L’AFRIQUE, LE PARADOXE DU RICHE PAUVRE
Les conflits en Afrique nous rappellent toujours la vulnérabilité de nos États et le sort peu enviable de millions d’Africains victimes collatérales des convoitises autour des ressources naturelles. Le dernier en date, c’est la guerre au Kivu en Rdc

Les conflits en Afrique nous rappellent toujours la vulnérabilité de nos États et le sort peu enviable de millions d’Africains victimes collatérales des convoitises autour des ressources naturelles. Le dernier en date, c’est la guerre au Kivu en République démocratique du Congo (Rdc).
Certainement et paradoxalement, les milliers de déplacés des guerres, les victimes d’exactions de toutes sortes auraient souhaité que leurs sous-sols soient aussi stériles que le Sahara. Outre le drame humanitaire qu’ils engendrent, les conflits armés ont coûté à l’Afrique, de 1990 à 2005, la somme de 284 milliards de dollars, soit l’équivalent de l’aide financière reçue durant cette période (rapport de trois Ong dont Oxfam intitulé « Les milliards manquants de l’Afrique… », 2007). Le contraste entre cette opulence en ressources et la pauvreté ambiante alimente les thèses selon lesquelles le continent serait maudit.
Selon la Banque africaine de développement (Bad), les ressources naturelles du continent sont évaluées à 6500 milliards de dollars, 65 % des terres arables non cultivées de la planète, une population jeune et dynamique. Selon le cabinet d’études McKinsey Global Institute, elle abrite 10% des réserves mondiales de pétrole, 40% d’or, 80% du chrome et 90% du groupe des métaux du platine… Donc « l’Afrique n’a aucune excuse d’être pauvre », concluait le président de la Bad, Akinwumi Adesina. Même si des progrès ont été notés des indépendances à nos jours, avec des millions d’individus sortis de la pauvreté et des taux de croissance à l’inclusivité relative (0,246 selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique), force est de reconnaître qu’elle a accusé du retard, comparé à son potentiel.
À l’aube des indépendances, les puissances colonisatrices voyaient d’un mauvais œil les aspirations à la souveraineté internationale, synonyme de perte de l’accès aux ressources naturelles et aux débouchés pour écouler leur production. Et ceci explique l’importance géostratégique de l’Afrique, où il fallait pré-positionner des troupes pour mieux contrôler nos pays et leurs dirigeants, et par ricochet leurs richesses. Ceci au détriment des populations engluées dans la pauvreté. Mais sur le banc des accusés, on ne saurait convoquer seulement les Occidentaux. Les élites politico-intellectuelles, notamment les premiers dirigeants, ont engagé leur responsabilité en perpétuant, en quelque sorte, le pacte colonial dans la gestion des affaires.
La trahison des élites est illustrée par la corruption, les détournements, le bradage des ressources, le tribalisme, les guerres qui accentuent la paupérisation de la population. À l’avènement des indépendances, l’Afrique, au lieu de tracer et de suivre sa propre voie, est restée dans le modèle occidental. Avec la suprématie des institutions financières internationales (Fmi et Banque mondiale) créées par et pour ce même Occident, plus préoccupé à conserver sa prédominance, le continent a mal négocié son intégration à l’économie mondiale. Il a confié son sort aux autres à travers les Programmes d’ajustement structurel, l’endettement à outrance, la forte dépendance à l’aide publique au développement, etc.
Au lieu de procéder à la transformation de ses matières premières pour générer davantage de richesses et d’emplois. Cette fragilité de nos économies et l’inefficacité de nos politiques sociales expliquent les cris d’orfraie depuis que le président américain Donald Trump a gelé l’aide de son pays pour 90 jours. Le même schéma de dépendance a été, plus ou moins, reconduit dans les politiques de diversification des partenaires avec l’arrivée des pays dits émergents. Un article du chercheur Yves Alexandre Chouala, intitulé « L’Afrique dans le nouveau partenariat international : enjeux de civilisation et de puissance », campe bien le débat.
« Le discours idéologico-politique de la « Renaissance » nourrit en toile de fond le principe tout aussi éminemment politique de la responsabilité de l’Afrique face à elle-même et face au monde : « (…) le développement est un processus de responsabilisation et d’autosuffisance […]. Nous déterminerons notre propre destinée et nous ferons appel au reste du monde pour compléter nos efforts », dit-il. Une posture proactive est attendue pour tirer profit du contexte de compétition entre pays occidentaux et émergents, qui se joue sur le continent.