LE MONUMENT DE LA RENAISSANCE, L’ARÈNE NATIONALE ET LA MAISON DU HADJ : CES ÉDIFICES DÉCRIÉS OU OUBLIÉS

Le Monument de la Renaissance : projet réalisé malgré les protestations
Contre vents et marées, l’ancien président de la République, Maître Abdoulaye Wade avait réalisé son défi d’ériger sur les sommets des mamelles l’un des plus hauts monuments au monde. Malgré tout le tintamarre à travers les protestations, les débats politico-religieux pour ou contre, mais surtout contre, malgré les milliards investis pour la traversée du temps de trois géants en bronze vers le troisième millénaire, Wade n’avait pas renoncé à son cher projet.
Je fais partie de ceux qui continuent de croire que celui qui a été l’opposant le plus célèbre, le Président le plus osé et qui demeure l’ancien Président le plus présent dans la vie politique du Sénégal, doit sa chute non pas à ses résultats, mais à son entêtement à vouloir réaliser ses défis à lui, dont la construction du Monument de la Renaissance, des rêves qui ont heurté la conscience populaire et fini par ensevelir ses réalisations pourtant méritoires.
L’Arène nationale : oui pour le projet, non pour l’emplacement
Le débat sur la construction de l’Arène nationale à Pikine, même s’il n’a pas encore atteint les proportions de ceux du Monument de la Renaissance, lui ressemble étrangement.
Le Président Macky Sall a pris l’engagement de réaliser cet autre rêve de Maître Wade, une doléance longtemps défendue par les amateurs de lutte, à juste raison il faut le reconnaître.
Mais là aussi, ce projet bute sur le choix de son emplacement. Déjà du temps de l’ancien Président cité, un de ses ministres m’avait fait part de son intention de lui proposer la construction de l’Arène nationale à Pikine dans le cadre des grands projets qu’il fallait prévoir pour la banlieue.
Je lui avais alors répondu que contrairement à ce que croient beaucoup d’observateurs, vu les succès obtenus par les champions de lutte originaires de cette ville, ce projet est loin d’être une demande sociale pour ses habitants, qui ont plus à craindre de ses méfaits qu’à espérer de ses avantages.
J’avais trouvé Pikine trop étroit et plein de risques pour abriter un tel édifice. C’est ainsi que je lui suggérais en contrepartie l’Université de la banlieue, que je trouvais plus appropriée, plus pertinente et sans aversion populaire. Il finit par transmettre les deux projets très appréciés alors par le patriarche.
Aujourd’hui que le Président Macky Sall et son équipe sont à deux doigts de réaliser ce projet à l’entrée de Pikine, à proximité du Technopôle, mes craintes ressurgissent avec l’opposition non seulement des riverains, mais aussi des environnementalistes et des techniciens, chacun mettant sur la table les raisons qui militent pour une délocalisation de l’arène.
D’après Sud Quotidien du 17 mars 2015, le Rassemblement des entreprises du secteur des technologies de l’information et de la communication (Restic) «met en garde contre les conséquences de la construction de l’arène sur ce site qui concentre des nœuds de raccordement et des dorsales en fibres optiques et nœuds d’accès qui contribuent à la distribution de la connectivité sur tout le territoire national».
Tous ces arguments méritent plus d’attention au lieu d’être tout bonnement évacués parce que la Chine a mis 24 milliards sur la table et qu’il faut absolument sortir de terre un grand projet pour la banlieue, avec les échéances de 2017. Avec le déguerpissement des maraîchers qui occupaient les lieux, on sent la détermination de l’Etat à clore le débat et à passer à l’exécution forcée de son projet sans fournir d’explications convaincantes.
Loin d’être un «Selbé Ndome», je peux répéter à l’actuel Président et aux Sénégalais ce que j’avais dit à l’époque à propos du monument, à savoir : si l’arène est implantée dans le lieu prévu, l’encre coulera à flot, et les espérances électorales risquent d’être déçues à l’image d’un champion de lutte déchu malgré tous les pronostics à lui favorables.
Aujourd’hui, seuls les riverains et quelques observateurs avertis appréhendent le risque d’asphyxie et d’insécurité auquel la ville est exposée. Une fois l’arène opérationnelle, la grande masse s’en apercevra et réagira de façon inattendue.
La zone sise à Pikine, dénommée Lobatt Fall pour les uns et Technopôle pour les autres, étant le centre névralgique pour sortir de Dakar ou pour y entrer,en provenance de ou en allant vers Guédiawaye, Guinaw Rails, Yeumbeul, Malika, Keur Massar, Rufisque et les autres régions, cette zone donc une fois sous l’emprise des grandes manifestations de lutte, va être constamment bloquée, empêchant toute fluidité de circulation.
