LE VIRUS ET L’AMPLIFICATION DE TOUS NOS MAUX
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps - Les Sénégalais ont trouvé normal que la première dame use de sa position pour faire vacciner ses proches chez elle alors que seules les personnes âgées étaient autorisées à ce moment-là
#SilenceDuTemps - Cette pandémie qui nous rappelle l'essentiel et donne sa chance au consommer local est-elle réellement une malédiction pour le Sénégal ?
Dans notre pays le Sénégal, les frontières ont été fermées et les vols exclusivement réservés aux voyageurs ayant une raison impérieuse ou rentrant chez eux ; pendant de longs mois en 2020 alors que nous avions moins de 100 nouveaux contaminés par jour. Cette mesure radicale accompagnée d’un couvre-feu et d’un état d’urgence qui s’est vu interrompu à la faveur des malheureuses émeutes de la faim de mars 2021 a imposé à l’ensemble de la population de Dakar de nouvelles règles de vie. Ces nouvelles règles de vie, les plus avisés des dakarois se les sont appropriées encore cette année et continuent de les respecter au mieux, malgré l’inavoué désengagement de l’État à protéger les populations ignorantes du danger de la Covid-19 contre ce qu’ils encourent réellement.
Ces populations défavorisées ne soupçonnent pas l’étendue du nombre de contaminés ni de morts dues à la Covid-19 depuis le mois de juin 2021 dans notre pays. Elles constatent chacune dans son hameau qu’il y a un peu plus d’enterrements et de personnes grippées mises en quarantaine selon les moyens dont disposent les familles.
Grâce à des patriarches et mamies sages que nous n’écoutions plus depuis longtemps, parce que gonflés par la facilité d’accès aux pharmacies et la pléthore de compléments alimentaires synthétiques inondant nos rayons ; nous avons découvert les vertus miraculeuses de nos plantes locales trop longtemps inconsidérées, mais riches à tel point qu’elles nous reviennent reconditionnées et sous marques occidentales déposées non sans y avoir ajouté des adjuvants et autres conservateurs nocifs, promettant de nous rendre moins fragiles face à de nombreuses attaques virales. Les Sénégalais ne pouvant donc pas se ruer aux pharmacies approvisionner toute leur famille en zinc et vitamines pour booster leur immunité comme recommandé en cette période, ont dû faire le choix du retour aux sources. Eh oui, face à cette vague venue avec le variant delta, les Sénégalais ne sont pas égaux.
- Fortunes diverses -
Il y a ceux qui pour s’en protéger ont pris un vol pour l’étranger avec leurs enfants et une nounou chanceuse dans certains cas. Ceux-là, l’an passé ont fait partie des nouveaux adeptes du consommer local par contrainte. Les frontières fermées obligeant. C’est donc ceux-là qui ont permis que l’inégalable beauté de nos plages et de nos bolongs jadis ignorés des classes moyennes et bourgeoises sénégalaises les voient venir partager l’engouement traditionnel des expats du Sénégal pour nos villes côtières. On était tenté de crier très fort, vive la Covid-19 !
Il y a ceux qui ne pouvant pas financer de longs séjours à l’hôtel à l’étranger ont pris l’option cette année, de la petite côte, des îles du Saloum ou de la Casamance dans des villas confortables avec piscine pour un confinement joyeux en famille les éloignant des nombreuses hypoxies joyeuses qu’on nous compte durant nos condoléances aux familles de victimes…. Que dis-je ? À nos familles victimes, car nous avons tous, sans exception, pleuré un collègue, un ami, un oncle, une tante, un père, une mère, un époux, une épouse, un enfant emporté par ce virus satanique qui nous est arrivé par les mêmes avions qui aujourd’hui nous convoient les vaccins. Nous avons chacun pleuré son Pape Diouf, son Mansour Cama, son Thione Seck, son Mabousso Thiam, son anonyme et bien d’autres personnes importantes dans sa vie et dans leurs communautés.
