CHARTE D’ENGAGEMENTS : LE PATRONAT MET LA CHARRUE AVANT LES BŒUFS
La campagne électorale semble le moment rêvé pour plusieurs acteurs socio-politiques de se positionner en interpellant les candidats sur des engagements sur des points précis. - «Sursaut Citoyen» est un des groupes les plus dynamiques sur la question,
La campagne électorale semble le moment rêvé pour plusieurs acteurs socio-politiques de se positionner en interpellant les candidats sur des engagements sur des points précis. On a vu l’un des groupes les plus dynamiques sur la question, «Sursaut Citoyen», demander aux candidats à la Présidentielle de signer leur Pacte de bonne gouvernance démocratique pour une refondation des institutions. Il encourage instamment tous les candidats à signer ledit document. Cela n’est pas quelque chose de nouveau. On peut relever que depuis la Présidentielle de février 2007, les acteurs socio-politiques qui s’étaient retrouvés dans les Assises nationales, encouragent régulièrement les politiciens à s’engager à mettre en œuvre les conclusions desdites assises.
On se rappelle qu’entre les deux tours, en 2012, Macky Sall était allé signer les fameuses conclusions. Une fois au pouvoir, il avait fait valoir qu’il avait apposé sa signature «avec réserve». Cela l’avait poussé à mettre en place une Commission nationale de réforme des institutions (Cnri), qu’il avait fait présider par un monument national, Ahmadou Makhtar Mbow, pour lui donner plus de crédibilité. Une fois le travail de la commission achevé et les conclusions en sa possession, le Président avait déclaré qu’il allait y prendre ce qu’il jugeait bon. A voir ce qu’il en est advenu, on peut imaginer qu’une fois la délégation de la Cnri sortie du Palais, Macky Sall s’est dépêché de mettre leur document à la poubelle.
On exagère à peine.
Mais il faut noter que les Sénégalais ont de la suite dans les idées. La fraîcheur de l’accueil des autorités sénégalaises n’a jamais refroidi les ardeurs des militants de ce que l’on peut appeler «la Gauche sénégalaise», ainsi que de certains groupes d’activistes, de voir adoptées les décisions issues des Assises nationales ? Pour beaucoup, c’est même devenu un leitmotiv. Au point qu’ils en viennent à faire penser à Caton l’Ancien, avec son fameux «Delenda Carthago»…
Et puisqu’il faut actualiser les choses, les conclusions des Assises ayant besoin d’être mises à jour, d’autres mouvements viennent parfois ajouter d’autres revendications. On a vu ainsi un collectif dénommé And Samm jikko yi, association pour la préservation des valeurs, qui a souvent occupé le terrain politique à l’occasion des élections locales et législatives de l’année dernière, pour amener les différents partis et coalitions politiques à s’engager, une fois élus, à voter une loi criminalisant l’homosexualité. Face au refus de la coalition au pouvoir de s’engager sur cette voie, les dirigeants de la structure n’ont pas hésité à donner un mot d’ordre de vote pour faire battre les candidats soutenus par le pouvoir de Benno.
Cette fois-ci, on n’a pas encore entendu pareille prise de position, mais il reste encore des jours. Car les «activistes» ne lâchent rien encore. La mode aux engagements est telle que même les acteurs économiques s’y sont mis. On voit circuler depuis bientôt 3 jours, une «Charte des priorités & d’engagements pour le secteur privé national» qui serait signée par la Chambre de commerce de Dakar (Cciad), le Cnp, le Mdes, l’Unacois Jappo, l’Unacois Yessal, le Ges, la Cdes, la Cnes et le Cis. Bref, par toutes les structures représentatives des chefs d’entreprises du Sénégal, même ceux dont l’entreprise tient à leur attaché-case.
Dans le préambule de leur texte, ces organisations (réaffirment que) «le Sénégal ne peut se construire sans son secteur privé national, et soutenons qu’aucun pays ne peut apporter des réponses durables à l’amélioration des conditions de vie de sa population et à la création d’emplois durables, sans ses énergies nationales productrices de richesses». De ce fait, elles disent que «l’Etat-Stratège que nous voulons est celui qui considère que ses relations avec son secteur privé national sont bâties sur la confiance, l’engagement, la solidarité, la transparence et le respect mutuel».
A partir de ces considérations, ces organisations demandent à «celles et ceux qui sollicitent les suffrages des Sénégalais», de signer la Charte d’engagements présidentiels.
Ce document contient 30 engagements qui portent aussi bien sur la gouvernance politique que sur l’organisation de l’économie. Aux côtés des questions portant sur l’environnement économique, on trouve des points relatifs au contenu local, à l’emploi, la formation, le financement des entreprises, la fiscalité et la Douane, les marchés publics, le foncier et bien d’autres encore. Sur tous ces différents points, ce patronat national souhaite un engagement des aspirants dirigeants du pays, qu’il encourage à signer à la Chambre de commerce de Dakar, sur la Place de l’indépendance.
Il faut noter que ce document n’indique pas si ces membres du patronat dont on connaît la proximité de certains avec des candidats présidentiables, n’indiquent pas s’ils ont pris langue avec certains de ces candidats, et encore moins s’ils ont eu à lire leurs programmes économiques. Si cette démarche élémentaire n’a pas été accomplie, comment pensent-ils pouvoir convaincre des politiciens à adhérer à leur charte, et espérer que ces derniers ne viennent pas à changer d’avis une fois qu’ils n’auront plus besoin de leurs suffrages ? Les expériences de Macky Sall auraient dû les édifier et les rendre plus circonspects. La méthode la plus raisonnable n’aurait-elle pas dû être, depuis bien longtemps -et pas seulement à la veille de l’élection- de prendre langue avec les différentes chapelles politiques, et interroger les leaders sur leurs visions par rapport à des points précis, au lieu de vouloir leur «vendre» un cahier des charges dont on ne sait pas s’ils pourraient le remplir ?
Assez inattendu de la part de personnes dont le premier point des préoccupations porte sur le moyen de «consolider le dialogue public/privé, apprécier l’impact de la politique économique et budgétaire, ainsi que des politiques sectorielles sur l’économie nationale».