, la Sierra Leone, le Nigéria, le Libéria, la Côte d’Ivoire… rappelant que ‘’le monde ne tient pas toujours compte des progrès fait par l’Afrique», le président Obama a réaffirmé l’engagement des Etats Unis à soutenir l’Afrique et le Sénégal qu’il considère comme ‘’un partenaire fort pour la sécurité régionale’’.
Le président américain promet de poursuivre l’aide dans l’agriculture, les technologies, la construction des routes, la lutte contre le VIH et le paludisme. Mais, l’hôte du Sénégal a surtout de donner un coup d’accélérateur à l’AGOA qui devrait prendre fin dans deux ans. Barack Obama réaffirme aussi l’appui de Washington pour la résolution de la crise casamançaise et la création d’emplois pour la jeunesse. C’est, d’ailleurs, à juste titre que Macky Sall a indiqué que ‘’c’est un voyage plein de promesses’’.
Homosexualité et peine de mort
Là où les deux chefs d’Etat ne semblent pas sur la même longueur d’onde, c’est sur la question de l’homosexualité. En effet, la question d’une journaliste américaine de CNN a fait ressortir les divergences. Interpellés sur le sujet sous divers aspects spécifiques à chacun des deux pays, MM. Obama et Sall ont essayé d’apporter des réponses selon leur perception. Le président n'a pas manqué d'apporter son soutien aux homosexuels du continent. ''Mon opinion est que, quelques soient la race, la religion, le genre, l'orientation sexuelle, face à la loi, tout le monde doit avoir les mêmes droits", a affirmé le chef de la Maison Blanche à qui la journaliste américaine a demandé s'il compte encourager son homologue senegalais à dépénaliser l'homosexualité.
En effet, le président Macky Sall, en ce qui le concerne, n’y est pas allé par quatre chemins pour donner sa réponse claire précise et concise : ‘’Nous ne sommes pas prêts à dépénaliser l’homosexualité. ‘’Nous ne sommes pas disposés à dépénaliser l’homosexualité’, a-t-il dit. Avant de préciser que le refus de dépénalisation ‘’ne veut pas dire que nous sommes homophobes’’.
Macky Sall a indiqué que les homosexuels ne sont pas ''pourchassés'', ni ''discriminés'' dans le pays. L'accès à l'emploi ne leur est pas interdit du fait de leur homosexualité. Seulement ils sont tenus de ‘’respecter les autres Sénégalais. C’est une question de société et comme tant d’autres questions, lorsqu’il y a aura ‘’une évolution des mentalités’’ la société elle-même prendra en charge la question.
‘’Chaque pays, se défend-il, a ses manières de traiter chaque question’’. D’autre part, le président Sall a évoqué la peine de mort appliquée dans la majorité des Etats aux Etats-Unis pour étayer son argumentation face à son partenaire américain, rappelant que le Sénégal lui a aboli la peine de mort depuis longtemps.