Il y a aussi ceux-là qui contre mauvaise fortune ont eu le bon sens et se sont rués vers les centres de santé pour se faire injecter ces vaccins qu’ils avaient boudés en début d’année inconsciemment influencés par soit les médias français propagandistes à outrance dont nous sommes, nous sénégalais dépendants alors qu’on crie “France dégage” ; soit par les réseaux sociaux qui malheureusement ont donné une tribune à tous les déséquilibrés de la terre qui jadis ne pouvaient empoisonner personne de leurs venins verbaux
Et je vais m’en arrêter là, il y a ceux pour qui la Covid-19 est une légende ; ceux qui ne portent pas de masque, ne se désinfectent pas les mains, essaient de vous étreindre quand ils vous rencontrent, ne supportent pas que vous leur tendez du gel hydro alcoolique sur le seuil de votre maison, mangent encore à 7-10 autour d’un bol lors d’événements familiaux. Ceux-là qui vont encore à la mosquée le vendredi ou à la messe du dimanche là où pour 10 fois moins tous les chefs religieux avaient fermé leurs lieux de culte en 2020. Ceux-là qui maintiennent encore leur refus du vaccin qu’il soit chinois ou Pfizer ou AstraZeneca ou Johnson & Johnson. Pour ces personnes défavorisées et pas assez éduquées, non encadrées par l’État, le seul recours c’est le tout puissant Allah. On dit avec ferveur « Yallah bax na » et on accepte avec une fatalité déconcertante la perte de malades de Covid-19. Que Dieu reçoive leurs âmes au paradis et nous pardonne à tous notre culpabilité passive ou active à l’ampleur de cette vague.
Les Sénégalais ne sont donc pas tous égaux devant la Covid-19 aussi bien du point de vue de leur manière de la gérer que de leurs moyens d’y faire face. De nombreuses vidéos encore une fois relayées par les réseaux sociaux nous peignent un tableau morose de la capacité de prise en charge de nos hôpitaux. C’est aussi le récit d’une accompagnante de malade de Covid-19, en attente de respirateur ou de réanimateur qui regarde impuissante sa belle-mère décéder suite à un défaut de place en réanimation au CHU où elle avait été évacuée en ambulance privée depuis une des nombreuses cliniques de Dakar. Je dirai plutôt hôtels médicalisés médiocrement équipés et en sous-effectif où vous attendez 2-3 heures que le médecin spécialiste en contrat avec l’établissement arrive entre deux consultations ailleurs. Ces cliniques privées comptent majoritairement dans la carte sanitaire de notre capitale malheureusement. Ne nous y trompons pas, ce n’est pas ici le procès de nos vaillants médecins et autres soignants risquant tous les jours leurs vies pour sauver leurs compatriotes avec les moyens dérisoires dont ils disposent. Nous faisons juste un triste constat que près de 18 mois après le début de ce satané Covid et 1000 milliards plus tard, notre pays n’est pas prêt pour faire face à cette vague meurtrière et nous n’avons pas connaissance d’une stratégie de riposte pour stabiliser puis réduire la progression afin d’alléger la facture humaine.
Par peur d’un choc émotionnel en cas de non-respect du rite funéraire pour accompagner le défunt à sa dernière demeure et lui offrir des funérailles dignes, on multiplie les cas contacts et on se rend individuellement complice de la montée du nombre de nouveaux cas… Hélas, le temps d’une journée de deuil, puis vient la nuit, cette terrible chose qui te laisse seul avec tes réflexions pour résoudre les problèmes qui t’attendent le lendemain. Et on s’effondre de fatigue, de stress, de peur d’être contaminé, en espérant que demain ne nous annonce pas un nouveau décès auquel on devra encore sacrifier à la tradition. C’est comme ça et pas autrement, on se doit d’y être si Allah en a voulu ainsi.
Alors comme tout commence et finit par lui, prions-le pour que chaque pas contre la Covid-19 dans notre pays soit fait pour que les inégalités face à cette maladie se résorbent. Que chacun de son côté, chacun à son niveau fasse ce qu’il doit. Que le tout puissant Allah fasse que tous les fonctionnaires remplissent leur devoir envers les populations dont les impôts si nombreux assurent leurs salaires. Que notre Dieu rende chaque Sénégalais assez conscient du danger et assez patriote pour respecter tous les gestes barrières recommandés dans le but d’endiguer cette pandémie. Et enfin puisse-t-il pour rendre tout cela plus facile en continuant d’augmenter le nombre d’entreprises privées engagées auprès de l’État ainsi que celui des individus soucieux de leurs communautés pour soutenir la lutte contre cette pandémie venue nous rappeler que la santé publique est essentielle au développement de notre pays et de l’Afrique.
