CARTON ROUGE POUR MACKY
Babacar Gaye, porte-parole du Parti démocratique sénégalais
Le porte-parole du Parti démocratique sénégalais (Pds) n'a pas fait dans la dentelle hier, dimanche 7 août, en se prononçant sur l'actualité politique nationale. Invité du jour de l'émission politique Objection de la radio Sud Fm, Babacar Gaye a fustigé le "limogeage" de Nafi Ngom Keita de la tête de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), ainsi que la sanction contre l'inspecteur des Impôts et domaines, Ousmane Sonko. Et non sans manquer de dénoncer les "attaques" contre l'ancien Pm, Abdoul Mbaye. M. Gaye qui estime que le "pays va mal", a tiré à boulets rouges sur le chef de l'État, Macky Sall et son régime. Il a, par ailleurs, décliné les ambitions du Pds, non seulement, pour l'élection des Hauts conseillers des collectivités locales, mais aussi pour les législatives à venir. Morceaux choisis.
Le pays va mal. la démocratie est bâillonnée, ainsi que les libertés
"Ce qui est arrivé à Abdoul Mbaye, Ousmane Sonko et Nafi Ngom Keïta avait déjà frappé aux portes de la démocratie et de la République. Ne l'oublions jamais, la gouvernance de Macky Sall avait été axée sur la répression systématique des forces alternatives au régime. D'abord, en indexant de manière injuste, la majorité d'alors, je veux dire le régime d'Abdoulaye Wade, en présentant ses membres comme des détourneurs de deniers publics, comme des enrichis de manière illicite, pour se présenter comme des hommes vertueux. Le Président avait promis de privilégier la patrie avant le parti, extirper la famille de la gestion de l'État. C'est tout le contraire que nous vivons. Le pays va mal. La démocratie est bâillonnée, les libertés surtout. Il y a un accaparement des pouvoirs entre les mains d'un seul homme et de son clan. La famille du Président est au cœur du dispositif de l'État. Je parle de sa famille, de sa belle-famille, et de son clan, pour ne pas dire de son ethnie. C'est une question qu'il faut pointer du doigt. Sinon, nous allons vers des risques de déliquescence de nos rapports sociaux et d'éclatement de notre nation".
Question de la double nationalité : "un recul"
"Aujourd'hui, la question de la sénégalité commence à être agitée. C'est un recul pour la bonne et simple raison que ce sont des hommes qui sont ciblés. Nous sommes pour l'édiction des lois et des règlements. Mais, pour que cela ait un caractère général et impersonnel. Or, aujourd'hui, on a l'impression que le président Macky Sall ne veut pas aller aux élections à date échue. C'est d'abord une première réalité, parce qu'il a renié son engagement de réduire son mandat de 7 à 5 ans. Ensuite, il est en train de manipuler, comme il le fait, la justice, l'administration au profit de son parti, de son projet de rempiler en 2019. Les candidats les plus en vue sont aujourd'hui voués aux gémonies. Comme Karim Wade qui a été emprisonné injustement".
