LE CALVAIRE D’AISSATOU
17 années de mariage, de coups et d’humiliation

« Le mariage est une plus grande affaire qu'on ne peut croire (…) Il y va d'être heureux ou malheureux toute sa vie (…)», a écrit Molière dans sa comédie intitulée l’Avare. Et Aïssatou, une jeune femme, qui vient de souffler sa 40ème bougie, résidant à Thiaroye-Sur-Mer, dans la banlieue dakaroise, ne dira pas le contraire. Elle a vécu le supplice durant ses 17 années de mariage avec un époux qu’elle pensait être « l’homme de sa vie ».
Aïssatou n’a savouré que quelques mois de bonheur. « Tout a commencé au moment où je suis tombée enceinte de notre premier enfant. Au début de notre mariage, je vivais avec sa famille, notamment ses frères et leurs femmes. Un jour, en allant au marché, j’ai surpris la femme de son frère aîné racontant que son mari était fatigué de donner la dépense quotidienne pour toute la famille. Parce que nos maris, le mien, celui de son autre frère, ne donnaient rien. Elle avait même ajouté qu’il avait décidé de quitter la maison pour trouver un autre appartement afin de soulager ses charges. Et les choses se sont passées comme telles, peu de temps après. C’est ainsi qu’a commencé mon calvaire », raconte-t-elle.
Depuis que le frère aîné a quitté la maison, son mari n’a jamais voulu assurer la dépense quotidienne. Ce fut alors le début des bagarres, des injures, au sein du couple. « Il se levait tôt et se rendait au travail sans me laisser un centime. Donc, je devais me débrouiller pour manger. Je venais juste d’accoucher de ma fille aînée et je restais souvent des jours sans manger. J’étais devenue toute maigre, je n’avais même plus de lait pour allaiter la petite», dit-elle les larmes aux yeux. En plus de la faim et la maladie de son enfant, cette dame était obligée de vaincre sa jalousie. Car l’homme amenait sa maîtresse dans leur chambre, tous les week-ends.
« Il m’a donné des coups de poing, je suis tombée avec mon enfant sur le dos »
« A peine un an de mariage, il amenait sa maîtresse à la maison et dans notre chambre. C’était une étudiante, une fille très belle, dépigmentée avec des formes généreuses. Elle venait régulièrement à la maison et parfois, elle venait avec ses amies. Un jour, j’ai interpellé mon mari à ce propos, il m’a sèchement répondu que c’est la fille qu’il avait toujours rêvé d’épouser. Mais que c’est sa mère qui l’a obligé à m’épouser. » Malgré ces violences et se disant que le mariage, c’était pour le meilleur et pour le pire, elle est restée, espérant des lendemains meilleurs. Les années passèrent mais rien ne changea. Ils eurent quatre autres enfants, durant leurs 17 années de mariage.
‘’On s’est marié en 1999 et on a divorcé cette année, en 2016. On n’a jamais eu un moment de bonheur au foyer. Un jour, je venais d’accoucher de notre deuxième fils, il m’a donné des coups de poing à la tête, jusqu’à ce que je tombe avec mon enfant sur le dos. Ce sont les cris de l’enfant qui ont alerté les voisins qui sont venus à notre secours », raconte-t-elle. A ce moment du récit, elle se met à verser des larmes. Mais elle se reprend vite et poursuit. « A son retour du travail, s’il me trouvait dans la cour, seule ou avec mes voisines, il se mettait à m’injurier et m’invitait à venir me battre avec lui. Tant que je n’étais pas blessée, il ne me laissait pas. J’ai eu plusieurs fractures et entorses. » « Le soir dans notre chambre, il lui arrivait de me réveiller au beau milieu de la nuit pour m’insulter. Il me disait : si tu réponds, je te tue. Je t’étrangle », se confesse Aïssatou.
Le combat d’Aïssatou pour obtenir la garde de ses enfants
La dame raconte que son mari ne mangeait jamais à la maison. Il allait au restaurant. Ce n’est pas tout, il avait instruit le boutiquier de ne pas donner de vivres à sa femme. « Même s’il lui arrivait de charger la bonbonne de gaz, et qu’en rentrant à la maison il me voyait cuisiner avec, il soulevait la marmite et démontait le bec. Sans rien dire, j’allais chercher du charbon de bois pour terminer mon repas. Il me disait sans détour : Je vais te faire souffrir jusqu’à ce que tu prennes la décision de partir de la maison. »
‘’Toute histoire a une fin’’, a-t-on coutume de dire. Le mariage d’Aïssatou a pris fin en mai 2016, lorsqu’après quatre plaintes auprès de la gendarmerie, les deux conjoints se sont rendus au tribunal où le divorce a été prononcé. Aujourd’hui, son seul combat est de récupérer ses enfants qui, selon elle, vivent dans de mauvaises conditions avec leur père qui a obtenu la garde légale.