COMME LETTRES À LA POSTE
Pourquoi les salaires des fonctionnaires ne passeraient-ils pas par La Poste ? Et la Der/fj, qui se vante d’avoir pu bancariser plus de 100 mille personnes, pourquoi ne ferait-elle pas passer ses crédits à travers des comptes ouverts à La Poste ?

Pourquoi les salaires des fonctionnaires ne passeraient-ils pas par La Poste ? Et la Délégation à l’entreprenariat rapide des jeunes et des femmes (Der/fj), qui se vante d’avoir pu bancariser plus de 100 mille personnes, pourquoi ne ferait-elle pas passer ses crédits à travers des comptes ouverts à La Poste ?
Cette institution qui, depuis au moins deux décennies, est présentée comme à l’article de la mort, pourrait être facilement remise sur pied si la volonté politique ne faisait pas défaut.
Il est vrai qu’en cette période de «relance économique par le licenciement de plusieurs ressources humaines», tel qu’il est pratiqué par les pouvoirs publics, les autorités sénégalaises ne seraient pas choquées de voir La Poste fermer définitivement ses portes. Ce serait, semble-t-il, juste un clou de plus que l’on ajouterait au cercueil des échecs du Pse si cher à Macky. Dès lors, tant pis si la faillite de La Poste devait emporter avec elle près de 5000 responsables de familles qui vont se retrouver au chômage. Par ailleurs, les partenaires financiers, en tête le Fonds monétaire international (Fmi), seraient ainsi finalement convaincus de la volonté du duo au pouvoir, Sonko et Diomaye, de conclure vraiment un nouvel accord de coopération avec eux. En cette période où se murmure l’idée d’une relance des Programmes d’ajustement structurel (Pas), l’Etat pourrait de cette manière faire des économies substantielles dans la réduction de son déficit.
La gestion de La Poste se caractérise aujourd’hui par un déficit de plus de 150 milliards de francs Cfa, du fait des créances dues à l’Etat et d’une activité à la rentabilité plus que douteuse. Surtout, l’Etat, depuis plus d’une vingtaine d’années, a régulièrement placé à la tête de la structure, des politiciens plus soucieux de caser leur clientèle politique que de songer à redresser la boîte. La conséquence en est une masse salariale qui contribue à mettre encore plus en péril les finances de la boîte qui, du fait d’un modèle de gestion peu ouvert aux nouvelles technologies, se laisse régulièrement tailler des croupières par la concurrence.
Le secteur du courrier postal, du fait d’un manque de vision et d’une inadaptation aux échanges modernes, a été mis à l’article de la mort par les modes de correspondance électroniques. Or, ceux qui prêchaient sa mort prochaine ne lésinent pas à s’émerveiller de la qualité des services postaux en France et aux Etats-Unis, par exemple. En France, il est encore possible d’envoyer un courrier papier par La Poste et être sûr que son correspondant le recevra dans les 48 heures qui suivent. Dans le pays de Trump, les services postaux sont un élément fondamental dans l’organisation des élections, et souvent au centre des enjeux électoraux, ce qui fait qu’ils sont surveillés de près par tous les politiciens. Le maillage de La Poste, avec près de 5000 agences fonctionnelles à travers le pays, a, des années durant, offert une qualité de service aussi appréciée. Si les échanges électroniques comme les emails, ou WhatsApp, Instagram et autres, ont pu réduire l’offre de services, ils ne l’ont pas tuée pour autant, et il n’y a pas de raison d’achever une activité moribonde dont l’importance ne peut se démentir. Ainsi, pourquoi a-til fallu arrêter les livraisons du courrier à domicile dans certains quartiers ? Les préposés au courrier, de La Poste, étaient parmi les personnes les mieux informées de la configuration de certains quartiers, étant en mesure de livrer du courrier jusque dans les endroits les plus invraisemblables. Pour des questions d’économie, ces services ont été arrêtés. La Poste a voulu compenser en encourageant les usagers à louer des boîtes postales, mais elle n’a pas été en mesure de fournir la quantité de boîtes nécessaires, et surtout à des prix incitatifs. Un ménage qui reçoit du courrier de manière épisodique ne ressent pas le besoin de payer en moyenne 25 000 Cfa par an pour acquérir une boîte postale. L’une des meilleures manières de faire marcher le courrier postal aurait été, pour tous les services publics, d’utiliser La Poste dans ses correspondances et d’encourager les citoyens à en faire de même, sans que cela ne leur coûte plus d’argent. Ainsi, il n’a pas été politiquement rentable d’arrêter la vente des timbres fiscaux par La Poste. Ce service, fortement sollicité, est l’un de ceux qui pourraient aider au renflouement de La Poste. Et il n’est pas le seul.