Grâce présidentielle : "Ni le PDS ni Karim n'ont été demandeurs…"
Le Pds n'a jamais demandé la grâce pour Karim Wade. Oumar Sarr a exigé la libération de Karim Wade en tenant compte de l'avis du Groupe de travail des Nations unies, mais surtout en considérant que Karim avait été injustement et arbitrairement détenu en prison. Il était de son devoir, en tant que Sg adjoint du parti, coordonnateur du parti, d'exiger que notre candidat soit élargi. Ni le Pds, encore moins Karim Wade, n'est demandeur d'une grâce pour ce qui concerne l'élargissement de notre candidat. Il faut que cela soit clair, car étant le porte-parole du parti, porte-parole du Sg, très proche du candidat Karim Wade, j'affirme et je confirme que Karim et le Pds ne sont pas demandeurs d'une grâce pour notre candidat. Il s'est agi peut être que, constatant un regroupement de l'opposition autour de Goor Ca Xa Ja après le référendum, les risques d'éclatement du Parti socialiste avec l'émergence de forces alternatives à la direction actuelle, le départ de Gakou de l'Afp, le départ de tous les éminents chefs de parti qui étaient autour de Macky pour le deuxième tour, la déliquescence du système social ajoutée à la morosité économique ambiante, Macky Sall a estimé devoir jouer avec son opposition et l'opinion publique en convoquant ce qu'il appelle le dialogue politique qui s'est transformé en définitive en dialogue national. Si vous convenez avec moi, depuis lors, rien n'a bougé si ce n'est les discussions ouvertes avec le ministère de l'Intérieur afin de conformer la loi électorale avec les nouvelles dispositions de la Constitution. En dehors de cela, il n'y a aucune avancée. D'ailleurs, les conclusions de ces discussions aboutissent à un désaccord sur 4 points majeurs. Pour vous dire qu'il n'y avait aucune volonté de la part du pouvoir de considérer son opposition et d'aller vers un Code électoral consensuel, comme cela a été le cas en 1992.
Démocratie au Sénégal : "Nous vivons dans un despotisme qui ne dit pas son nom"
"Nous vivons dans un despotisme qui ne dit pas son nom et qui est en train de se muer en dictature. Parce qu'il y a une concentration excessive des pouvoirs entre les mains d'un seul homme qui pense avoir neutralisé la classe politique, les forces sociales d'alors qui étaient de Gauche se muant à la limite en des forces néolibérales. La seule opposition qui, au sortir de l'élection de 2012, représentait 34% du suffrage, je veux dire le Pds, est aujourd'hui bâillonnée, neutralisée avec des procès à n'en plus finir. La société civile en panne est en train de se rendre compte qu'elle s'est trompée. La presse qui était le levier sur lequel l'opinion publique pouvait s'adosser afin de faire reculer le pouvoir est aujourd'hui allée à la sauce du Palais. Nous voyons d'éminents lanceurs d'alerte, aujourd'hui qualifiés de dames de compagnie. Cela pose un problème de démocratie et de la crédibilité du citoyen sénégalais en dehors de l'homme politique qui avait fini de donner des signaux négatifs".
Gestion vertueuse et sobre : "Macky Sall ne veut pas du tout lutter contre la corruption"
"C'est le président Macky Sall, clé de voute des institutions, qui avait promis l'espoir, la rupture, une gestion vertueuse et sobre. La gestion vertueuse n'est pas seulement une gestion des ressources financières et matérielles. Mais c'est plus une réforme fondamentale de notre société qu'il avait, semble-t-il, fini de diagnostiquer. Aujourd'hui, on se rend compte qu'il passe à coté et qu'il ne propose pas une solution alternative à ce qu'on a vécu. Au contraire, tous les Sénégalais sont unanimes pour constater qu'il y a un dérèglement du système. L'affaire Pétro Tim concerne son frère. L'affaire Arcelor Mittal le concerne avec son gouvernement. Si Nafi Ngom Keita qui avait été nommée pour diriger l'Ofnac, afin d'améliorer la lutte contre la corruption et les détournements publics, est vouée aux gémonies, vilipendée, parce que simplement le prince le veut ainsi, il y a un danger. Nous ne comprenons pas qu'après avoir effectué un contrôle dans certaines structures de l'État, que le président Macky Sall l'ait enlevée après un seul mandat. Cela veut dire que le président Macky Sall ne veut pas du tout lutter contre la corruption. Il ne veut pas qu'on traduise devant la justice des gens qu'il protège. Il ne veut pas le Sénégal fasse des pas dans le cadre de la bonne gouvernance".
