LE DIALOGUE POLITIQUE DOIT ÊTRE L’AFFAIRE DU PEUPLE !
Il ne faut pas commettre l’erreur de croire que les mécanismes de dévolution du pouvoir, les grands enjeux socio-économiques, de même que la définition des politiques publiques, ne concernent que la seule classe politique
Il est difficile de ne pas voir dans l’appel pressant du président Sall au dialogue politique, au lendemain de la dernière présidentielle, avant même la proclamation officielle des résultats définitifs, un malaise profond symptomatique d’une crise politique en gestation.
Un septennat despotique
La compétition impitoyable, qui a caractérisé les relations entre acteurs politiques, lors du premier septennat et qui s’est conclue par un hold-up électoral rondement ficelé, est à mettre sur le compte du leadership autoritaire, dont le premier magistrat de la Nation a jusque-là fait montre.
C’est dire, qu’au-delà de victoires électorales souvent artificielles et préfabriquées, notre pays traîne un déficit incommensurable de dialogue et a toujours été géré de manière cavalière par les différentes équipes, qui se sont succédé au pouvoir, depuis notre indépendance formelle en 1960.
La fameuse recette senghorienne d’absorption – fusion de partis adverses, ayant abouti au Parti-État unifié, continue de prospérer. Sous des apparences trompeuses de pluralisme et de diversité, on promeut l’unanimisme par le biais de la transhumance, un vocable désignant un mécanisme pervers de recyclage de politiciens sanctionnés par le suffrage populaire.
De fait, la vie politique de notre pays a toujours été dominée, depuis plus de 60 ans, par les mêmes acteurs politiques issus des mêmes grandes familles traditionnelles. Le mode de gouvernance, est resté, lui aussi, le même (mis à part la courte parenthèse “diaiste”), caractérisé par un hyper-présidentialisme suranné, qui aurait pu être dépassé grâce aux conclusions des Assises Nationales, dont Benno Bokk Yakaar n’a finalement pas voulu.
La nécessité du dialogue est renforcée par le contexte politique. Ce dernier est marqué par la découverte, ces dernières années, de gisements pétroliers et gaziers dans notre pays, qui a fait apparaître de nouveaux défis liés à la convoitise de certains majors pétroliers sur nos nouvelles ressources.
Le quinquennat de la dernière chance
Les cinq prochaines années verront le début de l’exploitation de nos nouvelles ressources minérales, sur lesquelles notre peuple fonde beaucoup d’espoirs, tout en étant conscient des dangers liés à la malédiction du pétrole.
C’est dire, que ce deuxième mandat, quoique usurpé et illégitime, devrait donner lieu, sous peine de convulsions politiques incontrôlées, à un apaisement sur la base d’un consensus national accepté par les différents segments de notre société.
Quoiqu’on puisse dire, les partis politiques, dont la fonction essentielle est la conquête du pouvoir, occupent une place centrale dans le dialogue politique à édifier. Il ne faut cependant pas commettre l’erreur de croire que les mécanismes de dévolution du pouvoir, les grands enjeux socio-économiques, de même que la définition des politiques publiques, ne concernent que la seule classe politique.
La société civile doit avoir son mot à dire, elle qui d’ailleurs, facilite souvent la mise en place des mécanismes de dialogue. Mais il faudra aller au-delà de l’élite, qui s’apparente souvent à une nomenklatura constituée d’experts de l’humanitaire, des droits humains, de l’intermédiation sociale, de la médiation politique et du processus électoral...
Il faudra, en effet, s’ouvrir aux différentes composantes de la Nation (religieux, patronat, travailleurs urbains et ruraux, ainsi que d’autres mouvements populaires), abstraction faite de leurs positions parfois ambiguës ou leur soutien tacite du pouvoir apériste.
Le fait de tenir le dialogue politique en dehors du Parlement est révélateur - au-delà de de la crise universelle de la démocratie représentative - du déficit de représentativité et de légitimité de cette Institution, souvent à la remorque de l’Exécutif. Ces insuffisances se trouvent accentuées dans notre pays, par un mode de scrutin inéquitable, à dominante majoritaire, favorable aux grands partis et particulièrement au parti au pouvoir, qui jusque-là tend malheureusement à se confondre avec l’État central.
Le dialogue est un combat
La suppression unilatérale par le président de la république du poste de Premier ministre, à la veille du dialogue politique, qui renforce son pouvoir déjà colossal et réduit drastiquement les possibilités de contrôle de l’Exécutif, est révélateur de son état d’esprit.
Il ne s’agit, pour lui, que de jeter de la poudre aux yeux de l’opinion nationale et internationale sur sa prétendue volonté d’apaisement du jeu politique. En réalité, il cherche à poursuivre sa gestion clanique de l’État et à faire endosser les recettes libérales des officines financières internationales par une coalition encore plus large de forces de régression sociale.
Le ton est donné avec ces théories populistes anti-pauvres et anti-travailleurs, qui se soucient fort peu du bien-être des travailleurs auxquels on dénie une revalorisation salariale et s’acharnent sur les couches socialement vulnérables, déguerpies sans ménagement, sous couvert d’ordre et de propreté.
Quant aux partis d’opposition, si prompts à mettre sur pied des coalitions éphémères, ils doivent faire bloc sur cette question de dialogue national, qui ne peut être une simple affaire d’états-majors.
Comme le montrent les récents exemples algérien et soudanais, il s’agit d’un combat de longue haleine, dans lequel, le peuple souverain est appelé à prendre toute sa place. Cela devra se faire, par une approche décentralisée, autour d’une plateforme minimale commune aux partis, coalitions et acteurs de la société civile, pour remettre la gouvernance politique de notre pays sur les rails.