LE DOUBLE VISAGE DE JANUS
SOCIÉTÉ CIVILE ET HOMMES POLITIQUES AU SÉNÉGAL

Depuis 1993, année de la première participation d’un candidat indépendant à une élection présidentielle au Sénégal en la personne de Maître Mamadou Lô, seul Serigne Ousseynou Fall a eu à obtenir en 2000 plus de 1% (exactement 1,11%). La difficulté pour un candidat civil de percer a sans doute été une des raisons du plongeon de l’avocat Me Mame Adama Guèye dans la sphère politique en mars 2015 avec un nouveau parti dénommé «Sénégal Bi Nu Begg».
Auparavant, il avait eu en candidat civil un score non honorable en 2007 de 0,40% soit 13 700 voix sur les 3 424 926 suffrages exprimés. L’avocat a-t-il ôté la robe civile pour autant ? La récente synchronisation de vue entre Birahim Seck du forum civil et le leader de «Sénégal Bi Nu Begg» sur la décision du Président Macky Sall de confier le Pudc au Pnud est un fait à relever parce ressemblant à un cordon ombilical qui peut prêter à équivoque.
Je ne causerai pas un tort au forum civil dirigé par Mouhamadou Mbodj qui jusqu’ici sait apprécier les bonnes actions du gouvernement tout en jouant le rôle de sentinelle sur de sujets majeurs. Sa posture faite d’élégance, de sens de la mesure et de vigilance n’est pas en cause. Heureusement que Birahim Seck n’engage pas le forum civil !
La similitude de critique virulente entre Birahim Seck et Mame Adama Guèye sur le Pudc confié au Pnud semble verser beaucoup plus dans une logique obsessionnelle de «décrédibilisation» du régime actuel comme dans le cadre d’une perspective électorale proche. Les deux personnes font vite dans la position facile de l’observateur libre qui n’a aucun engagement vis-à-vis des populations.
Ils savent qu’une bonne partie du monde rural en détresse attend dans l’urgence, des solutions basiques à l’absence d’eau, d’électricité, de pistes rurales et de structures sanitaires. Ils savent aussi que les lenteurs de l’Administration sénégalaise et du Code des marchés ne permettent pas d’absorber en un temps record, ces besoins même si les crédits sont souvent disponibles. Il est désolant que dans une forme d’amalgame populiste, certaines personnes fustigent des règles clairement permises et encadrées par le Code des marchés publics.
C’est le cas par exemple du gré à gré, terme galvaudé de la notion d’entente directe bel et bien autorisée par le Code des marchés notamment en cas d’urgence ou de secret. Ce que les critiqueurs à la gâchette facile ne disent pas, c’est qu’une entente directe est soumise à l’avis de la Dcmp avec possibilité de contrôle des prix durant l’exécution des travaux.
Le terme entente directe insidieusement est détourné sous le vocable français «marché de gré à gré» en wolof «Marché Yaa ma Nekh» comme pour verser dans une confusion savante tendant à faire croire qu’être homme politique signifie être corrompu. C’est à dessein que les amalgameurs entretiennent ce flou artistique aux relents politiques. Une entente directe est possible aux yeux de la loi. Elle est bien encadrée par le Code des marchés publics.Ceux qui y ont recours ne sont pas horsla-loi tant que les règles définies sont respectées.
Autre terrain de jeu des donneurs de leçons : la procédure de Demande de renseignement et de prix ou Drp qui se fait sur un panel d’au moins cinq entreprises pour en choisir le moins disant. Le recours à la Drp n’est pas une démarche hors-la-loi.
Les amalgameurs ne s’arrêtent là, ils critiquent aussi souvent la possibilité de recours à l’offre spontanée pour des montants supérieurs à 50 milliards assujettis d’au moins 10% de sous-traitance pour les opérateurs locaux (soit un minimum de 5 milliards). Ils ne disent pas que l’offre spontanée est soumise à avis obligatoire à la Dcmp aidée d’experts indépendants. Où est l’absence de transparence ?
Comme on le voit, le Code des marchés publics a jusqu’ici sembler être le terrain de jeu des «politiciens encagoulés dans le civil» comme pour accabler les acteurs politiques en les mettant dans une posture défensive. La classe politique doit savoir qu’il est irresponsable de dire au conducteur du véhicule Sénégal de rester scotcher au rétroviseur limitatif des contraintes textuelles.
Le Président Macky Sall a eu la franchise de dire urbi et orbi que le Code des marchés ne doit pas être avec ses lourdeurs, un frein au développement. C’est pourquoi il y a apporté des changements pour un gain de temps et de célérité sans en saper les bases transparentes.