- Pour un meilleur Sénégalais -
Qu’Allah nous éclaire afin que nous nous libérions du poids de la fatalité et posions chacun à son niveau, les actes qu’il faut pour que la somme des petits maux insignifiants vus d’en haut ; mais que notre pays collectionne et qui lui donnent un taux de pauvreté supérieur à 50% ; soient résorbés. Ce sont ces nombreux maux qui nous handicapent et nous empêchent de remonter du bas de l’échelle dans le classement des pays selon le PNB par habitant. Je puis sans me tromper citer au premier rang la corruption à tous les niveaux qui gangrène notre pays et qui est devenue normale dans l’inconscient populaire. On n’est pas offusqué de payer un agent de santé assermenté pour qu’il vienne nous administrer le vaccin contre la Covid à domicile parce qu’on ne veut pas risquer de se faire contaminer en passant trois longues heures à faire la queue sous le soleil dans le centre de santé de son quartier, là où on n’avait jamais mis les pieds avant la Covid…. Je ne citerai que des exemples de corruption, d’abus de position dominante et de manque de patriotisme directement liés au Covid sinon en plus d’être hors sujet, on abuserait largement de votre patience. Des exemples bien à propos il y en a énormément d’ailleurs, mais le plus triste c’est celui du constat que les Sénégalais ont trouvé normal que la première dame use de sa position pour faire vacciner ses proches chez elle alors que seules les personnes âgées étaient autorisées à ce moment-là. Que ni les autorités compétentes en charge des vaccins ne l’aient déconseillé, que ni le personnel déplacé pour administrer les doses dans les jardins du petit palais de Mermoz n’ait refusé d’y aller et que pour couronner le tout, des personnes parmi les élues pour cette séance privée de vaccination n’en aient pas eu honte et ont oser en partager une vidéo pour s’en prévaloir… C’est à nul égal le pire exemple qu’on puisse donner pour montrer à quel point la corruption peut être devenue normale dans l’inconscient collectif… Qu’Allah nous en délivre.
Une fois le champion toutes catégories de cette longue liste de maux cités, nous pouvons énumérer les autres juste pour qu’ensemble nous fassions de cette période d’auto confinement, une période de recueillement et de remise en question pour aboutir à un mea maxima culpa et à la prise des bonnes résolutions pour qu’à la reprise de la vie normale, nous entamions un Sénégal qui marche progressivement vers un pays sans tous ces maux qui nous gangrènent. Que nous nous engageons déjà à mieux valoriser le travail de nos employés de maison ces femmes de ménage, ces chauffeurs, ces gardiens et toutes autres aides à domicile sans qui nous ne pourrons pas avoir la qualité de vie que nous avons et qui nous permettent de nous confiner dans nos salons climatisés, car assurent toutes nos petites courses et besognes. Que les nombreux investisseurs dans l’immobilier qui pendant cette pandémie qui a entraîné une crise économique sans précédent, continue de faire sortir de terre des immeubles cotés à des centaines de millions voire des milliards pour certains là où la part du salaire des ouvriers non protégés qui y travaillent jour et nuit est dérisoire. Hélas l’homme pour ces gens est moins important que les matériaux de luxe qu’elles ont acquis avec cet argent qu’on ne saura jamais tracer. Vous l’aurez compris, le second mal de notre société sénégalaise est lui aussi fortement lié à la corruption. Donc en seconde place c’est bien de l’exploitation des pauvres qu’il s’agit. On peut aussi l’appeler manque d’empathie et de considération pour son semblable.
Arrivent ensuite : la malhonnêteté, le manque de rigueur, le laxisme au travail, l’absentéisme, le goût pour le gain facile, le poids de la culture déformée au fil du temps par des pratiques de racket organisé par les femmes, la déscolarisation précoce des enfants, la démission des parents dans l’apprentissage des valeurs morales fondamentales, le mariage précoce des filles en milieu rural et le manque de respect de la chose publique.
Tout ceci a conduit à la situation de forte précarité que vit une grande partie de la population de nos villes pour qui leur mauvaise condition de vie les rendant encore plus vulnérables face à la Covid est normale… Ils acceptent le surpeuplement des maisons avec plusieurs familles se partageant une seule cour exiguë et une ou deux toilettes pour 20 âmes. Ils ont normalisé qu’aller travailler signifie être debout à 5 heures tous les matins et rentrer chez soi à 21 heures, laissant les jeunes enfants livrés à eux-mêmes étant donné que les mamans et mamies sont obligées d’avoir elles aussi une activité lucrative. Il faut arrondir les fins de mois donc elles ne peuvent plus se payer le luxe d’être mères au foyer… Pour ces travailleurs pauvres, la pandémie ne peut être taclée que par Allah, car ils sont entassés dans les transports en commun lorsqu’ils ne sont pas sur leur lieu de travail tout aussi risqué et sans aucun respect des mesures barrières par les entreprises qui les embauchent.
Prions donc que les résolutions que nous allons prendre après les blessures indélébiles que la pandémie nous aura laissées aboutissent progressivement à un changement radical de paradigme et laisse entrevoir l’espoir d’’un Sénégal et d’une Afrique meilleure.
Anne-Marie Mbengue-Seye est une experte en développement communautaire, en particulier dans les secteurs du financement et du soutien à l’autonomisation des femmes sénégalaises. Elle est titulaire d’un troisième cycle en Relations internationales du Centre d'Études Diplomatiques et Stratégiques de Paris ainsi que de deux Master’s en marketing et en qualité de services.