LA PROIE POUR L’OMBRE
Le 4 avril, Diomaye n’était pas là pour faire acte de contrition devant son maigre bilan après un an. Il est assez extraordinaire de voir un dirigeant passer plus d’une année à se vanter de l’état de déliquescence du pays dont il a tant voulu la gestion

Le 4 avril dernier, le président Bassirou Diomaye Faye n’était pas devant la presse pour faire acte de contrition devant le maigre bilan de son parcours d’une année ; loin de là. Au lieu de se désoler des emplois détruits quasiment dès son arrivée au pouvoir, conséquence de la politique menée par son gouvernement, de tenter de rassurer face à la quasifaillite du pays, il a quasiment cherché à enfoncer le clou, en déclarant aux journalistes, en wolof : «Vous avez voté pour le changement, et il là devant vous, et il sera encore plus amer.» Sans aucune donnée, il a voulu justifier les licenciements massifs opérés dans certains services, comme étant le fruit de recensements, qui auraient révélé de nombreux emplois fictifs, souvent faits à quelques jours du changement de régime.
Les entreprises qui ferment suite à des décisions controversées d’arrêt des chantiers ? C’est pour lui, la fin d’une gestion clientéliste de la part de dirigeants qui comptaient sur leur proximité avec les autorités de l’Apr déchues. Le même reproche a été adressé, à quelques nuances près, aux patrons des médias privés qui, par la voix de la journaliste Maïmouna Ndour Faye, ont fini par transmettre au chef de l’Etat leurs complaintes sur la condamnation à mort en sursis de leur secteur. Bassirou Diomaye, comme à son habitude, estime que les ennuis de la presse viennent de ce que les dirigeants d’entreprise, qu’il accuse de détournement de deniers publics, se sont longtemps arrangés avec les anciens dirigeants, qui leur accordaient des faveurs indues, notamment en remises d’impôts, qui ont atteint des «milliards de francs», selon ses dires. Les conventions signées par ces organes de presse avec certains services de l’Etat, n’étaient à ses yeux, pas justifiées, donc, faciles à annuler malgré les conséquences, aux yeux de l’inspecteur des Impôts de formation.
Il est assez extraordinaire de voir un dirigeant au pouvoir passer plus d’une année à se vanter de l’état de déliquescence du pays dont il a tant voulu la gestion. Un observateur des politiques publiques africaines notait dernièrement que, même dans des pays dont la situation économique est à la limite catastrophique, les dirigeants n’ont jamais passé le temps à se plaindre des turpitudes de leurs prédécesseurs, et cherchaient au contraire, à transmettre un message positif de redressement à plus ou moins brève échéance. Des exemples ne manquent pas, dans notre plus proche voisinage, comme aussi bien dans des pays africains bien éprouvés.
De leur côté, Diomaye et ses amis ont préféré s’atteler à la destruction du tissu économique existant, comme s’ils pensaient remplacer le Peuple sénégalais par un nouveau prototype tiré des bureaux du cabinet de Victor Ndiaye. Le président sait pourtant que l’on ne peut développer un peuple et sa jeunesse en bridant l’initiative privée. Madiambal Diagne vient de commettre un nouvel ouvrage sur le parcours politique de Abdoulaye Wade. La cérémonie de dédicace a été une belle occasion pour des proches et anciens collaborateurs du patriarche de se retrouver et de se rappeler ses œuvres. Beaucoup de Sénégalais pourront se remémorer de ce que le «Gorgui» se vantait d’avoir créé des milliardaires dans ce pays. Est-ce à dire, comme le penseraient sans doute nos dirigeants fiscalistes, que le «Vieux» puisait dans la caisse pour servir une coterie ? Que Nenni ! Wade se contentait juste de créer l’environnement propice à des entrepreneurs de mettre leurs billes là où elles pouvaient leur rapporter gros. Et si ces entrepreneurs se trouvaient être de ses proches, cela ne voulait pas nécessairement dire que ceux qui ne l’étaient pas n’avaient pas des chances de trouver leur place au soleil. Gageons que bien de ceux qui sont stigmatisés actuellement, ont été dans les mêmes conditions auprès de Macky Sall. Et l’on peut aisément parier que dans quelques mois, on parlera de «riches du Projet», qui auront pu se faire leur beurre autour de la table des projets générés par la «Vision 2050». Contrairement à ce que pourraient penser des esprits naïfs, on n’a pas encore pu trouver le moyen de passer des marchés publics à milliards que des miettes tombent de la table pour se glisser dans des poches particulièrement bien positionnées. Ceci n’est pas une justification ni un encouragement à la corruption, c’est juste un constat. D’ailleurs, que l’on ne s’y trompe pas, c’est dans les pays les plus riches que le phénomène est le plus développé. Tout ce qu’il faudrait alors souhaiter, c’est que ces futurs «entrepreneurs du Projet» fassent mieux ruisseler les excès de leur richesse jusqu’au bas de l’échelle.
Et puisqu’au Sénégal, quand l’Agriculture va, tout va, Mabouba Diagne et son collègue Cheikh Tidiane Dièye auront bientôt enfin, l’occasion de présenter aux Sénégalais la mesure de leurs capacités de bien gérer une campagne agricole bien productive, et dont les paysans profiteront plus que les spéculateurs. Pour que les Sénégalais ne regrettent plus trop longtemps d’avoir lâché la proie Macky pour l’ombre Sonko moy Diomaye.