LE FMI MÈNE SA CONTRE-EXPERTISE
Une délégation du Fonds s'est rendue à Dakar ce mardi pour évoquer la préparation du misreporting. Alors que les autorités sénégalaises sont en quête de liquidités, l'institution pourrait décider d'une dérogation pour valider un nouveau programme en avril

(SenePlus) - Une délégation du Fonds Monétaire International (FMI) s'est rendue à Dakar ce mardi 18 mars pour analyser en profondeur les résultats de l'audit des finances publiques réalisé sous la présidence de Macky Sall. Cette visite, qui intervient quelques semaines après la publication du rapport de la Cour des comptes, pourrait avoir des conséquences majeures sur l'avenir économique du pays.
Comme le rapporte Jeune Afrique, la délégation était dirigée par Eddy Gemayel, chef de division du FMI, accompagné de Majdi Debbich, représentant du FMI pour le Sénégal. Les deux responsables ont rencontré le ministre de l'Économie, Abdourahmane Sarr, et son homologue des Finances et du Budget, Cheikh Diba.
"L'audit a été examiné par le département juridique et fiscal du FMI", expliquait un porte-parole du Fonds à Jeune Afrique à la veille de cette visite. "Il s'agit de discuter du contenu de ce rapport, et nous allons adresser nos commentaires et observations au ministre des Finances."
Selon les informations communiquées par le ministère de l'Économie, l'entretien portait sur "la préparation du misreporting [le rapport initial sur les finances publiques du Sénégal, objet de l'audit], perspective d'un nouveau programme économique et financier avec le Sénégal". Une source sénégalaise proche du dossier a confié à JA qu'"une nouvelle mission devrait être dépêchée au Sénégal avant le conseil d'administration du FMI en juin".
Le rapport de la Cour des comptes, publié le 12 février dernier, a révélé des divergences alarmantes concernant la dette publique sénégalaise. Les comptes initialement arrêtés à fin décembre 2023 avaient évalué cette dette à seulement 25% du PIB, soit environ 4 700 milliards de francs CFA. Or, l'audit établit que la dette réelle avoisine les 100% du PIB, alors qu'elle s'élevait à 54,71% en 2018.
Cette différence majeure avait déjà été signalée en septembre dernier par le Premier ministre Ousmane Sonko, qui avait publiquement accusé son prédécesseur Macky Sall d'avoir "menti" aux Sénégalais et aux partenaires financiers du pays concernant l'état économique réel du Sénégal.
Le FMI porte une attention particulière à ce dossier, d'autant plus que l'institution a suspendu le précédent programme signé en juin 2023 sous la présidence de Macky Sall. D'après les informations du magazine panafricain, sur un montant total d'1,8 milliard de dollars, le FMI avait déjà versé 770,5 millions de dollars avant d'interrompre le programme.
"Nous n'en sommes pas à l'étape de remettre en doute l'audit de la Cour des comptes. Le processus d'examen dans lequel nous sommes engagés s'applique à tous les pays surtout lorsqu'il s'agit de dossiers sensibles comme celui du Sénégal", a précisé un porte-parole du FMI à Jeune Afrique.
Le taux d'endettement du Sénégal constitue une préoccupation majeure pour l'institution financière internationale. Selon JA, avant même la publication de l'audit, le FMI avait interrogé la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) pour obtenir des assurances concernant l'état des finances publiques du pays.
Les autorités sénégalaises, en quête de liquidités, attendent avec impatience les conclusions du FMI. "Une fois que nous aurons terminé l'examen du dossier, nous ferons un retour à notre conseil d'administration qui statuera. Il décidera si les conclusions de l'équipe pays et les arguments du directeur exécutif représentant le Sénégal permettent d'ouvrir un nouveau programme", a expliqué un porte-parole du FMI au site d'information.
Une solution pourrait toutefois se dessiner rapidement. Comme le note Jeune Afrique, le Fonds pourrait décider d'accorder une dérogation pour valider le programme de 2025 dans les meilleurs délais. Cette option est soutenue par les partenaires diplomatiques du Sénégal, qui espèrent une décision de décaissement d'ici fin avril.