Aujourddui, face à l’urgence en milieu rural, le chef de l’Etat dont le cursus administratif est largement au-dessus des considérations théoriques des critiqueurs sans mandat, a pris la décision de confier l’Urgence au Pnud pour accélérer le Pudc. Il a pris une décision qui va impacter des milliers de vies qui n’ont pas comme les critiqueurs le luxe du «confort urbain dakarois».
Il ne s’agit pas ici d’avoir de simples connaissances théoriques. Il s’agit de s’appuyer sur l’expérience pour bâtir une démarche pragmatique et sous ce rapport, le plus expérimenté des acteurs politiques actuels est celui qui tour à tour a eu à occuper les postes de directeur, ministre, Premier ministre, président de l’Assemblée nationale et chef de l’Etat.
Nous ne sommes pas dans le culte de la personnalité. Nous sommes dans l’accent mis sur l’approche par compétence to be able to comme disent les anglosaxons. Refuser au Président Macky le mérite d’une bonne connaissance à la fois théorique et pratique de l’Etat, c’est faire preuve d’aveuglement suspect et de doute plus sceptique que méthodique que seul confère une expression honnie nommée jalousie.
Ceux qui attaquent le Président Macky sur le sujet de la transparence sont les mêmes qui lui demandent de répondre d’urgence à la demande des populations. Ils savent bien que le Président Macky à travers des leviers comme l’Ofnac, la loi sur la déclaration de patrimoine, la Crei et le nouveau Code des marchés publics est en train de changer le rapport de l’homme politique sénégalais à l’argent du contribuable. Ils savent que les choses bougent dans le bon sens.
Le problème de ces encagoulés, c’est qu’ils ont des ambitions de pur casting pour remplacer le chef de l’Etat au Palais. C’est leur droit. C’est aussi pour eux un devoir d’être assez honnêtes vis-àvis des électeurs en abaissant les masques. En avançant moins masqué, Me Mame Adama Guèye et ses amis d’hier et d’aujourd’hui devraient éviter de s’accrocher à une branche civile pour un combat strictement politique. Cette posture d’élégance consistant à séparer le civil du politique est une démarche purement éthique.
Il est certainement de bonne guerre qu’avec 0,40% de suffrages en 2007, Mame Adama Guèye essaie de prendre l’ascenseur du buzz médiatique pour espérer remonter la pente. Cette stratégie frise la paresse et ne sera pas payante puisqu’il sera difficile voire impossible de battre hameau par hameau le Président Macky qui, quoique l’on puisse dire, est largement sur la bonne voie de construction des bases économiques et sociales de l’Emergence. Tout n’est pas rose. Tout ne le sera pas. L’essentiel est d’être sur le bon chemin en utilisant des raccourcis alliant la transparence à la célérité. Le Président Macky est dans cette dynamique.
Mais ce qui désole au Sénégal, c’est que les considérations cryptopersonnelles prennent le pas sur la sincérité et la sagesse qui auraient recommandé que l’on accompagne sans ego ce «jeune Président» de 54 ans. Il est dommage de voire toute cette énergie déployée par des personnes très intelligentes qui jettent le discrédit sur les actions du chef de l’Etat dans un pays très complexe en termes d’arbitrages prioritaires sur les maigres ressources nationales. D’ici aux prochaines élections, les masques tomberont certainement un peu plus.
Il paraît que Maître Mame Adama Gueye aurait refusé la présidence de l’Ofnac au moment où Monsieur Birahim Seck siège est bel et bien coopté par décret présidentiel au Conseil économique social et environnemental.
Cette différence de posture serait-il l’arbre qui cache la forêt d’une convergence de vue sur la question politique ? Je ne saurais donner une réponse à cette question. Ce que je sais par contre, c’est que le civil et le politique seraient comme le double visage de Janus.
L’essentiel pour tout citoyen n’est pas d’être dans la posture civile ou politique. C’est le fait d’être sincère avec soi et envers les autres en assumant un camp tout en se mettant au travail sans jouer les cassandres tout le temps.
La société sénégalaise est assez complexe pour qu’on en rajoute tout le temps à l’incivisme et mettant la classe politique sur la défensive. C’est aux hommes et femmes politiques d’être exemplaires et de refuser la stigmatisation venant des donneurs de leçons à la position facile.
Le charme de la politique, c’est la difficulté des choix collectifs qui ne seront jamais enregistrés dans le registre d’une unanimité utopique. En clair, l’action politique sera toujours critiquée. L’essentiel est qu’elle soit bénéfique en termes d’opportunités et de coûts pour le plus grand nombre et pour les générations futures qui hélas ne sont pas présentes pour donner leur avis. L’action du Président Macky analysée sous ce rapport est largement bonne.