LES DESSOUS DES CARTES
L’Armée a décidé de manier à la fois la carotte et le bâton avec les factions de César Atoute Badiate et celles de Paul Bassène qui jusqu'ici refusent de céder aux opérations de charme des démarcheurs de la paix en Casamance
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C'est une lapalissade de dire que le conflit en Casamance revêt plusieurs enjeux à caractères multiformes. La recrudescence des accrochages ces derniers jours, dans le département d'Oussouye, entre les patrouilles de l'armée sénégalaise et les combattants de la branche sud du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) contrôlée par César Atoute Badiate, en est un élément révélateur.
Un nouvel accrochage d'une forte violence a opposé, une nouvelle fois dans la nuit du samedi à dimanche, des éléments du MFDC à des troupes de l'armée sénégalaise à Emaï, dans le département d'Oussouye. C'est le second accrochage, en trois jours, dans la même zone géographique.
Plusieurs versions circulent sur les causes de ces combats dont la fréquence rappelle les périodes sombres de la crise en Casamance. Mais les vraies raisons de la reprise des hostilités sont à chercher ailleurs.
Car, sans le crier sur tous les toits, les stratèges de l'armée sénégalaise opérant au sud du pays ont décidé de manier à la fois la carotte et le bâton avec les factions de César Atoute Badiate et celles de Paul Bassène qui jusqu'ici refusent de céder aux opérations de charme des démarcheurs de la paix qui s'activent au nom du processus pour un retour à la normale en Casamance.
C'est ainsi que la carotte consiste à laisser les politiques et les autorités s'accrocher à la solution pacifique appelée par le chef de l'Etat du Sénégal, Macky Sall. Mais dans le même temps, l'armée s'emploie depuis quelques mois à faire usage de la méthode forte pour porter un coup sérieux à l'économie de guerre souterraine qui fait tenir l'essentiel des combattants de ces deux factions rebelles du MFDC. Il s'agit pour cela de mettre fin ou à défaut de réduire au strict minimum le trafic de bois, la contrebande, la culture et le trafic de drogue dont les profits nourrissent les hommes de César et de Paul Bassène.
C'est pourquoi à la mi-mars, des opérations sont menées contre les trafiquants de bois "tek" qui travaillent pour les hommes de César Atoute Badiate dans la forêt-tampon sise entre la partie nord de la Guinée Bissau et celle Sud-Est de la commune de Nyassia et qui polarise les villages de Badème, Bagame, Bougouyoume, Bofa, Bayote et Toubacouta.
En une seule nuit, ils ont arraisonné pas moins de 11 charrettes, confisqué 8 bicyclettes et des centaines de troncs d'arbres estimés à pas moins de 2 millions de F CFA. En tout, 552 troncs d'arbres ont été saisis. Ce qui a provoqué une grosse nervosité dans le maquis de Kassolol.
Or depuis cette période, l'armée multiplie les patrouilles et remonte jusque dans le parc de la Basse-Casamance à Djibanépor, une localité aux berges des places fortes des hommes de César Atoute Badiate. Les autres patrouilles sillonnent la zone entre Oussouye, Boukitimgho et Santhiaba Manjack. Ce sont ces troupes-là qui sont tombées par deux fois en embuscade tendue par les rebelles.
Il faut dire que dans la même période, l'armée a aussi lancé des opérations similaires dans le département de Bignona, notamment les zones fortes du rebelle Paul Bassène dans les localités de Dondji, Elol, Badionka, Boulayol, où deux tonnes de chanvre indien ont été saisies par les hommes du commandant Cheikh Wade. Tout compte fait, c'est le cœur de l'économie de guerre de ces factions du MFDC qui a été touché et que les combattants du maquis tiennent vaille que vaille à préserver.
Les combattants de César Atoute ont d'ailleurs publié un communiqué ce dimanche pour dire que le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) "tient à prendre à témoin pour une deuxième fois l'opinion nationale et internationale sur le comportement de l'armée sénégalaise".
Dans son communiqué, le MFDC souligne que "depuis un certain temps, il est noté une sorte de déclaration de guerre voilée de la part de l'armée sénégalaise et de ses autorités". Ainsi déclare le MFDC, "après la provocation suivie d'affrontement à l'arme lourde dans le département de Bignona, c'est au tour d'une seconde provocation suivie elle aussi d'affrontement dans le département d'Oussouye".
Les combattants du MFDC avertissent à qui veut les entendre "qu'il ne resteront plus les bras croisés" et que désormais, "toute agression" de la part l'armée sénégalaise "aura son répondant qui sera ressenti dans les confins de l'Etat du Sénégal".