La belle et nouvelle corniche de Pikine qui longe le Technopôle pour desservir Guédiawaye et la ville de Pikine elle-même sera alors paralysée et perdra ses vertus tant chantées par les populations. Les avantages loués de l’élargissement de l’autoroute Pikine-Patte d’oie à côté de l’autoroute à péage seront anéantis pour céder la place à une anarchie indescriptible.
Mais la pire des conséquences d’une telle construction à cet endroit restera la généralisation de l’insécurité dans la banlieue. Tous ceux qui habitent la banlieue savent qu’à la fin de chaque manifestation de lutte au stade Demba Diop ou au stade Léopold Sédard Senghor, les bandes d’hooligans envahissent l’autoroute depuis la Patte d’oie, pour déferler dans les rues de Pikine et Guédiawaye, qui pour saccager et manifester leur mécontentement suite à la défaite de leur idole, qui pour voler et agresser automobilistes et piétons.
A voir leur nombre inquiétant, qui peut défier n’importe quelle armée, l’on se rend compte que ces envahisseurs qui se donnent rendez-vous à cette occasion doublent voire quadruplent la capacité du stade.
Pour garder les espérances de ceux qui défendent et portent un tel projet et éliminer les conséquences redoutées par ceux qui sont contre, je reste convaincu que la solution serait d’édifier l’arène dans un endroit toujours de la banlieue, mais qui ne présente pas les inconvénients de paralyser la circulation, de fermer l’entrée et la sortie de Dakar, et de jeter les populations à la merci d’une horde de jeunes désœuvrés ou de mauvais perdants.
Sangalkam et Diamniadio disposent de suffisamment d’espace à même de contenir sans préjudice les grandes foules, et présentent l’avantage d’être plus ouverts aux amateurs de lutte des autres régions. En plus, construire l’arène sur l’un de ces sites découragerait ou éliminerait les malfaiteurs aguerris qui n’avaient point besoin de se déplacer loin pour exercer leur jeu favori : le petit banditisme.
Ainsi, il y aurait de fortes chances que seule la bonne graine que constituent les vrais amateurs de ce sport national remplirait les gradins.
Ce serait l’opportunité pour les autorités d’assainir le règlement de notre sport-roi en améliorant la tenue vestimentaire peu pudique de nos lutteurs, d’éviter les combats disproportionnés entre David et Goliath. Même si jusqu’ici, David s’en sort bien, il faut redouter le jour où le pire arrivera et qui sera un sacré coup pour notre sport national, qui veut s’ouvrir et s’imposer sur le plan international.
Ces cris du cœur ne sont pas de vains mots d’un riverain dont les intérêts sont directement menacés ou d’un simple partisan accroché à un objectif à court ou long terme, mais viennent plutôt d’un natif de Pikine, qui y a vécu plus d’un demi-siècle et qui milite pour l’intérêt général de la Nation.
J’ose espérer que l’entêtement qui a emporté l’ancien père de la Nation sera évité ici par le nouveau devenu le maître du jeu par la volonté de Dieu.
La Maison du Hadj : le projet oublié
«Bien qu’il soit le centre d’attraction annuel de millions de Sénégalais pour organiser les conditions de départ, de séjour et de retour de dix mille parents, amis et proches qui doivent se rendre à la Mecque, cet évènement hors-pair n’est pas doté d’infrastructures pour accueillir son monde.
Au gré des régimes, c’est soit l’Institut islamique, le Centre international pour le commerce et l’industrie (Cices) ou le hangar de l’aéroport de Dakar, qui est utilisé pour servir temporairement de siège à l’organisation du Hadj.
Pendant ce temps, la Maison de l’avocat, la Maison de la presse, le Grand Théâtre ou encore le Centre des conférences Abdou Diouf de Diamniadio pour la Francophonie se dressent splendidement et font la fierté des gouvernants... La construction de la Maison du Hadj est un impératif pour éviter les errements et parfaire l’organisation du Pèlerinage.»
Ces lignes extraites de mon ouvrage Les Chemins du Hadj de l’Afrique noire à l’Arabie sont un appel aux autorités pour mettre les candidats au pèlerinage dans de meilleures conditions.
A chaque fois qu’il y a un retard dans la programmation des vols, les pèlerins, pour la majorité des femmes et des personnes âgées, souvent en provenance des régions, passent inconfortablement des nuits sous le hangar en attente de la régularisation de leur départ.
L’édification d’un complexe ou Maison du Hadj jusqu’ici oubliée, et qui abriterait en même temps le Commissariat général au pèlerinage, le siège pour les organisateurs privés ainsi que tous les services liés à l’organisation du pèlerinage à la Mecque, est à inscrire dans les projets prioritaires.