Sanctions contre Ousmane Sonko : "C'est sanctionner un système qui devait aider les sénégalais…"
"Ousmane Sonko, fonctionnaire engagé au plan politique, ce qui est louable, patriote dans l'âme, est un lanceur d'alerte qui estime devoir jouer sa partition. Il doit être encouragé. Il doit aussi faire l'objet d'une mobilisation de toute l'opinion nationale, afin que l'administration publique soit au service des citoyens et non au service d'une personne. Ce qu'il a fait ne me semble pas être fautif. Parce que, je ne vois pas dans les déclarations d'Ousmane Sonko, une volonté de nuire à l'État, de divulguer des secrets d'État, une volonté de rompre son obligation de réserve. Parce qu'il engage le débat sur des questions d'ordre public. Il engage un débat pour que notre pays puisse être gouverné de manière transparente et vertueuse. Le sanctionner, me semble être sanctionner un homme, un système qui devait aider les Sénégalais à se réconcilier avec une gestion vertueuse. Nous condamnons tout ce qui touche au harcèlement de hauts fonctionnaires. Nous fustigeons le limogeage de Nafi Ngom pour des considérations fallacieuses. Nous soutenons toutes les luttes pour que l'État du Sénégal soit un État de droit. C'est-à-dire que les décisions de l'administration soient basées sur des considérations légales et règlementaires".
Élection des hauts conseillers: "Il y en a d'autres forces qui frappent…"
"Nous participerons à ces élections parce que nous considérons que le référendum, même si nous n'étions pas satisfaits de la manière dont il a été convoqué, est derrière nous. La loi constitutionnelle est entrée en vigueur. En démocrates et républicains, nous respectons l'ordre institutionnel de notre pays. C'est sur ce rapport que nous avons estimé, pour éviter de tomber dans le piège du pouvoir qui ne veut pas en réalité une participation massive des forces alternatives aux joutes électorales, aller à ces élections. Parce que, c'est en moins d'un mois que tout doit se faire. D'abord l'édiction des textes, la convocation du collège et l'organisation de ce scrutin en l'espace d'un mois. C'est comme ce qu'on a vécu lors du référendum. Mais, cela ne va pas nous empêcher de faire face, pour protéger nos partis, pour éviter que les conseillers de l'opposition ne soient corrompus par ce pouvoir qui est aux abois et qui voudrait tailler sur mesure une institution de trop pour caser le maximum de responsables de son camp.
C'est heureux que le Pds soit resté vigilant, mais que les autres partis politiques, y compris certains qui sont aujourd'hui dans la mouvance présidentielle aient décidé d'aller à ces élections. Il y en a d'autres forces qui frappent aux portes de cette grande coalition que nous voulons constituer. Avec l'opposition à travers le Front pour la défense de la République, avec nos alliés comme Bokk Gis Gis, l'Ucs, les consultations se poursuivent. Le Pds a décidé, si c'est possible, d'abord au niveau national puis au niveau local, de s'allier avec toutes les forces qui voudraient arrêter ce régime dangereux qui voudrait organiser un holdup électoral pour installer des hauts conseillers qui n'auront pas peu être la qualité requise afin de porter les projets de décentralisation.
Mais tout sauf l'Apr, sauf si, comme il est constaté un peu partout dans le pays, le parti Apr qui n'est pas encore un parti structuré, va aller dans le désordre à ces élections. Ça, c'est évident. Toutes les forces de progrès au sein de l'Apr qui estiment devoir lutter pour une autre façon de gérer le pays, sont les bienvenus dans le cadre d'une coalition pour faire face à Macky Sall et à ses alliés".
Silence du PDS depuis la libération de Karim : "Le diagnostic est juste"
"Le diagnostic est juste. Mais, cela se comprend. Naguère, le Pds s'est battu autour de la libération de Karim Wade, reléguant à un certain plan l'organisation du parti, la lutte pour la reconquête du pouvoir. Aujourd'hui, nous sommes dans une phase de transition. Il va falloir inventer une autre forme de lutte, de communication, dans le sens de préparer nos alliés, nos militants et nos responsables vers l'organisation d'élections législatives en 2017. Pour l'instant, c'est le seul combat qui vaille.