LE MALI DE GOÏTA EN PLEIN DÉNI
Maintenant que l’armée française s’est complètement retirée du pays, il va être difficile d’imputer à l’ancien colonisateur les revers des soldats de Bamako et l’avancée des groupes jihadistes

Avec une poignée de mercenaires russes, la junte malienne doit désormais assumer ses responsabilités alors que les Casques bleus sont progressivement mis sur la touche et que la Cedeao est en train d’assouplir son train de sanctions économiques. La récente attaque menée contre le camp de Kati, à moins de 20 km de la capitale, n’est guère rassurante à cet égard.
Attachés à leur souveraineté, de nombreux Maliens ne semblent pourtant pas prendre la mesure de l’inefficacité de leur appareil militaire. Le décalage n’en est que plus saisissant avec la vision catastrophiste de la situation qui circule dans les capitales européennes, en l’occurrence sur la base d’un scénario d’effondrement à l’afghane.
Selon un sondage de la fondation allemande Friedrich-Ebert, plus de la moitié de la population malienne estime ainsi que le retrait de la force Barkhane va avoir un effet positif, les militaires français étant régulièrement accusés de complicité avec les groupes insurrectionnels. Dans le même ordre d’idées, 84 % des personnes interrogées pensent que le niveau d’insécurité a diminué dans leur région et que la situation générale du Mali s’est améliorée au cours de l’année passée. Dans les pays voisins, de nombreux Burkinabè et Nigériens ne cachent pas non plus leur admiration pour une junte qui a prétendument réussi à affirmer son indépendance en se débarrassant de la tutelle politique et militaire de l’ancienne puissance coloniale.
Les civils pris entre deux feux
Au Mali, le taux de satisfaction à l’égard des forces de défense et de sécurité est à l’avenant : jusqu’à 98 % si l’on en croit les résultats de l’enquête de la fondation Friedrich-Ebert. Sur le terrain, la réalité est pourtant moins plaisante à entendre. Gangrénée depuis plusieurs décennies par la corruption, l’indiscipline, le népotisme et l’impunité, l’armée malienne se révèle incapable de protéger les civils dans les zones rurales les plus reculées. Ces derniers doivent en conséquence négocier des ententes avec les jihadistes pour assurer leur survie. Pis encore, la soldatesque de Bamako nourrit le conflit en stigmatisant et en massacrant des Peuls qui, automatiquement suspectés de sympathies terroristes, vont rejoindre les rangs des insurgés pour essayer d’échapper aux exécutions extrajudiciaires ou à la torture en prison.