PosteFinances, l’un des secteurs les plus dynamiques, créé à la suite de la séparation du service des Postes d’avec la téléphonie, qui venait d’être vendue aux Français de France Télécom, qui en ont fait la Sonatel, avait bien innové et s’est adapté en mettant en place les comptes épargnes, les services des chèques postaux ou le transfert télégraphique. Mais tous ces services ont périclité en même temps que le courrier postal, parfois même plus vite, malgré leur caractère rentable.
On peut accuser la concurrence du transfert d’argent par mobile money, ainsi que d’autres causes. Il n’en reste pas moins qu’il est incompréhensible que le compte épargne postal, qui était rémunéré à 4% l’an, l’un des taux les plus élevés de la place financière, ait perdu son attractivité. S’il est vrai que La Poste n’en a pas fait autre chose qu’une tirelire dormante dont le titulaire ne pouvait se servir pour lever un crédit auprès de La Poste, ses gestionnaires ne se privaient pas eux de puiser dans les comptes clients pour régler leurs problèmes personnels. Or, ce compte épargne de La Poste était surtout le refuge de petits épargnants, pour lesquels un sou compte énormément. Désemparées, la plupart de ces personnes ont vu leur épargne fondre comme neige au soleil, et n’ont trouvé de consolation nulle part, sinon dans les formes traditionnelles de tontine, pour une bonne part d’entre elles. Si certaines souhaitent que La Poste soit remise à flot, c’est plus dans l’espoir de recouvrer leurs créances gelées que pour autre chose.
Pourtant, même pour l’économie du pays, cette remise à flot n’est pas une illusion. Pour répondre à la question qui a ouvert cet article, l’intérêt d’imposer la domiciliation du salaire de tous les fonctionnaires du pays par La Poste permettrait de gonfler le capital de la structure, sans que l’Etat n’ait à y mettre un seul sou et même éponger les créances dues aux pouvoirs publics. Bien sûr, avec l’appui de la Banque centrale, l’Etat pourrait se porter garant du respect des règles prudentielles et veiller à ne pas voir une mauvaise utilisation des finances des clients. De plus, on ne pourrait invoquer la concurrence déloyale, chaque fonctionnaire ayant la possibilité de conserver son compte bancaire personnel dans la banque de son choix.
Mais imaginer juste ce que ce système représenterait comme économie de temps et de ressources, pour tous ces enseignants affectés loin de chez eux et qui se déplacent souvent de leur lieu de service pour percevoir leur salaire. Le bureau de poste de leur localité, ou même le plus proche, leur épargnerait le tracas.
Les bénéficiaires des Bourses de sécurité familiale également, au lieu de passer par des services d’opérateurs privés de téléphones ou des Fintechs, retrouveraient, comme à leurs débuts, les guichets de La Poste pour percevoir leur pécule, s’épargnant là aussi bien des tracas. Et évitant à l’Etat des débats sur d’éventuels détournements de ces fonds. De plusieurs angles que l’on essaie d’appréhender la question, la remise sur pied de La Poste n’est qu’une question de volonté, qui ne pourrait qu’être bénéfique au pays et aux pouvoirs publics. De plus, avec plus de 100 mille clients bancarisés et ayant ouvert des comptes dans ses caisses, La Poste deviendrait un partenaire financier important pour l’Etat, dans sa recherche de ressources pour le développement du pays. En plus de la Bnde ou de la Lba, La Poste ainsi redynamisée pourrait participer à la campagne agricole, ou même à des levées de fonds, du type bons du Trésor, au plus grand soulagement des services du Trésor.
Bien sûr, il y a des préalables à lever, concernant surtout et essentiellement la gestion d’un personnel pléthorique, et qui devrait être ramené à des proportions supportables. Plusieurs moyens existent pour résoudre cette question. On peut être convaincus que pour un pouvoir qui ne se gêne pas de licencier à tour de bras des travailleurs ou pousser des entreprises florissantes à la limite du dépôt de bilan, cela ne devrait pas être difficile à régler.