LE PARTAGE DE LA MISERE

Une pierre de plus dans le jardin du baron Pierre de Coubertin ne fait point désordre. Car il y a longtemps que l’idéal du père de l’Olympisme moderne a fané. La haute compétition n’est plus ce rassemblement de boys scouts où plus on est nombreux plus les rondes sont joyeuses. L’essentiel n’est plus de participer. Quand un pays promène son drapeau dans le concert des nations, ce n’est pas pour le voir se mettre en berne sur les mâts, c’est pour le pour le voir s’ajouter à l’arc-en-ciel des podiums. Le soucis est le même pour le vert-jaune (or)-rouge frappé de l’étoile verte au milieu.
A ce propos, le directeur de la Haute compétition (Dhc) s’est montré formel hier, sur les ondes de la Rfm : plus question de payer des «camps de vacances» à des sportifs qui ne rapportent ni titre ni performance, encore moins des médailles. Le Trésor ne finance plus des voyageurs dont les kilos débarqués à l’aéroport ne sont que marchandises et des souvenirs ramassés dans les souks. Désormais on devient sélectif dans la sélection et, comme au Concours général, seuls les cracks auront droit de cité.
Qu’on ne s’y trompe point cependant : le choix décliné par le Dhc aurait pu passer dans la Page économie du journal de la Rfm plutôt qu’en Sport. Ce qu’on n’entend n’est pas la promotion de la performance sportive, c’est la recherche du moindre coût. La chanson est connue. Il y a trente ans Abdou Diouf clamait le «moins d’Etat mieux d’Etat», c’était simplement la faillite de l’Etat partout où ses devoirs l’attendaient.
Il est évident que le sport, selon une certaine conception, repose sur la stratégie de la pyramide. Celle-ci promeut l’excellence, mais ne prime que les références. On parle de la masse, on agit pour l’élite. Sauf que pour voir ce petit nombre dégager l’impulsion nécessaire à la généralisation de la performance, des articulations solides sont nécessaires.
En sport, l’élite est une composante à l’espérance de vie courte. Sa régénération doit être un processus constant, organisé, durable. Elle ne repose pas sur de petits calculs. Or, à entendre le Dhc, ce qui se dessine ressemble à ce qui se passe derrière les comptoirs d’un épicier.
Le raisonnement repose sur le fait que budget pour les compétitions internationales ne peut satisfaire tout le monde. Devant le montant dérisoire (900 millions, pour 4 milliards de francs de besoins avaient exprimés pour la saison en cours), les arbitrages budgétaires entre fédérations sont devenus un moment pathétique où les plus forts font main basse sur les maigres quartiers pour laisser la poussière aux autres. Ainsi servies, toutes les fédérations savent qu’elles s’enferment dans le dérisoire. D’aucuns parviennent à réaliser des miracles, mais ceux-ci ne durent jamais. Car on ne sort pas d’un cycle d’échecs quand les facteurs qui le déterminent ne connaissent par des ruptures significatives.
On espérait une meilleure appréhension des besoins et un effort conséquent de la part de l’Etat, après les misères vécues par certaines sélections nationales cette année. Notamment avec le football et le basket. Mais aussi avec les frustrations vécues par d’autres disciplines écartées de la table du partage. Que non. L’Etat s’oriente plutôt vers un cynisme financier plus dur encore.
A partir de la saison prochaine, affirme le Dhc, les arbitrages ne se feront plus entre fédérations ; c’est en elles-mêmes que celles-ci vont s’arbitrer. Aux pères de choisir entre leurs fils, pour liquider les uns et promouvoir les autres. Charmantes perspectives…
Le moyen est facile pour l’Etat de se décharger, en poussant désormais les Fédérations à définir et à assumer les conditions de leur propre misère. Avant le Dhc, le conseiller sportif du président de la République avait déjà donné le signal.
Dimanche, après la finale de la Coupe du Sénégal de basket, Mamadou Ndiaye confiait, face aux difficultés éprouvées par cette fédération qui a engagé les sélections nationales sur deux Coupes du monde (U 20) et deux Can séniors (filles et garçons), avec 170 millions de francs reçus l’arbitrage budgétaire, qu’il fallait faire des choix. Ceci est d’un simplisme étonnant. Et ces fédéraux ont raison de dire que l’Etat n’a rien fait (constat qui semble fâcher). Car les 170 millions, un opérateur économique aurait pu les offrir à la place du Trésor public.
Quoi qu’il en soit le monde du sport est averti. La saison prochaine, le yokute se fera à reculons. Le Dhc qui l’annonce a déjà eu à donner le ton. C’est lui qui tenait la bourse entre Bruxelles, Luanda, Accra et Nairobi, quand les «Lions» ont effectué leur périple dans des conditions proches du ridicule.
Un rappel. Au moment de distribuer les 900 millions de francs à 28 fédérations, en avril dernier, le président du Cnoss confiait : «On connait les difficultés, on les comprend, mais on ne les accepte pas complètement.». On verra ce que vaut l’avertissement lors du prochain arbitrage.