CAMARA DE SYNERGIES AFRIQUE, C’EST UN MENTEUR QU’ON DEMENT, C’EST UN POLTRON QU’ON MENACE
Du temps du président-politicien, le Sénégal était le pays de tous les possibles. En tout cas j’espère et souhaite de tout cœur, que cette affaire de constructions de classes à la place des abris provisoires et de curage des canaux soit auditée
Suite à une vidéo où je posais simplement une question et où j’évoquais quelques bruits qui couraient et le concernant, Khalifa Camara de « Synergies Afrique » a envoyé un texte de « démenti » à quelques journaux ou sites (je ne sais plus) qui se sont empressés de le publier à leur « Une », parfois avec ma photo. La question est celle-ci : « M. Camara, où en êtes-vous avec les abris provisoires ? » Les enseignants, comme les parents d’élèves et les autorités, parlent des abris provisoires depuis des années, des abris dont le nombre avancé çà et là reste toujours 6.000. M. Camara a gagné un premier lot important à la suite d’un appel d’offres ou de ce qu’on peut appeler comme tel, puis un quatrième qu’il a lui-même reconnu dans son texte – j’y reviendrai d’ailleurs.
Dans la vidéo, je demandais à mes compatriotes d’aller à Google pour s’en faire une idée. En tout cas moi, c’est ce que j’ai fait et me suis d’abord intéressé à un important financement de la BOAD, financement de deux projets au Sénégal pour plus de 64 millions d’euros. L’un des projets portait sur les abris provisoires et l’autre sur l’assainissement. Je recommande encore à mes compatriotes d’aller à Google pour lire le texte sur ce financement si, entre-temps, il n’est pas effacé. Je le précise parce que je me suis rendu compte qu’on a tenté effectivement d’effacer certains textes. Après le titre qui annonce le financement, on tombe sur un autre, plus gros, celui-ci : « EDUCATION: ZÉRO ABRI PROVISOIRE, KHALIFA CAMARA (SYNERGIES AFRIQUE) S’ENGAGE AVEC LE PRÉSIDENT SALL ».
Et voici le texte annoncé : « Le problème des abris provisoires sera bientôt un mauvais souvenir. En effet, le patron de Synergies Afrique Khalifa Babacar Camara s’est engagé aux cotés du Président Macky Sall pour l’éradication définitive des abris provisoires. Dans le programme de construction de 6369 salles de classe, Synergies Afrique est attributaire du lot 1 qui comprend 1850 salles et 730 blocs administratifs. Ainsi, le Directeur de ladite structure, Khalifa Babacar Camara se dit très fier de pourvoir employer vingt mille personnes dans ce projet. Cependant, le ministre de l’éducation nationale Serigne Mbaye Thiam a salué l’engagement de Khalifa Babacar Camara et son patriotisme. »
L’heureux gagnant avait à ses côtés le président-politicien et Serigne Mbaye Thiam, alors Ministre de l’Éducation nationale. Ils se retrouveront plus tard quand Serigne Mbaye Thiam était Ministre de l’Eau et de l’Assainissement. Avant de revenir sur ce lot 1, je rappelle aussi que j’avais aussi fait état d’une lourde condamnation dont il a été l’objet. Voici le titre qui annonce la condamnation :
Urgent / La société Synergies Afrique de Khalifa Camara, lourdement condamnée par le tribunal du commerce hors classe de Dakar à payer à la société CCE SARL de Yaram Mbergane la somme de 355.852.908 FCFA.
Et voici le texte : « Statuant sur l’affaire qui oppose CCE SARL de Yaram Mbergane et Synergies Afrique de Khalifa Camara, le Tribunal du Commerce hors classe de Dakar a tranché en faveur de CCE SARL. Ainsi, le Tribunal a condamne la société Synergies Afrique à payer à la société CCE SARL, la somme de 355.852.908 FCfa à titre de paiement du prix des travaux effectués et du coût des matériaux en stock, outre les intérêts de droit à compter de la date de la mise en demeure du 14 mai 2019. Ce litige s’inscrit dans le cadre des marchés des abris provisoires du ministère de l’Education. Nous y reviendrons. »
Ce texte est de Leral net du vendredi 4 mars 2022. On peut le lire à Google. Je n’ai donc rien inventé. Dans son communiqué de presse à un quotidien, il affirme, au contraire, que c’est son entreprise qui a été plutôt payée. Pourquoi ne l’a-t-il pas précisé plutôt, en démentant Leral net dont le texte qui affirmait sa condamnation était pratiquement accessible à tous. Pour ce qui me concerne, je n’ai rien affirmé.
Pour revenir au lot 1 qu’il a gagné, je me suis seulement demandé où il en était avec les 1850 salles de classe et les 750 blocs administratifs qu’il devait construire, des salles de classe ( et leurs équipements) et les 20.000 emplois qu’il devait créer. Je n’ai dit nulle part dit qu’il les a créés ou non, ni qu’il a construit ou non les salles de classes et les blocs administratifs. C’est un audit qui devra nous permettre d’en avoir le cœur net. Et, pour cet audit, j’interpelle ici le Président de la République et le Premier ministre, si toutefois, il ne faisait pas partie de ceux déjà enclenchés. Entre-temps, il nous apprend, dans son texte de « démenti », que le mardi 25 mai 2017, son entreprise a déposé une offre technique et financière aux lots 1 et 4. Nous y reviendrons.
Dans la vidéo, je n’ai pas reconnu l’appel d’offres au terme duquel il a gagné le lot 1, encore moins le lot 4, s’il l’a gagné, et tout indique qu’il l’a gagné. Je connais quand même la valeur des appels d’offres du temps du président-politicien. Le soumissionnaire gagnant était en général connu d’avance avant même que l’appel ne fût lancé, surtout s’il était restreint comme celui qui a fait gagner à M. Camara les deux lots, s’il a gagné le quatrième. Il y a eu quand même des gens qui ont accédé au procès-verbal de dépouillement de l’appel d’offres qui lui a permis de gagner le lot 1, au grand désarroi des autres soumissionnaires qui seraient de loin moins disants que lui. Qui l’étaient même, affirme formellement l’un d’eux. Malgré tout, on lui aurait trouvé des qualités que n’auraient pas les autres pour lui attribuer le marché.
Le lot 4 dont il fait état dans son communiqué de presse pose encore plus problème. Par prudence, j’ai évité d’affirmer qu’il l’a gagné même si tout indique que c’est les cas. Dans son « démenti » à Grand Place du 14 octobre 2024, on lit ceci : « L’entreprise spécialisée dans les Btp a fait l’objet d’accusations relatives à la construction et l’équipement des lots 1 et 4 du Programme de remplacement des abris provisoires au Sénégal. » D’abord, je n’ai jamais fait état du lot 4, parce que je ne savais pas qu’il faisait partie de son gain. Donc, on peut considérer d’ores et déjà qu’il en fait bien partie.
Or, il n’avait même pas le droit de soumissionner à ce lot, les dispositions du cahier de charges qui organise l’appel d’offres le lui interdisant formellement. On y lit notamment, en NB bien en relief : « Aucun candidat ne peut être attributaire de plus d’un lot. L’attribution des lots sera faite suivant la combinaison la plus avantageuse pour l’autorité contractante. » Je renvoie le compatriote qui veut en avoir le cœur net au Dossier Appel d’Offres restreint N° 001/DCS/MEN/2017. Je ne me suis pas contenté de lire ce document. J’ai demandé à des compatriotes qui étaient intéressés de près par le dossier et ils m’ont confirmé que les dispositions du cahier de charges ne lui permettaient point d’être soumissionnaire. Non seulement il l’a été, mais son offre était encore la plus chère, m’ont précisé les mêmes personnes. Donc, la Direction des Constructions scolaires ne devait pas lui permettre de soumissionner.
Dans la vidéo, j’ai fait aussi état de bruits qui courent et, en particulier, qui concernent un luxueux véhicule de 80 millions qu’il aurait attribué à M. Cheikh Dieng, alors Directeur général de l’ONAS. Pourquoi cette générosité si l’information est avérée, et probablement elle l’est ? A-t-il été aussi généreux avec le ministre Serigne Mbaye Thiam, le ou les directeurs des constructions scolaires qui se sont succédé au MEN et, peut-être même, avec Mamour Diallo, le prédécesseur de Cheikh Dieng ? La question mérite d’être posée. D’autres bruits courent, notamment à propos d’un certain marché de curage de nos canaux, avec des dizaines, voire des centaines de milliers de tonnes de boue dégagées desdits canaux et qui seraient chèrement payées. Comment peut-on calculer de telles quantités de boue et avec quoi ? Cette question aussi mérite d’être posée, et je la pose. Je serais même tenté de me poser la question de savoir si c’est vraiment exact qu’un directeur des constructions scolaires à la retraite serait recruté et travaillerait pour une entreprise qui lui était jadis familière. Du temps du président-politicien, le Sénégal était le pays de tous les possibles. En tout cas j’espère et souhaite de tout cœur, que cette affaire de constructions de classes à la place des abris provisoires et de curage des canaux soit profondément auditée.
Donc, de tout ce qui précède, je n’ai jamais été formellement accusateur contre ce M. Camara. J’ai lu des textes, interrogé des gens qui en savaient plus que moi et me suis posé des questions. Oui, des questions, beaucoup de questions. Comme m’y encouragent les conventions des Nations Unies, de l’Union africaine et le Protocole de la CEDEAO contre la corruption, ainsi que le Code de Transparence de l’UEMOA, qui a donné chez nous la loi portant Code de Transparence dans la gestion des Finances publiques (du 27 décembre 2012), sans compter la Constitution qui reconnaît à chaque citoyen, à chaque citoyenne, le droit à l’information, surtout quand elle est relative à nos maigres deniers et autres ressources.
Pour terminer, M. Camara et ses « journalistes » me menacent d’une plainte. Pour leur faciliter la tâche, j’assume tout ce que j’ai dit dans la vidéo et écrit ici. J’attends avec impatience qu’ils me fassent parvenir la plainte. Ce n’est pas d’ailleurs la première fois qu’on me menace de plaintes ridicules.
Dakar, le 18 octobre 2024
Mody NIANG